Verts et Insoumis, le week-end de la honte

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Le rappeur Médine a été l’invité des journées de rentrée d’EELV et de LFI. Cette complaisance marque un tournant dans l’histoire de la gauche.
Par Erwan Seznec
Si le but était de renouveler le genre un peu convenu des universités d’été, avec concours de hâle et interviews en tenue décontractée, il a été atteint. L’invitation du rappeur Médine aux journées de rentrée d’Europe Écologie-Les Verts au Havre, le 24 août, a transformé ce qui devait être trois jours de convivialité et d’ateliers studieux en psychodrame. Annoncée fin juillet, sa venue avait suscité quelques remous, sans plus. Ils se sont transformés en énormes vagues le 10 août, lorsque le rappeur a versé dans le jeu de mots antisémite, qualifiant dans un tweet l’essayiste Rachel Khan de « resKHANpée ».
C’en était trop pour l’eurodéputée EELV Karima Delli et pour la tête de liste aux européennes Marie Toussaint. Elles sont venues au Havre, mais elles ont bruyamment manifesté leur désaccord. Le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, et la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, ont décidé de sécher la rentrée. Dans un communiqué décousu, le 21 août, Pierre Hurmic évoque la nécessité de rester près des Bordelais pendant la canicule et de combattre l’antisémitisme.
« EELV s’est cramé de tous les côtés, comme des amateurs qui mendient les bons points médiatiques », avait taclé Jean-Luc Mélenchon sur son blog, le 19 août. « Je suis d’accord avec lui, enrage un élu EELV. J’étais contre l’invitation de Médine, mais une fois qu’elle était lancée, il fallait assumer collectivement, comme l’ont fait les Insoumis. » Médine intervenait le 26 août aux Amfis, les universités d’été de LFI, à Châteauneuf-sur-Isère, près de Valence (Drôme). Il a été acclamé sans retenue. Le programme officiel le présentait comme un « narrateur infatigable » qui « manie la langue de Molière comme personne ». En invitant Médine, les Verts ont perdu sur les deux tableaux : ils ont blessé la partie de leur électorat pour qui l’antisémitisme est inadmissible et, en condamnant son tweet, ils sont passés pour des lâches auprès de ceux qui pensent au contraire que les juifs, comment dire…
Le cynisme d’EELV
Or ces antisémites ne seraient pas forcément infréquentables. C’est ce qu’a expliqué l’adjoint EELV aux mobilités de la Ville de Paris, David Belliard, sur BFMTV, le 23 août. Son explication, d’un cynisme ahurissant, est passée curieusement inaperçue. Soulignant que Médine est l’auteur d’un tweet antisémite ciblant Rachel Khan, Belliard le défend pourtant. Principe de réalité : l’artiste peut se permettre des déclarations qui sont – encore ? – intolérables dans la bouche d’un élu de gauche. Pour Belliard, Médine touche un public « qui n’utilise pas les mêmes mots feutrés que ceux de la politique qui se fait à Sciences Po Paris ». « L’antisémitisme doit être combattu », ajoute-t-il, mais « Médine le dit lui-même, il y a un sujet ».
En jouant avec l’antisémitisme, le rappeur prétend toucher la population des quartiers, dans le but, ajoute Belliard, de déconstruire ses préjugés.
Vice-président LR de la région Île-de-France, candidat aux municipales à Trappes, né marocain, Othman Nasrou en reste pantois. « Comme l’extrême gauche et une partie de la gauche, David Belliard considère que parler aux habitants des banlieues passe nécessairement par le rap et par l’acceptation de l’antisémitisme. C’est sidérant. »
Ce pourrait être, de surcroît, un mauvais calcul. En dehors du fait que l’influence de Médine dans les cités reste à démontrer (il n’est même pas dans le top 50 du rap de la plateforme d’écoute en ligne Spotify), le ressentiment à l’égard des juifs n’est pas forcément là où le présume David Belliard. Dans une enquête réalisée en 2022, la Fondapol relève que les préjugés antisémites (« les juifs ont trop de pouvoir dans les médias, dans la finance », etc.) sont plus répandus dans la classe moyenne (entre 1 900 et 2 500 euros de revenus mensuels) que chez les pauvres (moins de 900 euros de revenus) : 29 % d’un côté, 23 % de l’autre. L’idée que les juifs « tiennent » la finance est presque aussi répandue chez les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (33 %) que chez ceux de Marine Le Pen (39 %). Chose inimaginable dans les années 1990, quand l’antisémitisme était d’extrême droite, un sondé sur cinq de culture juive interrogés par -Fondapol cite les idées d’extrême gauche comme une des causes principales de l’antisémitisme en France…
« J’ai été le révélateur de quelque chose qui me dépasse », analyse Rachel Khan, sans cacher son effroi devant l’évolution d’EELV. Elle a commencé sa vie active en travaillant pour le parti. « J’avais étudié sur l’Organisation mondiale du commerce, Alain Lipietz s’est intéressé à mes travaux. Je me suis retrouvée embauchée pour préparer la campagne des européennes de 2004. »
Vingt ans ont passé, l’heure de Médine est venue. Lui n’a pas changé. Malgré l’esprit Charlie, dont il se revendique pour appeler à « cruficier les laïcards » dans sa chanson « Don’t Laïk » (2015), il n’est jamais allé jusqu’à se moquer de l’islam. Depuis la création de son label Din Records, en 2002, le rappeur de 43 ans n’a jamais dévié. L’islam est central dans sa vision du monde. Il lutte contre l’extrême droite parce qu’il la juge islamophobe. Son adhésion aux valeurs de gauche, par ailleurs, n’est pas flagrante. Il est proche depuis des années de l’association frériste Havre de savoir. Ses clips véhiculent tous les stéréotypes du rap : grosses voitures, armes de poing, virilité surjouée.
En quelques années seulement, il sera passé d’une conférence avec Hani Ramadan (favorable à la lapidation des femmes adultères, désormais interdit de séjour en France) à une cordiale discussion avec Marine Tondelier, secrétaire nationale des Verts, avant d’enchaîner avec Mathilde Panot, députée LFI. Aux Amfis, elle s’est déclarée honorée de le recevoir. Avant sa venue, elle disait à la presse qu’elle verrait avec lui s’il voulait ou non reparler de son tweet.
Certes, on meurt rarement de honte en politique. « Que reste-t-il de la polémique contre moi il y a un an à propos de mes trajets en avion vers la Colombie ? interroge Jean-Luc Mélenchon, toujours sur son blog. Tout cela est tellement évanescent ! »« En tendant le micro et en passant les plats à un victimocrate comme Médine, la gauche va finir par se faire défoncer, prophétise au contraire Rachel Khan, sans cacher son mépris pour le personnage et son inquiétude pour EELV. J’avais traité Médine de déchet à recycler, mais c’est plutôt dans les idées des Verts qu’un recyclage s’impose. »
Le constat est sans doute valable aussi pour les Insoumis. En novembre 2017, à l’Assemblée, quand le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer condamne un stage en non-mixité organisé par SUD-93, le député Mélenchon l’applaudit ostensiblement. En août 2023, « une zone en non-mixité choisie est instaurée » aux Amfis. « Dans tous les partis, les militants vont plus loin que les simples électeurs… » s’excuse un député Insoumis, peu emballé par cette initiative. « Attention, tempère un autre député EELV. Chez nous, sur Médine, c’est la direction qui est allée trop loin. Si on avait consulté les militants, il serait resté chez lui. Et je ne parle même pas de nos électeurs. »
Moins médiatisés que Médine, d’autres invités des journées d’été des Verts et des Insoumis montrent que les deux états-majors démarchent les mêmes niches radicales, dans l’espoir de construire leur audience bloc par bloc.
LFI avait invité un agronome, promoteur des fermes véganes. Les Verts tendent le micro à Brigitte Gothière, cofondatrice de l’association antispéciste L214, sans considération pour les nombreux éleveurs bio sympathisants ou adhérents.
Attac était invité des deux côtés. L’association vit sur une image consensuelle de club d’experts et d’universitaires marqués à gauche, intéressés par les questions fiscales. Erreur. Attac apporte son soutien aux extrémistes et se montre très ambivalent sur l’emploi de la violence. Le premier juillet 2023, le secrétaire général d’Attac, Vincent Gay, entendu par une commission d’enquête parlementaire, a approuvé le saccage d’une usine Lafarge par les Soulèvements de la Terre en décembre 2022, qualifiant de « dommages symboliques » des dégradations qui se sont soldées par 800 000 euros de dégâts et 5 millions de pertes d’exploitation.
Sarah Durocher était invitée elle aussi au Havre et à Châteauneuf-sur-Isère. Elle est présidente nationale du Planning familial, réseau aujourd’hui tenu par des activistes, qui considèrent que les hommes peuvent être enceints, que le sexe est un « construit social » et qu’il est possible d’en changer tout au long de la vie. Également invitée chez LFI, Fatima Ouassak, passée par les Indigènes de la République, fondatrice de l’association du Front de Mères, propagandiste inlassable de la thèse du racisme structurel de l’État français. « Je veux que Fatima Ouassak soit à l’Assemblée », déclarait Sandrine Rousseau dans l’émission en ligne Brain en 2021… « Si elle y siège un jour, pronostique un ancien élu Vert, ce ne sera pas dans la majorité. C’est mécanique. La limite de la prospection par niches radicales, c’est qu’elle fait souvent perdre un électeur pour en gagner un autre. Jean-Luc Mélenchon a raison, l’affaire Médine sera viteoubliée, mais le but n’est pas de faire du surplace. Qui peut assurer que l’inviter fera bouger le solde net des voix LFI et EELV ? »

SOURCE
https://www.lepoint.fr/politique/verts-et-insoumis-le-week-end-de-la-honte-30-08-2023-2533268_20.php

happywheels

1 Comment

  1. David dit :

    « insoumis « ? Vraiment ?

    C’est tout le contraire….
    Ne servent ils pas de paillasson et de marche-pieds pour les pires ennemis de la France ?
    Demain la France se réveillera à l’appel du muezzin qui remplacera le chant du coq .
    Ce jour les « insoumis  » apprendront le mot « collabo et soumission  » en langue arabe .

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