Les mensonges de Marek Halter
Dans la rubrique très tendance des écrivains que leur passé finit par rattraper, il convient de citer le nom de Marek Halter. Il n’a en effet pas démérité d’y figurer, si l’on en croit la grande enquête consacrée à ce «bonimenteur» par la revue «XXI». Dans son nouveau numéro (à paraître ce jeudi 16 octobre), Piotr Smolar dresse en effet un portrait édifiant de l’auteur de «la Mémoire d’Abraham», où l’on voit que la sienne n’est pas toujours des plus fiables.
Lui-même le reconnaît d’ailleurs à demi-mot, quand il donne sa version de la façon dont sa famille a fui le ghetto de Varsovie en 1941:
«On s’identifie… Il y a des histoires qu’on vous raconte. D’autres qui ont fait la même expérience que vous. Et tous ces réfugiés… Certains d’entre eux, surtout les écrivains yiddish, comme ma mère, ont raconté leurs histoires, et moi j’écoutais, c’est devenu mon histoire. »
Rien de surprenant, donc, à ce que ce récit des origines qui est «la clé de son aura dans le milieu intellectuel parisien», abonde en anachronismes et en contradictions. Pas étonnant non plus, si tous les documents officiels situent sa naissance en Pologne en 1932, alors que «lui a toujours dit 1936», comme pour mieux justifier le flou de certains souvenirs. Et rien d’incohérent, bien sûr, s’il a inauguré le Collège universitaire français de Moscou en 1991 avec Andreï Sakharov, dont la veuve rappelle qu’il est mort en 1989. Même BHL, dont il fut très proche, dément en partie la version héroïque qu’il donne de leur épopée commune en Afghanistan en 1981. C’est dire si, résume Piotr Smolar, «Marek Halter a un rapport ambigu avec les dates et l’histoire».
Les premières lignes de son article en donnent d’emblée le ton:
«Moïse vit et reçoit sous des poutres majestueuses, près de la place des Vosges, au cœur du vieux Paris. Prophète en son pays d’adoption, il n’a pas de tables de loi, mais un mot de passe, la paix ; pas de bâton pour errer dans le désert, mais un carnet d’adresses comme viatique. […] Son ministère à lui, c’est la parole.»
Mais ce sont les faits cités ensuite qui donnent le tournis. Où l’on voit cet éloquent défenseur des droits de l’homme soutenir Vladimir Poutine, son sens de la démocratie et sa guerre en Tchétchénie; où l’homme qui s’est engagé «corps et âme» pour «le Comité de la gauche pour la paix négociée au Moyen-Orient» se trouve soupçonné par la DST d’être aussi «un agent des services israéliens»; où sa proximité avec un affairiste ouzbek peu recommandable ne l’empêche pas de rendre grâce à Chirac et Raffarin, qui ont «organisé un dîner avec tous les CAC 40» au moment où il «manquait d’argent» pour organiser les célébrations du tricentenaire de Saint-Pétersbourg.
A propos de son influence «dans les discussions entre des sociétés françaises, Eurofood International et la région russe de Kemerovo, riche en ressources minières», l’auteur de «les Fous et les rois» confie très humblement: «Je ne suis pas doué pour les affaires, d’une nullité absolue». C’est, manifestement, ajouter la modestie à ses nombreuses qualités. Piotr Smolar n’oublie pas de le préciser: le 10 juin dernier, Nicolas Sarkozy a remis à Marek Halter les insignes d’officier de la Légion d’honneur.
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