Quand Sophia Chikirou fait de François Hollande le chef des punaises de lit

Par Serge Raffy
En lançant sa boule puante sur Laurence Tubiana, candidate à Matignon du PS, des Verts et du PC, Sophia Chikirou, la députée LFI, a-t-elle franchi une ligne rouge ? Comment le NFP peut-il espérer gouverner dans un tel climat de défiance ?
C’est décidément plus fort qu’eux. Ils ont beau jouer les apaisés, les prêts à gouverner, les raisonnables, au premier virage, le naturel revient au galop. Gauchiste un jour, gauchiste toujours ? Dans la séquence picrocholine que nous offre le Nouveau Front populaire depuis plus d’une semaine à propos de la désignation de leur Premier ministre, les affidés de Jean-Luc Mélenchon ont encore frappé fort. Alors que les socialistes, contrits, tétanisés à l’idée que la machine de ce rassemblement improbable ne vole en éclats, multiplient les gestes de bonne volonté, ferment les yeux sur les incartades et les brutalités de leur allié, ils récoltent régulièrement des fins de non-recevoir.
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Pour ne pas dire des paires de gifles. La dernière, la sortie de Sophia Chikirou, députée de Paris, proche parmi les proches du leader du parti d’extrême gauche, en guise de refus de la candidature pour Matignon de Laurence Tubiana. Économiste de formation, cette ex-collaboratrice et amie de Lionel Jospin, âgée de 73 ans, est de toute évidence particulièrement adaptée aux nouveaux enjeux du dérèglement climatique. Grande spécialiste de la biodiversité, elle fut conseillère de Jospin à Matignon, puis nommée par François Hollande, en 2015, ambassadrice pour la conférence de Paris sur les changements climatiques. Elle a coprésidé en 2020 la Convention citoyenne sur le climat, sous le gouvernement d’Édouard Philippe. Son nom fut même cité pour succéder à ce dernier, rue de Varenne. Les socialistes avaient là une candidate « de la société civile » particulièrement rassembleuse. Trop rassembleuse.
Et là, patatras. Sophia Chikirou lance sa boule puante. « Le hollandisme, c’est comme les punaises de lit : tu as employé les grands moyens pour t’en débarrasser, tu y as cru quelque temps et tu as repris une vie saine (à gauche), mais en quelques semaines, ça gratte à nouveau et ça sort de partout… », lance-t-elle. Et de conclure : « Il va falloir recommencer ! » En route pour une forme de dératisation ? La formule devrait être enseignée dans toutes les écoles pour étudier les fondements du totalitarisme.
Le vade-mecum du parfait petit stalinien est assez simple. Première étape : chosifier l’adversaire, en faire un animal nuisible. Deuxième étape : l’éliminer, le karchériser. Dans l’histoire des dictatures, le mot le plus régulièrement utilisé pour nommer l’opposant politique est celui de « vermine ». Là, on a modernisé le propos avec les punaises de lit, fléau lié à la mondialisation, aux échanges.
Imaginez une demi-seconde Jordan Bardella user de ce genre de formule. On crierait au retour du nazisme. Comment les socialistes, les Verts, le PC peuvent-ils croire encore une seconde que leur allié a l’intention de gouverner le pays avec eux ? Combien de temps peuvent-ils encore manger leur chapeau ? Combien de temps vont-ils accepter de poursuivre cette partie de poker menteur ? Cette sortie gravissime, indéfendable, d’une proche du fondateur de LFI en dit long sur leur désir de partager le pouvoir avec les suppôts du « hollandisme ».
La seule présence dans l’hémicycle de l’ancien président de la République donne, à coup sûr, des boutons à Jean-Luc Mélenchon. Hollande, chef des punaises de lit ? L’intéressé doit apprécier. De quoi raviver l’idée qu’il serait grand temps que le PS et ses alliés Verts et communistes quittent ce navire brinquebalant et nauséabond du NFP. Avant le désastre.
Source
Le Point