Les révélations de Werner Lange, « Les artistes en France sous l’Occupation » Van Dongen, Picasso, Utrillo, Maillol, Vlaminck …
Voici un livre publié aux Editions du Rocher qui fourmille d’informations, de tranches de vies, d’anecdotes sur nombre d’artistes en France sous l’Occupation et l’auteur n’est pas des moindres puisqu’il s’agit de Werner Lange, officier de la Propagandastaffel à Paris, chargé des relations avec l’intelligentsia et les artistes dans Paris occupé et sur lequel flotte le drapeau sinistre marqué de la croix gammée. Un fort documenté feuillet de documentation photographique l’illustre.
Werner Lange est docteur en histoire de l’art, il fut le jeune sous-directeur du Musée des Beaux-Arts deBerlin. Il est francophile, francophone et aime la langue française, il a connu Paris avant-guerre et son bureau est installé au 52 avenue des Champs-Elysées. C’est dans ce bureau, habillé en civil, qu’il recevra un grand nombre d’artistes, qu’il organisera la visite fameuse des artistes français dans l’Allemagne nazie, et y préparera au demeurant l’exposition Arno Breker.
Comme le souligne Victor Loupan, éditeur, dans la préface du livre, c’est à un « dandy » que l’on a à faire faire, un mondain cultivé au cœur d’une ville où l’on rencontre Picasso, Van Dongen, Maillol et tant d’autres. Un bouillon de culture figé par la guerre où était notamment né l’art contemporain . « A Paris, écrit Werner Lange en prologue à ce livre de mémoires, j’ai passé des heures et des jours à étudier Notre-Dame. Mais plus encore que les monuments historiques, c’est l’art contemporain qui m’attirait. Car tous ces grands artistes qui vivaient en France, jouissaient d’une réputation extraordinaire Outre-Rhin ».
Werner Lange raconte : le déménagement des collections du Louvre en dessous de la Loire tel il lui fut raconté par Jacques Jaujard directeur du musée. Il précise le rôle qui lui était imparti par les autorités allemandes de mettre le nez partout dans le monde des arts. Il relate ses relations avec ses supérieurs nazis, avec l’administration militaire allemande installée dans le vieux bâtiment de l’ hôtel Majestic . Il évoque Paris, le marché noir, les accommodements des parisiens face aux contraintes du quotidien et les restrictions ; la vie tourbillonnante des théâtres et des cabarets qui avait repris son rythme d’avant, et puis, car c’est bien sûr le cœur et raison d’être de ce livre ses relations avec cette intelligentsia et ces artistes qui tentaient d’exister et pour certains d’entre eux de survivre.
« >
Werner Lange fréquente les artistes, les peintres, il raconte de l’intérieur tel un Vassari moderne, il visite les ateliers, celui de Jean-Gabriel Domergue, l’inventeur des petites « parisiennes » aux nez retroussés, des pin-up, il fait mention des commentaires entendus formulés par des critiques : « Domergue, c’est de la merde ! » tout comme il indique le peu de considération que Maillol avait de l’œuvre de Maurice Denis.
Werner Lange a le courage des timides, et parfois il explose contre des décisions prises contre son assentiment, c’est ainsi qu’il s’oppose à une tentative de mise sous séquestre de la Galerie Wildensteinordonnée par Berlin. Werner Lange est un homme fin, il a un oeil, un regard, celui de l’homme de culture raffiné et cultivé il rend visite à Dufy à Perpignan qui l’initie à la composition et à la recherche de couleurs. Il fait la connaissance en 1943 de Picasso et de Dora Maar accompagnée de son lévrier dans un lieu insolite, un restaurant improbable et clandestin de la rue Dauphine chez les Trois Soeurs. Le lieu, comme le restaurant Maratier, quai de l’horloge, est couru par les artistes.
Le voyage en Allemagne fait l’objet de deux chapitres ; on en connait l’histoire. L’organisation d’un voyage voulu par Goebbels et servant à la propagande du Reich où seraient rassemblés de grands artistes français :Vlaminck et Derain ( qui avaient cessé de se voir depuis plusieurs années et se retrouvaient réunis à cette occasion), Despiau, Leguelt, Dunoyer de Ségonzac, Oudot, Landowski, Belmondo. Maillol refusa l’invitation.
Werner Lange fut écarté de l’organisation au dernier moment. « Après le retour en France, les artistes ayant participé au périple s’étaient précipités dans le bureau de Werner Lange sur les Champs Élysées. Et ils ne venaient pas les mains vides. Chacun apportait une œuvre, quand ce n’était pas deux ou trois. Quelqu’un leur avait suggéré de remercier le Dr Goebbels pour un si beau voyage…Les cadeaux étaient si nombreux que plusieurs voyages en voiture furent nécessaires pour transporter toutes les œuvres. »
Un chapitre tout entier est consacré à Vlaminck, à sa famille, son appétit gargantuesque, ses liens houleux (déjà évoqués) avec Derain, son itinéraire politique confus qui le conduit vers l’anarchisme, sa détestation de l’art de Picasso et ses propos également violent contre Matisse : « Regardez les toiles de Matisse, me dit-il un jour, ils ne sont que jeux de couleur. Changez-les de place, inversez le vert du haut et le rose du bas, ça ne changera rien. Ce ne sont pas des toiles, mais de la merde ! » Utrillo et les naïfs trouvaient plus de grâce à ses yeux. Alors qu’on aurait pu penser le contraire.
Au côté de Werner Lange, on découvre l’atelier des Rudier, qui fondaient les œuvres de Rodin, deBourdelle, de Maillol, on approche du secret des patines qui faisait la réputation fabuleuse de cette famille d’artisans d’art.
Dans un autre chapitre Werner Lange rappelle un souvenir chaleureux, il avait rencontré avant guerre lors d’un dîner rue Christine, Gertrud Stein et Alice Toklas. Cette évocation est sensible, intelligente, on parle deMarlène.
Une Juive et un Allemand échangent, la peinture est au début au cœur des discussions puis très rapidement la conversation se focalise sur la situation politique en Allemagne. Gertrud Stein s’inquiète et pose des questions. Gertrud Stein offre en fin de soirée un petit cadeau à Werner Lange, un petit collage de papier représentant des roses dans un vase avec le symbole de Gertrud Stein : « A rose is a rose is a rose is a rose… »
Walter Lange connait Dina Vierny, il l’avait rencontrée chez Maillol à Banyuls, elle était sa muse, son modèle. Dina Vierny est inquiétée par la Gestapo, elle avait été arrêtée pour traffic de dollars. Lange se rendrue des Saussaies, il rencontre l’officier allemand chargé de l’enquête, ce dernier lui montre une lettre signéeHimmler et dont le contenu disait en substance que cette « juive russe » devait être liquidée. Werner Lange du tac au tac lui répond : « je n’ai jamais lu cette lettre et n’ai jamais entendu parlé de son contenu », l’autre baisse la tête. Werner Lange réussit à faire extraire Dina Vierny et de la sortir des mains de la Gestapo.
Jamais dans ce livre de mémoires de quelconque trace d’antisémitisme chez Walter Lange, loin de là. Qu’on est loin et à mille lieues de la prose infecte de ce sale type de Céline, que la logorrhée pathologique et écrivassière, assassine et antisémite conduira sur les chemins de honte de Sigmaringen et que l’on feint d’ oublier et de minorer aujourd’hui.
Pendant des années ces mémoires écrites dans les années 1980 resteront dans des tiroirs. Saluons les éditions du Rocher de les avoir éditées. Après guerre Werner Lange viendra s’installer à Paris.
Les Artistes en France, sous l’Occupation
Werner Lange
Éditions du Rocher. 17€90
source:
happywheels
j’ai vu un reportage sur le sujet , après guerre quand on a interrogé « les artistes » aucun n’avait de regret , pourquoi se sentiraient-ils coupables puisqu’ils avaient l’aval (!) du gouvernement allié de l’allemagne ?
le documentaire est très intéressant … merci
A propos de Jean-Paul Le Chanois …
https://books.google.fr/books?id=ruWyBgAAQBAJ&pg=PT184&lpg=PT184&dq=jean+paul+le+chanois+juif+?&source=bl&ots=8CK3Ontrva&sig=9PjOvPhWDmUT7rkwhiZTT5FZrEw&hl=fr&sa=X&ei=qx6EVfqEKInpUuKOgIgD&ved=0CFEQ6AEwCw#v=onepage&q=jean%20paul%20le%20chanois%20juif%20%3F&f=false
Des collabos parmi les artistes, ça je n’en doute pas…
le Parisiana
Un cinéma disparu: le « Parisiana, Roi des Cinémas »
Il sera plus tard appelé le « Gaumont Richelieu »
Le « Parisiana » était situé 27 boulevard Poissonnière dans le 2e arrondissement.
C’était à l’origine un célèbre café-concert fréquenté par les parisiens en goguette, ouvert en 1894. Les Frères Isola en prennent la direction en 1897, et le transforme en cinéma en 1910.
Par n’importe lequel, d’ailleurs…
Le «Parisiana» se considérait en effet comme «Le Roi des Cinémas» ainsi que le rappelaient ses publicités.
Cette vaste salle possédait une capacité de plus de 1400 fauteuils. Un large balcon en gradin permettait aux spectateurs de jouir d’une excellente condition de projection.
Il fut racheté par Gaumont en 1957.