Seine Saint-Denis :Commande de kalachnikov et littérature djihadiste : en garde à vue, l’intrigant silence d’un fiché S
Un homme de 27 ans a été interpellé cette semaine en Seine-Saint-Denis. Connu des services de renseignement, il n’a pas reconnu de projet d’action violente devant les enquêteurs.
Par Jean-Michel Décugis et Jérémie Pham-Lê
C’est une affaire qui intrigue les services d’enquête antiterroristes, à quelques jours de l’ouverture à Paris du procès historique des attentats du 13 novembre 2015. Depuis mercredi, un homme fiché S de 27 ans ayant commandé une kalachnikov sur Internet est en garde à vue dans les locaux de la Section anti-terroriste de la Brigade criminelle comme l’a révélé le Point. Il devrait être présenté en fin de journée à un juge antiterroriste en vue d’une mise en examen. Le parquet national antiterroriste (Pnat) a ouvert une enquête pour association de malfaiteur terroriste criminelle et infraction à la législation sur les armes en relation avec une entreprise terroriste. La Direction générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) est co-saisie de cette enquête.
L’homme, originaire de la Seine-Saint-Denis et interpellé dans le même département en milieu de semaine, est soupçonné d’avoir commandé sur un site obscur du Darknet en provenance des États Unis le fusil d’assaut ainsi que des munitions. Le colis est parvenu vide à son destinataire car l’arsenal avait été intercepté en amont par les Douanes. Selon nos informations, le suspect, connu des services de renseignement, n’a reconnu en garde à vue aucun projet d’action violente, ni donné la moindre explication sur cette intrigante livraison d’arme de guerre.
« Le suspect joue les imbéciles »
En l’état des investigations, difficile de déterminer si l’arme était destinée à un projet de droit commun – tel un braquage – ou à un projet terroriste, comme un attentat. Aucune cible n’a été mise en évidence à ce stade mais les investigations vont se poursuivre sur le profil et les motivations de cet homme secret. Des supports informatiques sont en cours d’exploitation. « La finalité de l’acquisition reste incertaine, en garde à vue, le suspect joue les imbéciles », confie une source proche du dossier. Mais fait inquiétant : lors de la perquisition à son domicile, les enquêteurs antiterroristes ont mis la main sur une importante littérature djihadiste.
Cette affaire survient alors que la menace terroriste est toujours très élevée à la veille du procès des attentats du 13 novembre qui ont fait 130 morts et plus de 350 blessés à Paris et en Seine-Saint-Denis. 20 accusés doivent être jugés, dont le seul survivant des des commandos téléguidés par le groupe islamique (EI), Salah Abdeslam. Le procès qui démarre le 8 septembre et doit durer près de neuf mois va se dérouler sous sécurité maximale.
On se souvient que le 25 septembre 2020, en plein procès des attaques de janvier 2015 et peu de temps après la republication des caricatures par le journal satirique Charlie Hebdo, un Pakistanais, Zaheer Hassan Mahmoud, 25 ans, avait grièvement blessé au hachoir deux personnes devant les ex-locaux de l’hebdomadaire. Interpellé peu après, le suspect avait été mis en examen pour « tentatives d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste » et « association de malfaiteurs » terroriste criminelle, et placé en détention provisoire à la prison de la Santé à Paris. Deux autres attaques terroristes s’étaient produites dans la foulée à Conflans-Sainte-Honorine puis à Nice.