Philippe Henriot, le «Goebbels français»

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Par Jacques de Saint Victor
Comment ce fin lettré patriotique catholique devint-il un propagandiste acharné de l’Europe nazie.
On savait, depuis Adolf Hitler, qu’il faut se méfier des artistes contrariés. On sait, avec Philippe Henriot, qu’il faut aussi se méfier des collectionneurs de papillons. Celui qui fut surnommé le «Goebbels français» était un chasseur réputé qui découvrit une espèce nouvelle de Colostygia, un papillon de nuit aux ailes vertes. C’est ce qu’on apprend dans cette passionnante biographie écrite par l’historien des médias Christian Delporte, qui retrace la longue descente aux enfers d’un bourgeois que, rien, à l’origine, ne prédisposait à un tel parcours.
En puisant à de nouvelles sources d’archives, cette biographie se dévore comme une tragédie moderne. Car Philippe Henriot n’appartenait pas à ces milieux populistes qui firent les beaux jours de la Collaboration parisienne. C’était au contraire un bourgeois rangé, né dans une bonne famille de Reims, ayant épousé la propriétaire d’un vignoble bordelais. Il devint professeur de lettres mais il connut ses premiers échecs comme poète puis romancier. Il rêvait de devenir le successeur de Paul Bourget, qu’il vénérait. Mais il finit par lasser avec ses romans aux intrigues improbables et il ne trouva plus d’éditeur. Philippe Henriot en nourrit une compréhensible rancœur et il se tourna alors vers la politique.

Catholique conservateur, proche du général de Castelnau, le fondateur de la Fédération nationale catholique (FNC), il participa aux importantes manifestations de rue qu’organisa la Fédération au moment du Cartel des gauches pour empêcher l’application de la loi de 1905 en Alsace-Moselle. Ce sera le début du succès. Il aime la polémique et croit, comme le dit Léon Daudet à l’époque, que «tout ce qui n’est pas stagnant, ni béat, ni figé, ni académique, relève plus ou moins de l’esprit de polémique». C’est aussi le nouveau credo d’un certain milieu marqué par le ton violent de l’Action française. Henriot se croit plus malin mais cette morgue sera le début d’une spirale qui le mènera à l’abîme. Car il va se laisser déborder par sa faconde de polémiste. Son esprit se brouille petit à petit par son antisémitisme, sa xénophobie, son obsession du complot maçonnique et sa vénération de Mussolini. Et c’est ainsi, par petites étapes que retrace fort sobrement Christian Delporte, que ce patriote catholique va devenir un collaborateur acharné de l’Europe nazie.
C’est que ce fier-à-bras se veut dans le camp des «forts» , comme il dit. À propos des Décombres de Rebatet, en 1942, il écrit: «Un livre tonique pour les forts, inassimilable pour les faibles». Ce genre de posture le conduit à s’enfermer dans une spirale de plus en plus aveugle. Il rejoint la Milice en 1943 et finit même par inquiéter Vichy (Pétain l’aurait qualifié d’«inverti du patriotisme»). Mais les Allemands l’apprécient. Sur les ondes de Radio Paris, il est si mordant que Radio Londres, avec Pierre Dac, juge nécessaire de répliquer. Une «guerre des ondes» commence par le célèbre slogan sur l’air de La Cucaracha: «Philippe Henriot ment /Philippe Henriot ment /Philippe Henriot est allemand.» Il rétorque en qualifiant Radio Londres d’entreprise «montée par des fripouilles à l’usage des imbéciles».
Malgré l’hostilité de Pétain et de Laval, les Allemands l’imposent au gouvernement, où il obtient le ministère de la Propagande début 1944. Londres décide alors de le supprimer. Ce sera fait par un commando, le 27 juin 1944, de façon contestable, dans son appartement, devant sa femme. Après ses funérailles, à Notre-Dame, Radio Berlin dira: «Il est tombé pour l’Europe.» Celle des nazis.
«Philippe Henriot», de Christian Delporte, Flammarion, 412 p., 25 €.

Source :
http://premium.lefigaro.fr/livres/2018/01/25/03005-20180125ARTFIG00110-philippe-henriot-le-goebbels-francais.php
Son petit-fils, Jacques Henriot, a été, de 1988 à 2011, secrétaire départemental de la fédération du Front national des Pyrénées-Atlantiques

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5 Commentaires

  1. Alice dit :

    vite Gallimard une publication!

  2. Pierre un Gaulois dit :

    Pierrre Dac, merci.

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