La tombe du colonel Beltrame, haut lieu de pèlerinage

REPORTAGE – Exécuté par un terroriste lors de l’attaque d’un supermarché à Trèbes, le gendarme demeure dans la mémoire collective.
Envoyé spécial à Ferrals-les-Corbières
Michel Perrin remet son short et plie ses habits officiels dans le coffre de sa voiture. Garé devant le cimetière de Ferrals-les-Corbières, dans l’Aude, ce retraité de l’armée de terre arrive tout droit du département de l’Isère. Dans la touffeur de l’été audois, ce militaire de carrière est venu rendre un hommage personnel sur la tombe du colonel Arnaud Beltrame, exécuté, comme quatre autres victimes, par le terroriste Radouane Lakdim, le 23 mars dernier dans un supermarché de Trèbes, dans la périphérie de Carcassonne.
«Ce qu’il a fait, sacrifier sa vie pour celle d’une otage, mérite le respect de tous. Je ne suis pas venu pour faire du zèle, mais pour lui témoigner de toute l’estime que je lui porte. J’y associe mes camarades, membres avec moi de l’amicale du 7e bataillon de chasseurs alpins de Vars. Cet Arnaud Beltrame, c’est un monsieur», dit-il en se redressant.

Michel Perrin n’est pas le seul à faire de la route pour rendre hommage au colonel Beltrame. À l’intérieur du cimetière, où le cercueil repose à même la terre sans être recouvert d’une pierre tombale, les hommages sont nombreux. Ici, un chapelet surmonte la simple croix de bois planté à l’arrière de la tombe. Là, on peut lire «bel..âme», entre deux ailes d’ange, sur une tuile peinte où manquent délibérément les lettres «t» et «r» au nom du gendarme.
«Un héros admirable»
Le village de Ferrals-les-Corbières, petite commune d’un millier d’habitants traversée par l’Aude, n’est pas pour autant envahi par les pèlerins. «C’était davantage le cas dans les semaines qui ont suivi l’attentat, explique-t-on à la mairie. On observe toutefois un ballet régulier aux abords du cimetière.»
«Cela peut paraître idiot, mais en venant ici, on vient rendre hommage à quelqu’un dont on a l’impression qu’il ne nous est pas inconnu»
Claude
Avec les congés d’été, sur la route de leurs vacances, une poignée de voyageurs font une étape ici, pour se recueillir sur la tombe du soldat. Certains prient. «Cela peut paraître idiot, mais en venant ici, on vient rendre hommage à quelqu’un dont on a l’impression qu’il ne nous est pas inconnu», témoigne Claude.
Revenant d’une visite de la cité de Carcassonne, distante d’une trentaine de kilomètres, ce quadragénaire et son épouse, venus de Limoges, ont décidé de s’arrêter alors qu’ils étaient en chemin pour leur séjour estival à Sète, dans le département voisin de l’Hérault. «Ce n’était pas calculé, mais en voyant le panneau Trèbes sur la route, nous avons eu comme un sursaut», témoigne Alice. «Nous avons cherché sur Internet où le colonel Beltrame reposait. Il nous a paru normal de nous arrêter», expliquent ceux qui confient avoir remercié en prière Arnaud Beltrame.
«Pour ma part, ce n’était pas une prière. Je ne prie pas», confesse Michel Perrin en précisant: «Au nom de notre association, je lui ai dit en silence combien son geste était celui d’un héros admirable. Nous ne l’oublierons pas. Personne ne peut.» Les visiteurs du jour n’ont pas apporté de fleurs ou d’objets, comme cette bougie posée près de l’allée du cimetière. Malgré tout, la tombe du colonel Arnaud Beltrame demeure abondamment fleurie. Signe que quatre mois après son exécution, la mémoire du soldat demeure profondément vivace dans le souvenir français.

Source :
http://premium.lefigaro.fr/actualite-france/2018/07/17/01016-20180717ARTFIG00250-la-tombe-du-colonel-beltrame-haut-lieu-de-pelerinage.php