Quand Jean-Luc Mélenchon est accusé d’antisémitisme dans L’Humanité

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Par Bruno Rieth
Dans le cadre de sa chronique tenue dans « L’Humanité », l’écrivain Jean Rouaud a publié un billet accusant sans détour Jean-Luc Mélenchon d' »antisémitisme ». Ce qui a fait bondir les proches du leader des Insoumis avant que le directeur du journal communiste ne prenne la plume en personne, ce mercredi 13 décembre, afin de condamner ce propos.
On savait qu’entre les communistes et le chef de file des Insoumis, l’ambiance n’était pas vraiment à la chaude camaraderie. Mais pas que l’animosité irait jusqu’à l’insulte. Pis, que Jean-Luc Mélenchon subirait un procès en antisémitisme de la part de ses ex-alliés du Front de gauche. Pourtant, dans l’édition de l’Humanité de ce mardi 12 décembre – journal fondé par Jean Jaurès en 1904 puis passé dans le giron communiste dans les années 20 -, l’écrivain Jean Rouaud n’y va pas par quatre chemins dans la chronique hebdomadaire qu’il tient depuis 2015.
Ce texte accuse sans détour Jean-Luc Mélenchon de verser dans « l’antisémitisme ». Rien de moins. Selon lui, « on a beau mettre la main sur le cœur en prenant un air outragé du genre moi, jamais, c’est du poison qui se distille. Et il est faux de penser qu’il se cantonne aux divisions d’extrême droite ». Sans jamais nommer l’ex-candidat à la présidentielle mais en l’affublant de sympathiques sobriquets comme « l’apprenti bolivariste » ou « le général Quinoa de l’Assemblée », Jean Rouaud estime que cet antisémitisme s’est révélé au grand jour dans une note de blog du tribun rédigée après son passage dans L’Emission politique le 30 novembre. « Parce que de rechute en rechute il n’est pas possible de faire comme s’il ne s’agissait que de dérapages isolés imputables à la fatigue, à un emballement lyrique ou à un journaliste pugnace », écrit-il.
Parce que de rechute en rechute il n’est pas possible de faire comme s’il ne s’agissait que de dérapages isolés.
Jean Rouaud, chroniqueur à L’Humanité
Triangle rouge contre étoile jaune
Le 4 décembre, le député des Bouches-du-Rhône avait publié une longue, très longue analyse revenant entre autres sur son passage dans l’émission de France 2 quatre jours plus tôt. Dans ce texte d’un peu plus de 40.000 signes, on pouvait lire dans sa première version : « J’ai cru Léa Salamé de bonne foi quand elle m’a invité (…) J’ai cru à un super débat sur les deux doctrines économiques en présence et ainsi de suite. Je ne me suis pas préoccupé de ses liens familiaux, politiques et communautaires. Quand elle m’a pris à partie sur mon patrimoine de riche, moi le fils d’un postier et d’une institutrice, j’aurais pu lui en jeter de biens bonnes à la figure en matière de patrimoine et de famille ».
Lire aussiMélenchon règle ses comptes avec « L’Emission politique »… à la sulfateuse
Une attaque contre la journaliste pas plus détaillée (de quel communautarisme parle Jean-Luc Mélenchon ?), qui sera modifiée quelques heures plus tard, donnant : « Je ne me suis pas préoccupé de ses liens familiaux et communautaires politiques ». Entretemps, la phrase initiale aura notamment été relevée par l’éditorialiste de France Inter Thomas : « Cette phrase n’est normalement pas du registre mélenchonien. Elle est (et je ne fais jamais ce parallèle, mais là…), elle est lepéniste (jean-mariste) ».
Pour le chroniqueur de L’Huma, cet épisode n’est en fait qu’une pierre parmi tant d’autres. « Pendant la présidentielle, il n’avait pas été difficile d’interpréter en sous-texte les symboles mis en avant (…) comme le triangle rouge se substituant sur le cœur à l’étoile jaune », avance-t-il carrément. Et de se lancer dans une analyse alambiquée estimant que ce triangle rouge arboré sur le veston mélenchonien « revient, par cette substitution de signe (avec l’étoile jaune ndlr), à s’emparer de la souffrance de l’autre, à la recouvrir, et in fine à la nier ». En si bon chemin, Rouaud ne s’arrête pas là puisqu’il accuse également Mélenchon de complicité avec Renaud Camus, l’écrivain d’extrême droite, chantre du « grand remplacement ». « Au même moment le fanatique du grand remplacement expliquait que la Shoah (sans la nommer, ce serait la reconnaître) n’est rien en comparaison de ce génocide programmé des Blancs européens face à la déferlante de tous ceux qui ne le sont pas. Il est des voisinages qui interdisent absolument de découper comme au pochoir des cercles, communautaires ou autres, à l’intérieur de l’humaine condition », pointe l’auteur de la chronique, intitulée « La répétition ».

Un proche de Mélenchon dénonce une « calomnie »
Un point de vue qui a évidemment fait bondir de sa chaise, et sur son clavier, Benoit Schneckenburger, le garde du corps philosophe du tribun de la France insoumise et secrétaire national du Parti de gauche. « Pas dans L’Humanité, quand même ? Si, même dans L’Humanité, journal fondé par Jean Jaurès, on peut lire des calomnies infâmes sur Jean-Luc Mélenchon, sous la plume du pourtant d’habitude talentueux Jean Rouaud… », commence l’enseignant et docteur en philosophie. Pointant une « calomnie » qui viserait « à empêcher toute critique de la politique du gouvernement israélien », Schneckenburger dénonce une « manipulation (qui) apparaît non seulement délétère contre ceux qui sont ainsi injustement accusés d’antisémitisme, mais elle finit par en nier le fait même. L’antisémitisme est un crime, une forme de racisme qui disparaît quand tout propos politique anti-israélien est qualifié de tel. » Et demande à « la rédaction de L’Humanité » de prendre ses « responsabilités (…), elle qui a aussi souvent été accusée à tort d’antisémitisme ».
Pas dans L’Humanité, quand même ? Si, même dans L’Humanité (…) on peut lire des calomnies infâmes sur Jean-Luc Mélenchon…
Benoît Schneckenburger
Le patron de L’Huma voit rouge
Message entendu. Dans l’édition de ce mercredi 13 décembre, le patron du journal communiste prend la plume, une fois n’est pas coutume, en défense de Jean-Luc Mélenchon. Dans un billet publié dans les pages Débats & Controverses et intitulé « Pas ça ! », Patrick Appel-Muller dénonce « un texte qui ne passe pas ! ». « Echappée à notre attention, la chronique de Jean Rouaud, hier, ouvre contre Jean-Luc Mélenchon – jamais nommément cité – un mauvais procès en ‘antisémitisme' », affirme-t-il.Mettant en cause la thèse du chroniqueur selon laquelle le port par l’Insoumis en chef du triangle rouge aurait pour but de remplacer l’étoile jaune, « comme si les martyrs s’opposaient… », le directeur de la rédaction voit rouge lorsque « la chronique dépeint un voisinage avec Renaud Camus » : « Qui peut prétendre sérieusement que Jean-Luc Mélenchon, auteur de puissants discours sur l’horizon méditerranéen de la France, puisse avoir quoi que ce soit de commun avec l’écrivain d’extrême droite ? ».
Rappelant qu’à L’Humanité  » nous ne confondons pas le droit au débat d’idées (…) avec une entreprise de discrédit », le patron conclut : « ‘Le courage c’est de chercher la vérité et de la dire’, lançait Jaurès, le 30 juillet 1903. Cela reste notre boussole. »
Ça va mieux en le disant.
Source :
https://www.marianne.net/politique/quand-jean-luc-melenchon-est-accuse-d-antisemitisme-dans-l-humanite

happywheels

2 Commentaires

  1. Gilles-Michel De Hann dit :

    Manque pas d’aplomb !!!

    Pour la création d’un Conseil de déontologie du journalisme en France.

    Les médias et la presse jouent un rôle majeur dans la vie démocratique d’un pays. Mais ils ont aussi le pouvoir de façonner le débat public. Ce pouvoir peut donner lieu à des abus. D’autant plus qu’ils dépendent de 9 milliardaires pour 90% d’entre eux et du gouvernement pour le service public.

    L’émission politique de France 2 du 30 novembre 2017 dont j’étais l’invité est un modèle du genre. Contradicteurs dont l’engagement politique est caché, mensonges présentés comme des faits par le journaliste économique : tout était fait pour piéger son invité et non permettre au public de connaître son point de vue.

    Ces fautes déontologiques sont récurrentes dans cette émission mais, d’une façon générale, elles restent sans recours en France. Les citoyens n’ont aucun moyen d’obtenir une rectification publique en cas de mensonge ou de duperie médiatique. Cela ne fait pas partie des missions du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA). C’est un manque en République. L’accès à une information sincère, indépendante et honnête est une des condition de l’exercice de la souveraineté populaire.

    En Belgique, il existe un Conseil de déontologie journalistique. Il est composé de journalistes et de membres de la société civile. Tous les citoyens belges peuvent saisir cet organe en cas de manquement à la déontologie dans un reportage, une émission ou un article. Le média responsable est alors obligé de publier un rectificatif.

    Nous demandons la création d’un Conseil de déontologie du journalisme en France. Il devrait être composé de représentants des usagers des médias et de représentants des journalistes, y compris les précaires et pigistes. Ainsi, les citoyens disposeraient d’un recours pour faire respecter leur droit à une information objective.

    Le tout sur change.org !!!

    À l’heure où j’écris, il y a 143 000 signatures ☺

  2. Gilles-Michel De Hann dit :

    De nombreux députés et sénateurs ont profité de l’achat de leur permanence parlementaire pour arrondir leur patrimoine immobilier. A Massy, l’ancien sénateur Mélenchon a ainsi empoché 182 000 euros de plus-value. !!!

    En novembre, Jean-Luc Mélenchon avait vertement reproché à Capital de s’intéresser à son patrimoine et en particulier à la façon dont il avait acquis (puis revendu) sa permanence parlementaire à Massy, dans les Hauts-de-Seine, en mobilisant son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), soit 6.109,89 euros versés chaque mois en plus de son salaire de sénateur. «Une histoire vieille de vingt ans», ironisait-il sur les réseaux sociaux. Avant de préciser, préventivement, qu’il avait réalisé une « confortable plus-value ».

    Il ne mentait pas. Selon les documents disponibles à la publicité foncière que Capital s’est procuré, l’ex-sénateur de l’Essonne a réalisé 182 409 euros de plus-value sur la vente de cette permanence (en tenant compte de l’inflation). Il avait en effet acquis cette maison de ville, rue Gabriel Peri à Massy, en 1997 pour 80 000 euros (400 000 francs à l’époque), avant de la revendre 262 409 euros en 2011 (245 000 euros de l’époque). Une belle opération puisque, sur cette période, le prix de l’immobilier à Massy a doublé et non triplé. Certes, l’élu a dû effectuer des travaux pour transformer ces locaux, précédemment occupés par une petite entreprise de peinture, en bureaux. Sauf que, de son aveu même, Jean-Luc Mélenchon ne les a que très partiellement financés. Dans un billet sur son blog consacré à notre méchante curiosité, il avait expliqué : «Le coût des travaux (cloisons, blindages des vitres, couloirs de circulation, percement du mur central, câblages) les fluides, le nettoyage et le reste de l’entretien a été partagé entre les usagers», indiquait-il. En l’occurrence, il y avait six occupants.

    Cette opération montre, si c’était encore nécessaire, combien l’ancien système de financement des activités politiques était malsain. Et Jean-Luc Mélenchon – successivement sénateur, ministre et député européen sur la période concernée – ne brillait pas plus que d’autres par son exemplarité. Dans cette histoire, la confusion est totale : entre argent public (les indemnités de frais de mandat) et patrimoine privé ; entre activité militante (M. Mélenchon hébergeait notamment dans sa permanence la section locale du PS) et mandat de représentation nationale ; entre activité politique et patrimoine privé (le PS, un camarade député, des élus locaux et un journal ont donc contribué à rénover un bien propriété de M. Mélenchon).

    Ces pratiques, qui concernaient de nombreux parlementaires, ne peuvent en principe plus avoir cours. Désormais, l’achat de sa permanence est interdit par les assemblées. Et les indemnités de frais de mandat, dont l’utilisation était bien opaque, ont été remplacées par des notes de frais sur justificatifs – un système loin d’être totalement transparent, comme le relèvent les associations citoyennes, mais qui témoigne au minimum d’une exigence de moralisation de la pratique politique. C’est un premier pas, pour revenir à la réalité. Comme dans la vraie vie de beaucoup de Français.

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