
La légendaire chanteuse française qui a risqué sa vie pour sauver des Juifs : le combat pour la reconnaissance d’Edith Piaf comme Juste parmi les Nations
Edith Piaf, son assistante Andrée Bigard et la comtesse Lily Pastré ont tout risqué pour protéger des artistes juifs, falsifier des documents et faire passer des prisonniers en toute sécurité. Leurs actes de bravoure incroyables restent largement méconnus et méconnus, même si les historiens se battent pour préserver leur héritage.
S’il s’agissait d’un scénario hollywoodien, il serait probablement jugé trop tiré par les cheveux. Trois femmes – ni combattantes clandestines ni espionnes – ont choisi de risquer leur vie pour sauver des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. En falsifiant des passeports, en menant des opérations de contrebande audacieuses, en cachant des personnes dans de somptueux palais et en usurpant de fausses identités, ces femmes ont pris des mesures extraordinaires pour sauver des âmes juives des griffes de la destruction durant l’une des périodes les plus sombres de l’humanité.
Aujourd’hui, grâce au chercheur sur l’Holocauste Meir Bulka, l’histoire du sauvetage d’Edith Piaf, d’Andrée Bigard et de Lily Pastré – trois femmes courageuses dont les actes héroïques ont été presque oubliés pendant des décennies – est enfin révélée.
Au cœur de ce trio se trouve Édith Piaf, l’une des voix les plus emblématiques de l’histoire de la musique française et internationale. Connue pour ses chansons profondément émouvantes et envoûtantes, Piaf a mis à profit sa liberté de mouvement et ses relations avec des personnalités influentes pour sauver des Juifs.
Un récit particulièrement poignant révèle comment elle accepta de se produire devant des prisonniers de guerre français détenus en Allemagne, à condition de se faire prendre en photo avec eux. Ces photos furent ramenées clandestinement en France, où elles servirent à fabriquer de faux papiers d’identité. Ces faux papiers facilitèrent l’évasion de près de 200 prisonniers, dont beaucoup étaient juifs.
Selon des témoignages, Piaf aurait également hébergé des artistes juifs, contribué à la production de faux documents et facilité leur évasion avec l’aide de son assistante personnelle, Andrée Bigard. Parmi les personnes secourues figuraient Norbert Glanzberg, un talentueux compositeur juif qui fut aussi le partenaire amoureux de Piaf pendant un temps ; Michel Emer (Emer Rosenstein), un musicien juif dont les chansons furent interprétées par Piaf et Yves Montand ; Clara Haskil, une pianiste juive d’origine roumaine spécialisée dans la musique classique ; le metteur en scène Marcel Bluwal ; et la pianiste juive Yura Guller, venue à Paris après avoir passé des années en Chine. Guller fut contrainte de vivre une grande partie de sa vie dans la clandestinité, sous une fausse identité fournie par Piaf et Bigard.
Andrée Bigard, l’assistante personnelle de Piaf, joua un rôle crucial dans ces opérations de sauvetage. Bigard hébergea Glanzberg chez elle pendant six mois, mettant sa vie et celle de sa famille en grand danger. Elle participa pleinement à ces opérations, qui comprenaient la falsification de passeports et l’aide à l’évasion de prisonniers de France vers l’Allemagne.
La troisième héroïne est la comtesse Lily Pastré, une aristocrate du sud de la France qui transforma son palais en sanctuaire pour les musiciens juifs. Piaf elle-même veillait à ce que ces musiciens soient présentés comme ses accompagnateurs lors des concerts, même lorsque certains membres du public étaient des officiers SS allemands. Piaf fut accusée de collaboration avec les nazis et rencontra même le ministre de la Propagande nazi Joseph Goebbels. Cependant, après la guerre, elle fut blanchie de ces accusations, ses actions étant révélées comme des manœuvres habiles visant à aider les prisonniers français.
Malgré l’ampleur de leur héroïsme, Piaf, Bigard et Pastré n’ont pas été officiellement reconnus comme Justes parmi les Nations. En juillet 2024, Meir Bulka a soumis à Yad Vashem un dossier complet, comprenant des citations de la biographie de Piaf par l’auteure Carolyn Burke, un article de journal de 1944, des documents du biographe de Piaf, David Looseley, et des témoignages de la presse britannique. Cependant, la réponse qu’il a reçue a été décourageante : sans témoignage de première main, le processus de reconnaissance ne peut avancer.
« Tous les survivants ne sont plus en vie », déplore Bulka. « Mais nous disposons de suffisamment de documents historiques – articles, livres et autres documents – pour savoir que Piaf, Bigard et Pastré ont sauvé des vies juives. Il est temps de le reconnaître officiellement. »
Bulka, chercheur principal à l’Institut de recherche sur l’Holocauste de l’Université Bar-Ilan et directeur de l’organisation JNERATIONS, consacre des années à la préservation de la mémoire juive. Son travail consiste notamment à localiser des lieux de sépulture, des synagogues et des ruines de communautés juives à travers l’Europe. Il a piloté des dizaines de projets de commémoration de l’histoire juive. Pour lui, la révélation de cette histoire s’inscrit dans un effort plus large visant à restaurer l’honneur des héros oubliés. « Je dépoussière simplement l’histoire », dit-il. « Ces histoires sont restées cachées à la vue de tous. Il est temps de dire la vérité : trois femmes qui n’étaient ni des combattantes, ni des membres de la résistance, mais des héroïnes au sens propre du terme. »
Bulka souligne qu’aucun survivant ne peut aujourd’hui témoigner directement. Il mentionne toutefois que Serge Glanzberg, le fils de Norbert Glanzberg, disposerait d’un témoignage important sur cette affaire. Malheureusement, Serge a refusé de partager ces documents, malgré ses efforts répétés pour y avoir accès.
« Tout ce que je peux faire, c’est espérer que Yad Vashem fera preuve de flexibilité dans son processus de prise de décision et reconnaîtra que ces trois femmes ont sauvé des Juifs pendant l’Holocauste, sur la base des preuves que nous avons présentées », ajoute Bulka.
Yad Vashem a répondu : « L’histoire en question est connue et a été examinée. À ce jour, Yad Vashem a investi des efforts considérables pour tenter de localiser des témoignages et des documents d’archives concernant l’histoire, mais aucun n’a été trouvé ou soumis qui pourrait aider au processus de reconnaissance de Piaf, Bigard et Pastré.
La Commission pour la désignation des Justes parmi les Nations, organisme chargé d’octroyer ce titre, s’appuie principalement sur les témoignages des Juifs aidés, recueillis depuis la fin de la guerre jusqu’à aujourd’hui. Ces dernières années, environ 200 personnes ont été honorées chaque année, sur la base de témoignages de survivants sous forme de mémoires, de journaux personnels, etc. La commission prend également en compte des sources indépendantes, telles que des demandes d’indemnisation, des documents juridiques d’après-guerre et d’autres documents faisant référence à des personnes ayant aidé des Juifs.
Quant au témoignage de Norbert Glanzberg, comme indiqué, il n’a pas été transmis à Yad Vashem. S’il est reçu, il pourrait apporter un éclairage supplémentaire sur les activités de ces trois femmes. Le Département des Justes parmi les Nations répond à toutes les demandes et accueille favorablement la soumission de documents pertinents pour étayer l’examen des récits de sauvetage. Il en a été de même dans cette affaire.
Source
https://www.ynetnews.com/