Le procès militaire qui divise Israël

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ENQUÊTE – Tsahal est ébranlé par le sort d’un jeune conscrit, Elor Azria, accusé, sur fond d’ «intifada des couteaux» d’avoir achevé un assaillant palestinien d’une balle dans la tête. Les officiers et soldats appelés à témoigner devant le tribunal militaire n’hésitent pas à laver leur linge sale devant la presse, jetant une lumière crue sur l’ampleur du fossé idéologique qui divise la société israélienne
De notre envoyé spécial à Tel-Aviv
Le tribunal militaire de Jaffa siège au premier étage d’une maison Art déco à la façade verte, dans une salle dont les dimensions modestes et l’atmosphère survoltée évoquent un théâtre de poche. Le procès du soldat franco-israélien Elor Azria, accusé d’avoir achevé un assaillant palestinien d’une balle dans la tête alors que celui-ci gisait au sol il y a six mois, vient d’y entrer dans sa phase finale. Journalistes et proches de l’accusé s’entassent devant trois juges galonnés, tandis qu’une jeune greffière aux ongles rose pâle, coincée entre le procureur et les avocats de la défense, trône curieusement sur un fauteuil si haut perché que ses pieds ne touchent pas le sol. L’accusé, cintré dans son uniforme kaki, est assis au premier rang. Le crâne rasé, la mine légèrement bouffie, il arbore un grand sourire et semble étonnamment détendu au regard du châtiment qu’il encourt.
Le sort du jeune conscrit, arrêté et mis à l’index par sa hiérarchie après la diffusion d’une vidéo sur laquelle on le voit ouvrir le feu sans raison apparente, passionne et divise l’opinion israélienne. Les journaux télévisés, quoi qu’il se passe dans le reste du pays, s’ouvrent invariablement par un compte rendu de l’audience du jour. «Jamais je n’avais couvert un procès suscitant un tel engouement», remarque Aviad Glickman, le chroniqueur judiciaire de la dixième chaîne. À en croire les sondages d’opinion, une nette majorité du public a pris fait et cause pour le soldat, tandis que l’état-major réclamait son inculpation. Un tel divorce entre la population et les généraux qui dirigent Tsahal constitue un événement sans précédent dans l’histoire du pays. «Quelle que soit l’issue du procès, la controverse n’est pas près de retomber», prédit, dans un entretien publié en fin de semaine dernière par le quotidienHaaretz, l’ancien chef du Mossad Ephraïm Halévy.


«Même dans des moments de grande colère, nous ne devons pas autoriser de tels comportements»
Moshe Ya’alon, alors ministre de la défense, démissionnaire depuis.
Le 24 mars dernier, c’est paradoxalement à l’occasion d’un incident relativement banal que ce psychodrame s’est noué dans une ruelle du centre d’Hébron (Cisjordanie). Mais la séquence, filmée par un volontaire travaillant pour l’ONG israélienne B’Tselem, n’a pas tardé à faire le tour du monde. On y découvre deux Palestiniens qui gisent à terre, touchés par balles après avoir poignardé un soldat israélien aux abords d’une colonie juive. L’un des assaillants est mort sur le coup. L’autre, Abdel Fattah al-Sharif, bouge encore. Un abondant filet de sang s’écoule de ses plaies mais aucun des secouristes présents ne semble envisager de lui venir en aide. Une dizaine de minutes après l’attaque initiale, au contraire, l’un des infirmiers de l’unité s’avance, le met en joue et lui tire une balle dans la tête. Selon l’un de ses camarades entendu par la police militaire, le soldat aurait marmonné: «Il mérite de mourir.» Elor Azria, lui, nie avoir prononcé ces mots.
L’état-major, quoi qu’il en soit, s’est empressé de condamner son geste avec la plus grande fermeté. Confrontés depuis plusieurs mois à une vague de violence dans les Territoires occupés, les généraux ont à l’évidence redouté que ces images n’aient un impact dévastateur auprès de la population palestinienne comme de l’opinion internationale. D’autant que ce n’était pas la première fois que l’armée est accusée de faire un usage excessif de la force face aux auteurs d’attaques au couteau. Le général Gadi Eizenkot, chef d’état-major, avait même fait savoir quelques semaines plus tôt qu’il ne voulait pas voir ses hommes «vider leur chargeur sur une adolescente armée d’une paire de ciseaux». Le propos lui avait valu d’être traîné dans la boue par une partie de la droite nationaliste, mais ce militaire respecté n’entendait pas transiger sur le respect de l’éthique. Sitôt la vidéo d’Hébron rendue public, le porte-parole de Tsahal annonça l’arrestation d’Elor Azria, et dénonça son attitude comme «une grave violation des valeurs, de la conduite et des standards en matière d’opération militaire». Le ministre de la Défense alors en fonction, Moshe Ya’alon, renchérit peu après: «Même dans des moments de grande colère, nous ne devons pas autoriser de tels comportements.»


«Un risque de mutinerie»
Cette apparente unanimité, toutefois, n’a guère tardé à se fissurer lorsqu’il est apparu qu’une large partie de l’opinion approuvait la réaction du soldat. Ulcérés par le retour des violences, 57 % des Israéliens sondés quelques jours après l’incident d’Hébron estimèrent qu’Elor Azria n’aurait pas dû être placé en détention et 68 % jugèrent que l’état-major avait eu tort de le condamner publiquement. Les premières audiences de son procès donnèrent lieu à des manifestations de soutien orchestrées par des groupuscules d’extrême droite, tandis qu’Avigdor Lieberman, chef de file du parti Yisrael Beiteinu, prit publiquement sa défense. Le tribunal, sous pression, suspendit bientôt la détention du jeune conscrit qui put réintégrer sa base entre deux audiences. Benyamin Nétanyahou, qui avait dans un premier temps semblé soutenir ses généraux, décida de témoigner sa solidarité à la famille Azria. «En tant que parent de militaire, je comprends votre détresse», confia-t-il au père du suspect, avant de relever que les soldats déployés en Cisjordanie «doivent prendre des décisions en temps réel, sous la pression et face à l’incertitude».

«Les gens n’ont pas compris qu’on le présente menotté à l’ouverture de son procès et beaucoup le voient désormais comme un héros qui refuse de se courber contre les puissants»
Tagania Branu, journaliste à Arutz Shtayim (la deuxième chaîne de télévision israélienne)
Au fil des audiences, il est apparu que l’armée elle-même est sérieusement ébranlée par l’onde de choc de l’affaire d’Hébron. Les officiers et soldats appelés à témoigner devant le tribunal militaire n’hésitent pas à laver leur linge sale devant la presse. Les premiers soutiennent que le soldat a violé les règles d’engagement en tuant un suspect qui, depuis de longues minutes, ne présentait à l’évidence plus de danger. Les seconds affirment, tout comme la défense, qu’Elor Azria a «neutralisé» Abdel Fattah al-Sharif de crainte qu’il n’actionne une ceinture d’explosifs dissimulée sous ses vêtements. «L’état-major m’a jeté aux chiens», a dénoncé l’accusé lors de son audition, fin juillet, par le tribunal militaire. «Les conditions sur le terrain étaient très complexes et il s’est à l’évidence senti en danger», plaide son avocat, Me Ilan Katz. À en croire un commandant de compagnie affecté dans le même bataillon, l’arrestation d’Elor Azria a suscité un tel mécontentement dans les rangs qu’il a redouté «un risque de mutinerie» dans les semaines qui ont suivi l’incident. Un autre officier, visiblement embarrassé par les conséquences de l’affaire, a indiqué devant les juges que certains de ses hommes hésitent désormais à ouvrir le feu…

Jetant une lumière crue sur l’ampleur du fossé idéologique qui divise la société israélienne, un colon juif d’Hébron cité par la défense accuse la hiérarchie militaire d’instruire un procès politique contre Elor Azria. «Le commandant de sa compagnie est clairement un gauchiste, a témoigné Asher Horowitz, qui n’a malheureusement pas été capable de gérer cet incident de façon professionnelle en raison de son opposition injustifiée à la colonisation.» La droite reproche fréquemment aux hauts gradés d’être façonnés par les valeurs du sionisme travailliste, par contraste avec des hommes du rang beaucoup plus perméables à la séduction du nationalisme religieux. Cette vieille querelle idéologique, attisée par l’affaire Azria, a pris début mai un tour inédit lorsque le chef d’état-major adjoint a établi un parallèle entre l’atmosphère politique qui règne ces jours-ci en Israël et celle qui prévalait en Europe à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Tancé par Benyamin Nétanyahou, le général Yaïr Golan fut contraint de s’excuser malgré le soutien que lui apportait le ministre de la Défense. Moshe Ya’alon, désormais pris pour cible par la droite religieuse, démissionna quelques semaines plus tard. Avigdor Lieberman, soutien de la première heure d’Elor Azria et partisan de la méthode dure à l’encontre des Palestiniens, lui succéda à la tête de l’armée.

Tandis que l’onde de choc continuait de se propager, le jeune soldat a reçu ces derniers mois d’innombrables témoignages de soutien. «Les gens n’ont pas compris qu’on le présente menotté à l’ouverture de son procès, et beaucoup le voient désormais comme un héros qui refuse de se courber contre les puissants», observe Tagania Branu, qui suit le procès pour la deuxième chaîne de télévision. De nombreux Israéliens, en particulier parmi les Juifs orientaux, s’identifient à ce soldat issu d’une famille modeste dont le père, français, est arrivé de Nice en 1975 et a longuement servi dans la police. «J’ai donné toute ma vie à ce pays, a-t-il dit au premier ministre lors de leur échange téléphonique. Alors quand je vois mon fils porter des menottes…» A la veille du Nouvel An juif, le journal de droite Makor Rishon a décerné à Elor Azria le titre d’«homme de l’année» et le député Oren Hazan (Likoud) a demandé que le chef d’état-major l’autorise à passer les fêtes en famille. «Nous n’en sommes qu’au début», insiste Ephraïm Halevy, l’ancien patron du Mossad, qui voit dans ce procès rien moins qu’un tournant dans l’histoire d’Israël. «Si Azria est reconnu coupable, dit-il, beaucoup de jeunes Israéliens rejoindront la rébellion qui existe déjà sur les collines de Cisjordanie. Et s’il est condamné, le chef d’état-major devra démissionner. Or il est le dernier rempart avant que l’armée tout entière ne s’engage dans la direction où Lieberman veut l’emmener.»
Source :
http://premium.lefigaro.fr/international/2016/10/03/01003-20161003ARTFIG00305-le-proces-militaire-qui-divise-israel.php

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18 Commentaires

  1. Loai dit :

    Au dela du geste discutable de ce soldat la vraie question est a quand une correction en regle des gens de B Tselem?ces rats mecoeurent…

  2. aluf hanitzahon dit :

    « On y découvre deux Palestiniens qui gisent à terre, touchés par balles après avoir poignardé un soldat israélien aux abords d’une colonie juive. »
    Pourquoi écrire  » colonie juive »?? Je ne comprend pas,surtout venant de votre part Une correction me semble utile et nécessaire

  3. LEHI dit :

    Nous sommes tous des Elor Azria !
    C’est un héros qui nous honore autant que nous déshonorent tous les juifs honteux qui soutiennent nos ennemis !

    Vive Elor !

    • Brakha dit :

      Kol hakavod ISRAEL n’a pas besoin de CETTE democratie les palestiniens cherchent à nous tuer pourquoi nous refuse t on ce mêle droit il ne faut pas faire de blessés ça CPUTE très cher aux cons tribuables israelien qui celte tout s’abstenir se révolter

  4. gozou dit :

    on acheve bien les chevaux..tous mon soutien a ce hėros..tel hai

  5. daniel. Danielle dit :

    Soutien a Elor Azria !!!!!

  6. Lys26 dit :

    De tout cœur avec toi Elor.

  7. josué bencanaan dit :

    je soutien ce jeune soldat, etant ancien militaire, j’aurai fais la meme chose, il m’est arrivé de me trouver dans une situation penible, je n’ai pas hésité une seconde, c’est lui ou c’est moi !

    peu importe le cas, il a fait son devoir, courage mon frére, tu sera libre !

  8. La javanaise dit :

    La justice israelienne fait du zele dans cette affaire, il faut sauver le soldat elor!

  9. Gino dit :

    Soutien total à Elior

  10. Pierre un Gaulois dit :

    Le risque de la ceinture d’explosif est suffisamment important pour lui valoir l’acquittement.
    Toute ma sympathie à ce soldat victime d’un affolement médiatique.

  11. Mordechai dit :

    Total soutien à ce jeune soldat..
    En France dans le contexte actuel, ce cas n’aurait pas été relevé..
    On ne peut pas demander à nos Hayalim de lutter uniquement avec un couteau contre des agresseurs au couteau. L’Etat d’Israel se doit d’être ferme quand il s’agit de protéger sa population.

  12. Golmon dit :

    On ne va quand même pas pleurer et dépenser des millions pour avoir nettoyé israël d’un assassin dégommé en flagrant délit ??

  13. Beaufour dit :

    C’est honteux d’envoyer ce militaire en prison il a fait son devoir de militaire. Je suis fière de ce militaire. Il faut tous les tué c’est terroristes

  14. Beaufour dit :

    Nous sommes tous avec toi courage Elor Azria dieux est avec toi. Je soutiens ton geste de bravoure.il faut des gens comme toi. Nous en resterons pas là. Avec toi jusqu’à t’a libération.

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