Souvenir de l’Affiche rouge : « Ne dites pas à mes élèves qu’ils étaient juifs ! »
« Les 70 ans de « l’Affiche Rouge » célébrés à l’école : « SVP, ne dites pas à mes élèves qu’ils étaient juifs ! » (Article paru en 2014)
C’est aujourd’hui le 70ème anniversaire de l’exécution par les nazis des 22 résistants, fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien. Ils seront pris en exemple sur l’Affiche rouge, une affiche de propagande allemande placardée à Paris au printemps 1944, pendant l’occupation nazie.
Elle fut tirée à 15 000 exemplaires.
Mais il faut, paraît-il, en parler avec précaution.
Dîtes immigrés, étrangers… Ça plaît et ça plaît même beaucoup.
Dîtes autre chose… Ca gêne et ça gêne même beaucoup. Etant l’auteur d’un livre sur le sujet, j’étais invité pour en parler devant des élèves d’un lycée professionnel de Mantes-la-Jolie. Avant que je n’entre dans la classe, la prof m’a pris à part.
« Je pense que ce serait mieux si vous vous absteniez de dire qu’ils étaient juifs. Vous pourriez vous contenter de dire qu’ils étaient immigrés et étrangers. Vous comprenez, avec la Palestine et tout ça… ».
J’ai tout de suite compris. Et avant qu’elle me suggère de dire que les combattants de la FTP-MOI étaient, comme ses élèves, « issus de la diversité« , j’ai tourné les talons .
Ça arrive parfois. Pas toujours. Mais ça arrive. Les lignes qui vont suivre sont dédiées à ces élèves et à leurs profs. Les héros de l’Affiche Rouge étaient qualifiés de « terroristes » par les nazis. C’est pourquoi on se précipite aussitôt pour les rapprocher des terroristes islamistes. Ils étaient résistants. Et dans la même veine ignominieuse, on n’a pas hésité à les comparer aux « résistants », palestiniens ou afghans.
Et il est tout à fait interdit de dire que ces résistants-là, ceux de l’Affiche Rouge, auraient bondit d’horreur à l’idée d’être enrégimentés dans la famille des égorgeurs islamistes.
Ils étaient immigrés et étrangers. Donc pas français, donc eux aussi, en quelque sorte, « issus de la diversité ».
Là, il ne s’agit même plus d’un mensonge, mais d’une imposture révoltante .
Evidemment qu’ils étaient français. Français comme certains ont du mal à se l’avouer aujourd’hui.
Ils aimaient la France, la langue française (dans les familles juives, d’où ils venaient pour la plupart, on leur faisait un devoir, précisément parce qu’ils étaient d’ailleurs, d’être dans les premiers dans cette matière à l’école).
Ils aimaient le drapeau tricolore avec un penchant évidemment prononcé pour le rouge.
Et puis, ils étaient juifs, très juifs . Ils parlaient le yiddish, ou l’apprenaient. Et, dans leur identité, les mots « Juif », « Français », « communiste » (je ne suis pas sûr de l’ordre, c’était peut-être « Français », « communiste », « Juif »), formaient un puzzle d’une merveilleuse générosité.
Quand le gouvernement de Vichy assura leur gloire posthume avec la célèbre Affiche Rouge, ils furent désignés comme « judéo-communistes« .
Une qualification qui n’était pas fausse. Vichy disait vrai. Mais pour des raisons abjectes : il fallait les envoyer à la mort.
Quand des professeurs de nos écoles dépouillent les 22 de leur identité juive, ils mentent. Pour des raisons basses.
Il y a sans doute des hommes qu’il faut assassiner deux fois. »
Benoît RAYSKI et atlantico.fr
On ne résiste pas à citer des extraits du poème patriotique du très communiste ARAGON
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Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
l’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine pour le peuple allemand
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps
vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
vingt et trois qui criaient La France en s’abattant