Les chiffres de la population israélienne de Judée-Samarie
Parmi les points de discorde entre Israéliens et Arabes palestiniens, la question du repeuplement[1] juif de la Judée-Samarie est certainement le plus émotionnel. Sous la présidence de Barack Obama, les États-Unis adoptèrent l’exigence de l’OLP d’un arrêt total de la construction de nouveaux logements pour les Juifs comme préalable à la reprise des négociations de paix. Ils placèrent ainsi le gouvernement Netanyahou devant un dilemme :
• refuser et, de ce fait, positionner Israël comme le camp qui refuse la paix ou
• accepter et, de ce fait, placer ses concitoyens de Judée-Samarie dans la situation impossible de ne pouvoir construire les logements nécessaires à la croissance naturelle de leur population pendant un temps aussi long qu’indéterminé.
Avec beaucoup d’hypocrisie, la gauche israélienne utilisa la question du repeuplement comme une arme de déstabilisation politique contre Benyamin Netanyahou, oubliant qu’elle-même autorisa la création des premiers villages juifs post-1967 derrière la ligne d’armistice — Kiryat Arba (1972), Ma’ale Adumim (1975), Elkana (1977) — et que jamais elle ne limita le repeuplement d’une manière plus forte que ne le fit la droite.
Le graphique ci-dessous montre l’évolution de la population israélienne en Judée-Samarie de 1972 à 2015. Les chiffres proviennent l’organisation militante d’extrême gauche Peace Now qui les a collectés auprès du Bureau central israélien des statistiques (ICBS) et publiés sur son site internet.[2] Sur le graphique, les bâtonnets bleus correspondent aux années où la droite israélienne fut au pouvoir, les bâtonnets rouges à celles où la gauche fut au pouvoir. Comme on le voit, la gauche autorisa les mêmes accroissements de population que la droite. Sa politique ne fut jamais plus restrictive, même pendant les années Rabin, lorsqu’elle négociait les accords d’Oslo. Depuis 1985, la population israélienne vivant en Judée-Samarie augmente à un rythme constant d’environ 11.300 âmes par an.
Évolution de la population israélienne de Judée-Samarie et de son taux d’accroissement annuel entre 1972 et 2015 (source: ICBS)
Sur la base de ces données démographiques, la gauche israélienne — dans le sillage de l’OLP, du Hamas et de toutes les organisations anti-israéliennes — accuse le gouvernement Netanyahou de pousser à la « colonisation » de la Judée-Samarie et de « voler des terres » palestiniennes. À regarder les chiffres, il est indéniable que la population israélienne de Judée-Samarie a presque doublé depuis que la droite a pris le pouvoir en 2001. Les chiffres ne mentent pas, mais l’analyse est trompeuse.
Il convient d’abord de constater que depuis le début des années 1980, la population croît quasi-linéairement. Si le taux d’accroissement annuel de la population (exprimé en pourcents par année) était constant, la croissance serait exponentielle. La croissance de la population ne peut être linéaire que si ce taux lui-même décroît au fil du temps. Il est représenté sur le graphique par la ligne de couleur bronze. Alors qu’il culminait à des valeurs de l’ordre de +30% par an avant l’entrée en fonction du second gouvernement Shamir (octobre 1986), ce taux n’a fait que baisser depuis cette époque. En 2015, il atteignait la valeur de +3,9% par an alors qu’il était de +13,7% par an en 1986. Paradoxalement, alors que la gauche israélienne l’accuse d’accentuer le repeuplement juif en Judée-Samarie, le gouvernement Netanyahou est celui qui — depuis la Guerre des Six Jours ! — a le plus réduit l’émigration de peuplement vers la Judée-Samarie, limitant presque l’accroissement de population à sa composante irréductible : l’accroissement naturel dû aux nouvelles naissances, comme nous allons le voir ci-dessous. À titre de comparaison, sous les gouvernements de Rabin et Barak, le taux d’accroissement annuel de la population était d’environ 9,0% et 7,3% respectivement, des chiffres bien plus élevés que la croissance naturelle et témoignant d’une composante de peuplement très significative.
Selon le Bureau central israélien des statistiques (chiffres de 2013), chaque année, la population israélienne augmente de 2,1% par le fait des naissances et diminue de 0,5% par le fait des décès. Il en résulte un accroissement annuel net de population de 1,6% (en tenant compte de l’aliyah, ce taux monte à 1,9%). Selon les mêmes statistiques, 12.129 naissances ont été enregistrées dans les localités israéliennes de Judée-Samarie en 2013. Rapporté à une population totale de 356.500 personnes (en 2013), cela correspond à un taux de naissances de 3,4%. Ce taux — très supérieur au taux de naissances moyen israélien — s’explique par une plus grande proportion de familles religieuses en Judée-Samarie comparé à la moyenne nationale (par exemple, les foyers ultra-orthodoxes ont plus d’enfants que la moyenne israélienne dans un rapport de 6,9 à 3). Le taux annuel de décès en Judée-Samarie est aussi plus faible que celui de la moyenne nationale ; il vaut 0,15% (chiffres de 2013). On peut calculer que l’accroissement naturel net de la population de la Judée-Samarie est de 3,25% par an.
Depuis que Benyamin Netanyahou succéda à Ehud Olmert, le taux d’accroissement annuel de la population israélienne en Judée-Samarie a décru de 5,3% (en 2009) à 3,9% (en 2015). Sous aucun autre gouvernement, il ne fut aussi proche de l’accroissement naturel de la population installée. Les nouvelles installations de résidents israéliens en Judée-Samarie ne représentaient en 2015 que 0,65% de la population totale, soit 2.500 personnes — seulement 16,4% de l’accroissement annuel de la population. À titre de comparaison, les nouvelles installations dépassaient 8.000 personnes par an à l’époque de Rabin (1992) et représentaient environ 70% de l’accroissement de population annuel en Judée-Samarie.
Il ne s’agit pas ici d’affirmer que la droite israélienne a plus contribué que la gauche à réduire le repeuplement juif en Judée-Samarie. En réalité tous les gouvernements israéliens se sont engagés dans le mouvement de réduction à partir de la fin des années 1980. Aucun n’y a cependant mis un point d’arrêt définitif. La diminution fut progressive mais continue, au point qu’aujourd’hui, le gouvernement de Benyamin Netanyahou, accusé à tort d’être « pro-colons» est celui qui limite le plus drastiquement tout nouvel afflux de population vers les territoires situés au delà de la ligne d’armistice et ne donne son autorisation à la construction de nouveaux logements qu’à la condition qu’ils soient situés dans les grands blocs de peuplement reconnus par Israël, blocs qui seront intégrés au territoire israélien quel que soit l’accord de paix que les Juifs et les Arabes de Palestine concluront un jour.
________________________________________
[1] Les Juifs furent chassés des territoires palestiniens conquis par la Jordanie en 1948. Ils y étaient nombreux, notamment à Jérusalem qui comptait déjà 8% de Juifs en 1882 et dont la population juive n’a fait qu’augmenter au fil des ans pour atteindre le chiffre de 100.000 Juifs, soit 49% de la population de la ville en 1946. La communauté juive d’Hébron était l’une des plus anciennes de Palestine (voir le massacre d’Hébron, 1929). Le Mandat Britannique encourageait les Juifs à s’installer de plein droit sur tout le territoire cisjordanien (entre la mer et le Jourdain) et y acquérir des terres agricoles. En 1945, des propriétaires juifs possédaient de nombreux terrains dans Jérusalem ainsi qu’au nord, au sud, à l’est et à l’ouest de celle-ci. Entre le sud de Jéricho et la Mer Morte, une grande étendue de terres avait été concédée par le gouvernement britannique à l’industriel juif Moshe Novomeysky pour l’extraction de la potasse de la Mer Morte. Il y avait dans cette région d’importantes installations industrielles privées. Le kibboutz de Kyala a été créé en 1929 pour accueillir les travailleurs juifs.
Cartes des possessions foncières juives en Palestine à la date du 31 mars 1945 (source : Hadawi, Sami. Palestine Arab Refugee Office, 1949, Library of Congress Geography and Map Division Washington, D.C. 20540-4650 dcu)
[2] Les archives du Bureau central israélien des statistiques sont consultables en hébreu; certaines publications sont disponibles en anglais ou sont bilingues. Les données de population remontant jusqu’en 1994 peuvent être consultées ici. J’ai personnellement vérifié ces chiffres. Ils concordent avec ceux publiés par Peace Now, soit rigoureusement, soit à moins de 5% près.
Source :
https://scoliesapostilles.wordpress.com/2017/07/28/les-chiffres-de-la-population-israelienne-de-judee-samarie/