Ofer Kalderon, revenu de l’enfer
L’un des deux otages franco-israéliens détenus par le Hamas a été relâché le 1er février. Retour sur les coulisses de sa libération.
Par Julien Peyron
D’abord un cri, « Papa ! », suivi d’une longue étreinte. Puis, aussitôt après, une blague affectueuse du père à l’attention de l’aîné de ses fils : « Alors tu t’étais échappé, petit malin ! Nous, notre buisson n’était pas terrible, ils nous ont découverts pendant le cache-cache. »
Ofer Kalderon retrouve ses quatre enfants à l’hôpital Sheba de Ramat Gan, près de Tel-Aviv (Israël). Gaya, Rotem, Erez et Sahar éclatent de rire en écoutant les premiers mots de leur père qui fait mine de blâmer Rotem. Le 7 octobre 2023, le jeune homme de 19 ans était parvenu à tromper les escadrons de la mort du Hamas.
Mais Erez, 11 ans, et Sahar, 16 ans, avaient été repérés avec Ofer dans leur abri de fortune et emmenés dans la bande de Gaza. Les deux enfants y ont passé un mois et demi avant d’être libérés à la faveur d’une première trêve. Leur père n’a recouvré la liberté que samedi 1er février, après quatre cent quatre-vingt-quatre jours de détention. « Quelle joie, Ofer est revenu ! Il a maigri mais il n’a pas perdu son sens de l’humour », constate avec bonheur son cousin Olivier Jaoui.
Le rôle de la France
Comme il l’avait promis à sa fille, entrevue un jour dans un tunnel du Hamas, Ofer Kalderon a tenu, malgré la brutalité du traitement subi : il a été battu, torturé et enfermé dans des cages avec des chaînes. Lors de l’affligeante cérémonie de libération, ses tortionnaires l’ont vêtu d’un uniforme car, jusqu’au bout, ils ont prétendu qu’il était réserviste dans l’armée.
Ofer n’a pourtant rien d’un militaire. Il est menuisier, passionné de vélo et de modèles réduits d’avion. « Les Kalderon sont pacifistes. Comme la plupart des gens de Nir Oz [leur kibboutz, NDLR], ils avaient de la sympathie pour la cause palestinienne », confirme Olivier Jaoui. Un positionnement idéologique qui leur vaut des critiques de la part des partisans de Benyamin Netanyahou.
Retrouvailles. Ofer Kalderon avec ses enfants Rotem, Gaya, Erez et Sahar, le 1er février. Erez et Sahar, également enlevés le 7 octobre 2023, avaient été libérés un mois et demi après.
Le nom du Premier ministre n’a pas été prononcé lors des remerciements formulés par les proches d’Ofer. Sa belle-sœur, Sharon Kalderon, a au contraire insisté sur le rôle de la France. Elle a remercié Emmanuel Macron et, nommément, deux conseillers de l’Élysée : Paul Soler et Anne-Claire Legendre.
Le premier, « envoyé spécial pour la Libye », occupe en réalité un rôle plus large dans la diplomatie présidentielle. La seconde est conseillère Moyen-Orient et Afrique du Nord. Plus habituée à agir dans l’ombre, elle reconnaît s’être engagée personnellement dans le dossier des otages. « On a noué des relations avec certaines familles », dit-elle au Point.
Mitraillés par le Hamas
L’ambassadeur d’Israël en France, Joshua Zarka, salue à la fois la mobilisation politique et celle de la population. « Ce n’est pas un hasard si la famille Kalderon remercie la France. La mobilisation dans le pays a été à la hauteur », confie-t-il. Les rassemblements de soutien place du Trocadéro, à Paris, n’ont jamais cessé, et les posters affichés devant certaines mairies ont été moins dégradés que dans d’autres pays.
Une mobilisation digne mais pas unanime, déplore l’ambassadeur. « Le peuple palestinien est le plus instrumentalisé du monde. Par les Iraniens, par le Hamas et, malheureusement, par des acteurs politiques occidentaux et notamment français. »
Olivier Jaoui adopte un langage moins diplomatique pour caractériser la situation dans notre pays. « Comment ne pas les citer ? On pense tous à La France insoumise. » Le jour de la libération d’Ofer Kalderon, Jean-Luc Mélenchon était en meeting à Toulouse (Haute-Garonne).
Sur son compte X, aucun message n’a salué la libération du Franco-Israélien. Le chef de file de LFI était tout à son projet de « nouvelle France » et à l’élection municipale de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), où son lieutenant Louis Boyard a fini par mordre la poussière. Sur la liste de celui-ci figurait un homme qui a vu un « acte de résistance » dans le massacre du 7 Octobre.
Ofer le pacifiste et ses enfants y ont perdu deux membres de leur famille, mitraillés par les « résistants » du Hamas : la grand-mère Carmela, 80 ans, et la petite-nièce autiste de 12 ans, Noya-Dan. Ofer a salué leur mémoire lorsqu’il a vu son ex-femme, Hadas, à l’hôpital. Elle confie au Point que le ton n’était plus à la blague à ce moment-là. « Ses premiers mots : “J’ai survécu.” ».
Source
Le Point