MEHDI NEMMOUCHE, ENQUETE SUR UN TUEUR DJIHADISÊE

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Les deux clients du bar du village accoudés au comptoir, devant leurs bières, tôt le matin, ont des joues grêlées et des nez bourgeonnants. Ils ponctuent leur description laconique de Mehdi Nemmouche par un rire gras : « C’était un garçon peu bavard, sans ¬histoires et très renfermé. » Nemmouche n’a pas laissé un ¬souvenir impérissable à Allennes-les-Marais, bourg du Nord-Pas-de-Calais où il a habité. Ce qui se ¬raconte de lui, c’est une enfance décousue, des « conneries » de gosse. Voilà pour les souvenirs, mais personne ne semble décidé à puiser profondément dans sa mémoire. Enfant de la Ddass, parmi 10 000 autres en 1985, Mehdi ¬Nemmouche est né « de père inconnu », en réalité un patron de bar de Tourcoing, algérien, déjà marié et chargé de famille. Mehdi est abandonné à 3 mois par sa mère gravement ¬dépressive, il grandit au sein d’une famille d’accueil, dans une maison cossue en brique rouge, près du centre. Pendant dix-sept ans, entre le couple qui doit veiller sur lui et Mehdi, le courant ne passe pas, quoi qu’ils en disent aujourd’hui. Gilbert a un fort caractère. C’est un joueur de cartes passionné, plutôt bonhomme mais peu affable. Nicole, son épouse, assistante ¬maternelle, est simple, généreuse et discrète.
Dans la « famille », les échanges ne sont pas chaleureux, ¬encore moins affectueux ; ils sont froids. « Violents, parfois », ¬corrige un proche du couple.
Alors qu’il n’a pas encore 10 ans, Mehdi ¬demande à être circoncis, réclame sa famille biologique qui vit à Tourcoing. Il fugue à deux reprises. Un agent de la police municipale rattrape à la sortie du village le gamin penaud. Quelques mois plus tard, il se fait tirer les oreilles pour un larcin ridicule : des nains de jardin… A ¬Allennes-les-Marais, on ne s’inquiète pas de ces sottises d’enfant. Mais plus tard, en juillet 1999, alors élève au collège Albert-Ball, à Annœullin, à quelques kilomètres du domicile, l’adolescent taiseux révèle une autre part de sa personnalité. Il a seulement 14 ans et, pour la première fois, il est arrêté pour cambriolage. Premier faux pas d’une longue série : recels, vols avec violence, vols à main armée, dégradations de biens… En décembre 2002, il agresse avec une arme une enseignante de 32 ans. C’est le délit de trop. Gilbert et Nicole lâchent prise. Changement de décor. A 17 ans, confié par une juge des enfants à Tassadit, sa grand-mère maternelle kabyle, Mehdi ¬Nemmouche retourne à Tourcoing, dans une banlieue défavorisée, le ¬quartier de la Bourgogne, territoire délaissé par les autorités où zonent des toxicomanes faméliques et des dealers de shit hâbleurs, jamais avares d’insultes.

Nous y rencontrons Tassadit, sur le palier de sa maisonnette ; elle vit là depuis soixante-deux ans. C’est une petite dame maigre, chaleureuse et élégante, visage diaphane et yeux lumineux. « Musulmane non pratiquante », répète-t-elle à plusieurs reprises. Quand elle dresse un portrait de son petit-fils, c’est celui d’un innocent, comme s’il y avait encore un doute sur sa culpabilité… « Il n’était pas comme les autres. Il ne se droguait pas, ne buvait pas, ne fumait pas. C’était un garçon poli, honnête, serviable et respectueux. Il faisait les courses, me rendait la monnaie, aidait ses nièces à faire leurs devoirs. Il était gentil, studieux. » A ses côtés, Danielle, sa fille, la quarantaine, mince, des cheveux noirs ondulés attachés en queue-de-cheval, se répand elle aussi en louanges. Elle semble étonnée lorsqu’on lui rappelle le passé judiciaire de son neveu. Elle veut donner le sentiment de ne pas tout savoir, accuse la famille d’accueil qui l’a élevé. Elle assure, comme si elle voulait se disculper, ne pas connaître les fréquentations ni les activités de Mehdi ¬Nemmouche. En revanche, avec sa mère, Tassadit, elle en ¬rajoute sur sa scolarité exemplaire et sa santé fragile. « Il n’a pas passé son bac électrotechnique à cause de graves problèmes respiratoires, disent-elles, des crises d’asthme aiguës. » Elles vantent les projets qu’il a pu faire : « Il s’était inscrit en première année de capacité de droit à l’université. » Lorsqu’il s’agit de savoir pourquoi il n’a rien fait de tout cela, leur mémoire flanche… Elles ne nous parleront pas du braquage, avec deux complices, de la supérette Penny Market, en août 2005. Rien sur les délits avec arme qu’il a commis dans le nord et le sud de la France. Rien sur sa condamnation, en 2007 par le tribunal ¬correctionnel de Grasse, à cinq ans de prison pour vols aggravés. Dans le déni ou la peine, Tassadit n’en démord pas : « Mehdi est doux, il baissait la tête quand je lui parlais… »

Les victimes du Musée juif de Bruxelles ont pu croiser le regard de l’homme qui a fait feu sur elles : Mehdi Nemmouche. Quatre personnes innocentes de religion juive. Aucune n’imaginait qu’elle pût être en danger. Abattues parce qu’elles étaient juives, voilà tout. La seule motivation évidente de ¬Nemmouche, assassin antisémite, ce samedi après-midi, 24 mai 2014, à 15 h 27. On est très loin du petit ange décrit par ses proches.

Nemmouche a minutieusement préparé son attentat. Entre avril et mai 2014, il s’installe à Molenbeek-Saint-Jean, ¬commune de la région de Bruxelles de sinistre réputation – de nombreux foyers ¬djihadistes européens y ont leur base arrière –, et loue à un dentiste tunisien francophone une chambre sans charme ni confort dans le centre-ville. Quatre autres locataires croisent son chemin, ils se souviennent d’un « gars cordial, taciturne, peu souriant ». Mehdi Nemmouche donne une photocopie de son passeport au ¬propriétaire, paie son loyer cash. Et se procure deux armes, un fusil d’assaut kalachnikov, un revolver calibre 38 spécial et ¬environ 300 munitions. Avec quel argent ? Qui fréquente-t-il ? Personne ne veut répondre à ces questions. La thèse du loup solitaire, pourtant, ne tient pas : Mehdi Nemmouche n’a pas agi seul car « jamais il n’apparaît sur les vidéos de surveillance du Musée juif avant le 24 mai. Il y a des gens derrière lui », certifie Claude Moniquet, spécialiste des questions de terrorisme. Reste à déterminer qui a repéré les lieux.
Ce ne sont pas les seules zones d’ombre de son parcours crapuleux. Sa radicalisation reste une ¬interrogation. A peine sait-on qu’il est devenu assez inquiétant pour être signalé à la DCRI pour prosélytisme religieux et radicalisation au centre pénitentiaire de Toulon-La Farlède, en 2012, puis fiché S pour « Sécurité de l’Etat »… «Nemmouche est ¬arrivé à Toulon en mars 2011 après plusieurs transferts », ¬raconte David Mantion, secrétaire régional adjoint du syndicat¬ pénitentiaire Ufap-Unsa justice. Son expertise psychiatrique révèle « un mode de pensée vif et clair » et une « capacité à manier la litote et l’euphémisme avec naturel »… Un détenu lambda, un jeune homme « calme, aimable, soigné, à la ¬silhouette sportive et athlétique ». Six mois plus tard, tout ¬bascule : Mehdi devient agressif, irascible, nerveux. Et passe de « musulman non pratiquant » à religieux fondamentaliste. Il est insistant, venimeux. Oblige les autres détenus à faire les cinq prières quotidiennes. Sa foi est-elle sincère ? Si oui, qui l’a endoctriné ? Les gardiens semblent l’ignorer…

Désormais à l’isolement, barbu, en djellaba, Nemmouche refuse les visites, se nourrit de textes religieux en arabe, adule Allah, Mohamed Merah, Lionel Dumont, terroriste islamiste français membre du gang de Roubaix. Et maudit avec véhémence les Juifs. Sa seule conviction avérée, il l’a prouvé. C’est cet homme dangereux qui sort de prison sans surveillance en décembre 2012. Malin, il rend visite à sa famille et fait croire à sa rédemption : « Il était honteux de son séjour en prison et voulait retrouver une vie normale », disent ses proches. Il est en réalité déterminé. Son antisémitisme le mène en Syrie, début 2013, en passant par Bruxelles, Londres, le Liban puis la ¬Turquie, pour brouiller les pistes antiterroristes. Un trajet ¬préparé. On le retrouve à Alep comme nouvelle recrue du groupe Etat islamique en Irak. Un « soldat de Dieu » ¬sanguinaire. Egocentrique. Vantard aussi. Pendant plus d’un an, il combat les rebelles syriens, torture les prisonniers, se targue de violer les femmes et de couper les têtes des nouveau-nés. Nemmouche, fan de Charles Aznavour, de Charles Trenet et de l’émission « Faites entrer l’accusé », change de nom et devient Abou Omar le cogneur. Il serait le geôlier sadique des otages journalistes français Didier François, Pierre Torres, Edouard Elias et Nicolas Hénin. Ce dernier, ¬reporter au « Point », en garde un souvenir âpre et douloureux. Nemmouche, que l’on découvre étonnamment mégalo, crâneur, narcissique et loquace, se glorifie d’être le nouveau Ben Laden, de vouloir « frapper les Champs-Elysées », d’être Mohamed Merah « puissance cinq ». Il étale sa hargne fielleuse : « Ah, je suis en forme ce matin, je prendrais bien ma kalach pour aller fumer une petite Israélite. » Il veut faire la une des médias.
En mars 2014, il rentre à Tourcoing en passant par Singapour, la Thaïlande, la Malaisie et l’Allemagne. A Francfort, il est arrêté le 18 mars par la douane, interrogé pendant deux heures, signalé aux autorités françaises, puis libéré. « Je rentre de Syrie, j’ai pris quelques contacts là-bas car je veux faire le djihad, lance-t-il à son retour. Je sais que l’issue est la mort, mais je suis en Europe pour agir. » Glaçant. Ses proches – qui ne nous racontent pas cette visite impromptue et récente – restent ahuris, décontenancés par ses propos. Les autorités ne sont pas prévenues. Deux mois plus tard, Mehdi Nemmouche accomplit son « action » : tuer des Juifs.
Désormais incarcéré, Nemmouche est défendu par ¬Me Sébastien¬ Courtoy et Me Henri Laquay. Les deux avocats bruxellois – qui refusent de répondre à la presse – ont pour clients les cellules terroristes islamistes belges et Dieudonné. Le comique les a élus « Quenelles d’or 2012 ». Me Courtoy s’en défend dans « Moustique », une revue belge : « Ce geste, je l’ai fait en 2012, et ce n’est qu’en 2013 qu’on s’est ingénié à lui conférer une portée antisémite. » Comme stratégie de défense : le silence. Devant les policiers qui l’interrogent depuis son arrestation, le 30 mai 2014, Nemmouche est muet. Au moins il ne se vante plus.

lire l’article de PARIS MATCH en cliquant sur le lien ci-après

http://www.parismatch.com/Actu/Societe/Mehdi-Nemmouche-enquete-sur-un-tueur-djihadisee-630972

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2 Commentaires

  1. josué bencanaan dit :

    Pour Nemmouche pas de circonstances atténuante, etre né dans un milieu social defavorisé n’est pas une excuse.
    J’ai vécu en banlieue dans un milieu tres pauvre, j’avais un ami nous faisions les memes conneries « de gosse », lui est devenu substitut du procureur moi tech sup du batiment.
    On choisi sa voie, personne ne nous force a faire quoi que ce soit, si il a choisi de tuer du juif comme son copain merah, « c’est son choix », trop facile messieurs les avocats, les journalistes de dire qu’ils ont été « manipulés », les arabes haissent les juifs, c’est dans leur être, dans leur culture,alors halte a la connerie.
    Des types comme eux, il y en a des milliers dans les banlieues.

    NB, vous trouvez pas que Nemmouche ressemble a Benzema ^^, de toute facon ce dernier n’aime pas trop les juifs, et il est un mauvais exemple d’integration

  2. albert Cohen dit :

    Karim Benzema : »Si on fait 1mn de silence pour les enfants juifs, il faudrait se taire a jamais pour les enfants palestiniens » … BEN ZONAA PLUTOT

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