Les «Citoyens du Reich» inquiètent l’Allemagne

La police a arrêté un «druide» issu de cette mouvance d’extrême droite qui voulait «exterminer» les juifs et les musulmans.
De notre correspondant à Berlin
Burgos von Buchonia dit être né il y a 2500 ans. Merlin l’Enchanteur aurait été son oncle. Avec sa barbe blanche, sa tunique, son bâton de bois ou sa serpe, qui lui donnent un air de Panoramix, Burghard Bangert – de son vrai nom – se fait passer pour druide. Un excentrique de 66 ans inoffensif racontant ses contes lors de promenades en forêt? C’est ainsi qu’il a commencé à se faire remarquer en 2008. Mais derrière le folklore celtique, c’est une autre idéologie qu’il propageait.
«Mon instinct de survie me dit d’exterminer les juifs et les musulmans avant qu’ils n’exterminent ma famille et mon clan»
Burghard Bangert, soupçonné d’être à la tête d’un réseau d’extrême droite
Mercredi, à Schwetzinger dans le Bade-Wurtemberg, Burghard Bangert a été interpellé par la police qui le soupçonne d’être à la tête d’un dangereux réseau d’extrême droite. Le druide diffusait des appels à la haine sur les réseaux sociaux. «Mon instinct de survie me dit d’exterminer les juifs et les musulmans avant qu’ils n’exterminent ma famille et mon clan», a-t-il notamment préconisé sur le réseau russe VK. Il s’inquiétait aussi du «remplacement» du peuple allemand par les étrangers. «Notre identité est en train d’être volée», ajoutait-il dans un message sur Facebook datant de 2015. En juin, il appelait «à la résistance».
Avec Bangert, un deuxième individu a été interpellé lors d’une vaste opération mobilisant 200 policiers menés dans six Länder et visant sept suspects. Les perquisitions ont permis de saisir des armes, des munitions et des explosifs. Depuis le printemps 2016, le groupuscule aurait cherché à préparer des attaques contre les forces de l’ordre ou contre des étrangers. Mais les enquêteurs n’ont pas confirmé de menace concrète.
Adeptes de cultes ésotériques
Le néodruide et ses complices font partie d’une mouvance d’extrême droite plus large désignée comme les «Citoyens du Reich» et qui commence à inquiéter sérieusement les autorités. Ceux-ci partagent un même refus de reconnaître la République fédérale allemande. Une partie d’entre eux (qui a donné son nom au mouvement) se revendiquent de l’empire allemand, du IIe ou du IIIe Reich et des frontières de 1918 ou celles de 1937, d’autres se réclament de leur propre État imaginaire comme la «Principauté Germania», fondée en 2009 et qui a tenu trois mois…
«Nous devons examiner si – et si oui à quelle échelle – la mouvance des “Reichsbürger” doit être surveillée par les services du renseignement intérieur»
Le député CDU Stephan Mayer
Marginaux, adeptes de cultes ésotériques, complotistes ou négationnistes souvent, mais aussi extrémistes, ces «Citoyens du Reich» refusent par exemple de payer leurs impôts ou leurs cotisations sociales, d’établir des documents d’identité officiels, de se soumettre à la législation en vigueur…
Jusqu’à récemment, leur dangerosité avait été minimisée par les autorités. Mais depuis qu’un «citoyen du Reich» a ouvert le feu en août à Reuden sur les forces de l’ordre et qu’un autre, en octobre à Georgensgmünd, a tué un policier venu, avec d’autres agents, saisir les armes en sa possession, le mouvement est devenu une priorité. «Nous devons examiner si – et si oui à quelle échelle – la mouvance des “Reichsbürger” doit être surveillée par les services du renseignement intérieur», avait réclamé cet automne le député CDU Stephan Mayer.
Des individus dangereux
Les services du renseignement intérieur évaluent aujourd’hui à 10.000 le nombre de ces «Reichsbürger». Mais l’hétérogénéité de la mouvance la rend difficilement appréhendable à la différence des groupuscules néonazis parfaitement identifiés: les communautés d’extrême droite s’y mêlent tout comme s’y retrouvent des individus isolés. «Le mouvement exerce une force d’attraction et gagne de nouveaux partisans», a néanmoins prévenu cette semaine Hans-Georg Maassen, le patron du BfV, le renseignement intérieur. Entre 500 et 600 sont considérés comme potentiellement dangereux.
«Le mouvement exerce une force d’attraction et gagne de nouveaux partisans»
Hans-Georg Maassen, patron du BfV
«Nous devons tout faire pour que ces extrémistes ne soient plus en possession d’armes», a déclaré jeudi le ministre de la Justice Heiko Maas. Mais à la fin de l’année dernière, sa proposition pour durcir la législation sur le port d’armes a été rejetée par la CDU, au nom de la défense du statut des chasseurs. Jeudi, Thomas Strobl, le ministre CDU de l’Intérieur du Bade-Wurtemberg, a recommandé aux administrations de son Land de ne plus délivrer de port d’armes aux individus suspectés d’appartenir à la mouvance. À Stuttgart, la police a assuré avoir déjà contrôlé une centaine de suspects.
Depuis la crise migratoire de 2015, les agressions racistes, notamment dirigées contre des demandeurs d’asile, ont considérablement augmenté. L’Allemagne s’inquiète de la résurgence d’une idéologie d’extrême droite en son sein.
Source :
http://premium.lefigaro.fr/international/2017/01/27/01003-20170127ARTFIG00303-les-citoyens-du-reich-inquietent-l-allemagne.php