Le théâtre de l’absurde de La Haye
par Daniel Saada
Une fois n’est pas coutume, je propose à tous les lecteurs d’accepter de se livrer à un petit exercice.
Fermez les yeux et laissez votre imagination parcourir le temps dans le passé. Nous sommes le 21 novembre 1945, dans le Palais de Justice de Nuremberg en Allemagne, cette ville dans laquelle 10 ans auparavant le parlement allemand s’était réuni pour y adopter les lois raciales qui conduisirent à la Shoa.
C’est la première séance du Tribunal de Guerre International qui doit juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis pendant le conflit qui vient de se terminer.
Ce tribunal avait, souvenez-vous, délivré 5 mandats d’arrêts internationaux pour que les responsables des pires crimes de la seconde guerre mondiale soient jugés.
Un mandat d’arrêt contre Adolf Hitler dont on dit qu’il serait mort dans son bunker, mais surtout 4 mandats d’arrêts contre Winston Churchill, Franklin Roosevelt, Dwight Eisenhower et Charles de Gaulle.
Les quatre dirigeants des forces alliées doivent répondre des crimes commis contre la population civile allemande, victimes de bombardements aveugles, qui ont provoqué la famine, la désolation et la destruction de près de 90% des infrastructures civiles dans de nombreuses villes du Reich.
Dans le box des accusés les 4 dirigeants occidentaux sont murés dans le silence : Churchill a obtenu le droit de garder son cigare à la bouche, Eisenhower et De gaulles sont en grand uniforme quand à Roosevelt il peine à garder sa dignité sur son fauteuil roulant….
Ouvrez les yeux maintenant : c’est absurde n’est-ce pas ? C’est inimaginable et impossible. Si un auteur s’aventurait à écrire un roman de politique fiction sur ce thème il ne trouverait sans doute aucun éditeur sérieux pour publier un tel récit ?
Et pourtant, c’est exactement ce que la Cour Pénale Internationale a décidé le 21 novembre dernier, ironie de l’histoire, presque 80 ans jour pour jour après l’ouverture du Procès de Nuremberg que j’évoquais tout à l’heure.
Ironie odieuse à laquelle un certain nombre de pays, au premier rang desquels la France, se sont précipités pour annoncer qu’ils s’y prêteront, qu’ils acceptent de jouer dans cette représentation inédite du théâtre de l’absurde.
Israël considère cette décision comme une manifestation supplémentaire de la haine antisémite qui sévit depuis le 7 octobre.
En effet, si l’antisémitisme consiste à appliquer aux Juifs et à leur Etat un régime spécial, édicter à leur encontre des lois spécifiques, leur accorder un statut à part alors oui incontestablement il s’agit d’une décision antisémite qui est le résultat d’un processus antisémite et auquel comme je l’ai dit auparavant il est déplorable que tant de pays qui se disent amis d’Israël comme le Canada, l’Italie ou la France se précipitent pour annoncer avec tant de condescendance et de célérité vouloir “respecter” les décisions de la prétendue justice internationale.
Prétendue justice qui met sur le même plan un Etat démocratique et une organisation terroriste.
Prétendue justice qui n’a jamais enquêté ni poursuivi les responsables des massacres de populations civiles en Syrie, au Yémen, au Congo ou encore au Darfour et au Soudan.
Depuis le 7 octobre 2023 ce samedi noir, on estime que plus de 100.000 personnes ont été tuées au Soudan. En mai dernier, l’envoyé spécial américain pour le Soudan, Tom Perriello, a même déclaré que certaines estimations suggéraient que jusqu’à 150 000 personnes avaient été tuées. C’était il y a plus de 6 mois déjà…. Les ONG et les travailleurs humanitaires témoignent de la famine et des épidémies qui sévissent sur place.
Il a poursuivi en disant que si 10% seulement de l’aide humanitaire qui entre chaque jour à Gaza arrivait au Darfour ces sont des milliers de vies que l’on sauverait.
Mais qui s’en inquiète ? Qui cela intéresse ?
Ce sont des musulmans qui massacrent des chrétiens.
L’Europe et l’Occident préfèrent de loin s’acharner sur l’Etat juif et ses dirigeants.
Rappelons-nous ce que disait Vladimir Jankélévitch:
“Si l’on pouvait faire du peuple génocidé des génocidaires, ce serait alors l’extase des nations qui ne nous ont toujours pas pardonné du mal qu’ils nous ont fait”….
Daniel Saada était ambassadeur d’Israël en France .
S’il n’y avait pas le gros Goliath des nations pour se faire rétamer, le doute resterait permis sur la force cachée d’Israel. Tout va bien en ayant l’air d’aller mal.