Michel de Jaeghere: «L’affaire Sarah Halimi, une tragédie française»

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TRIBUNE – La Cour de cassation a confirmé en avril 2021 l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, une sexagénaire juive tuée en 2017 à Paris aux cris d’«Allah akbar». Cette affaire, racontée dans un livre collectif, L’Invisible de la rue Vaucouleurs, est bien plus qu’un simple fait divers .
Il ne s’agit pas d’un fait divers. Non plus que d’un drame «communautaire». C’est de la France, bien plutôt, qu’il est question. Car dans cette tragédie, se lisent les non-dits qui nous empêchent de voir, trop souvent, ce que notre pays est devenu : les ravages que suscite l’immigration de masse, l’échec de l’assimilation, l’islamisme ordinaire, la montée de la délinquance, le laxisme judiciaire, la peur des gens honnêtes, la démission des élites, le nouvel antisémitisme.
Le 4 avril 2017, à 4 heures du matin, rue Vaucouleurs, dans le 11e arrondissement de Paris, Sarah Halimi, une retraitée de 65 ans, voyait surgir par son balcon son jeune voisin de 27 ans, un petit délinquant d’origine malienne qui l’avait déjà injuriée à plusieurs reprises et avait traité sa fille de «sale juive».
La traînant de son lit jusqu’à la fenêtre en la rouant de coups, hurlant «Allah akbar» et récitant des sourates du Coran, il avait d’abord entrepris de l’étouffer, puis voyant surgir la police, alertée par des voisins, dans la cour de l’immeuble, il l’avait jetée dans le vide depuis le troisième étage.
Déjà condamné depuis l’âge de 14 ans à une vingtaine de reprises, pour vol, violences, port d’armes, usage et trafic de stupéfiants (il avait fait six courts séjours en prison, passant depuis ses journées «dehors à ne rien faire», entre deux petits trafics), familier de la mosquée salafiste de la rue Jean-Pierre Timbaud, le meurtrier avait été exaspéré par la présence dans l’immeuble d’une juive pratiquante qu’il tenait, selon ses propres dires, pour «le sheitan (démon) du quartier ».
Il a été exempté de procès le 19 décembre 2019 , la cour d’appel de Paris ayant estimé que le caractère antisémite du crime était bien établi, mais que le discernement du meurtrier ayant été aboli par l’usage de cannabis, il ne pouvait être jugé en cour d’assises et qu’il devait faire l’objet d’une hospitalisation psychiatrique, assortie d’une période de sureté de 20 ans. Le 4 avril 2021, la cour de cassation a confirmé l’arrêt de la cour d’appel.
Au grand silence laissé par cette démission judiciaire, Guy Bensoussan, président de la communauté juive de Lille, le grand rabbin Haïm Korsia et le psychanaliste Michel Gad Wolkowicz ont voulu répondre avec ce livre collectif, où se croisent les témoignages d’Alain Finkielkraut, Boualem Sansal, Pierre-André Taguieff, Jean-Yves Camus, Pierre Manent, Bérénice Levet, Gilles-William Goldnadel, Luc Ferry, Barbara Lefebvre, tant d’autres.
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ÉVITER L’OUBLI
Non pour réparer ce qui est à jamais irréparable, mais pour éviter que l’oubli vienne frapper, comme une double peine, la victime ; sortir de la sidération qu’a suscitée l’ampleur du déni de justice ; rappeler la force qu’a pris, en France, l’antisémitisme islamiste qu’ont longtemps empêché de voir la rhétorique paresseuse du retour des années 1930, le préjugé islamo-gauchiste qui faisait de tout immigré, fût-il clandestin, délinquant, la reviviscence contemporaine du juif persécuté des années sombres.
Pour faire revivre, aussi, au fil de ces 250 contributions, celle qu’il serait injuste de réduire aux seules circonstances tragiques de sa mort: souligner qu’avant d’être victime de la haine la plus aveugle, elle avait été femme, médecin, directrice de crèche, mère de famille. Qu’elle avait un nom, un visage, une histoire singulière. Pour que cette femme à la silhouette de brindille, aux yeux noisette, qui avait consacré sa vie aux enfants et qui refusait de mentir ne soit pas à jamais «invisible». Et pour ressusciter, au fil des pages, à défaut de la vie qu’on lui a prise, son souvenir dans le cœur des vivants.
* Michel De Jaeghere est également écrivain. Il a récemment publié «La Mélancolie d’Athéna. L’invention du patriotisme» (Les Belles Lettres, 632 p., 24,90 €).
Source
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/michel-de-jaeghere-l-affaire-sarah-halimi-une-tragedie-francaise-20230411

Michel De Jaeghere, né le 6 octobre 1957, est un journaliste et essayiste français.
Après avoir été rédacteur en chef adjoint de Valeurs actuelles puis directeur du Spectacle du Monde, il est ensuite directeur de la rédaction des Figaro Hors-Série qu’il a créés en 2001.
Il est depuis 2004 secrétaire général de la Société des amis de José Cabanis.
En 2012, il publie le premier numéro du Figaro Histoire (bimestriel), dont il est également, depuis lors, le directeur de rédaction.
En 2021 il est élu membre correspondant de l’Académie des sciences morales et politiques, section Histoire et Géographie.
Il est membre du jury du prix du Guesclin.

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2 Commentaires

  1. Paul06 dit :

    Une certaine France minable,lâche, veule, en passant par sa police, sa justice, ses journalistes, ses politiciens, ses experts psychiatres et ses intellectuels, qui donne la nausée.

  2. joseparis dit :

    Meyer Habib a montré dans sa commission d’enquête que Sarah Halimi aurait pu être sauvée si les policiers présents ce soir-là étaient montés la secourir immédiatement, au lieu de rester dans la cour par lâcheté en attendant « soit-disant des ordres ». L’instruction de la juge a été d’une formidable efficacité pour enlever toute humanité à Mme Halimi et à sa famille qui voulait la justice. Traoré le bourreau revient chez lui les weekends tranquillement voir ses potes, pendant que la famille Halimi pleure Sarah Halimi à qui l’injustice française a adressé un bras d’honneur magistral.

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