Jean-Louis Thiériot: «Pour un Nuremberg du communisme, enfin!»
Par Jean-Louis Thiérot
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On est condamné à ne rien comprendre à la différence de perception de la menace russe de nos alliés d’Europe centrale si l’on n’a pas en tête cette singularité mémorielle», argumente Jean-Louis Thiériot. Illustration Fabien Clairefond
TRIBUNE – Le député de la Seine-et-Marne regrette qu’il n’y ait pas eu de réprobation morale unanime du communisme.
Apprendre l’histoire des crimes du communisme dans les livres est une chose. L’entendre de la bouche de ceux qui en ont souffert dans leur chair en est une autre. De retour des pays Baltes, de Pologne, de Roumanie et de République tchèque, où des missions de la commission défense m’avaient conduit, ce sont à chaque fois les mêmes souffrances que j’ai entendues de la bouche des parlementaires.
La grande histoire qui bégaye: l’occupation soviétique, l’annexion par l’URSS ou l’intégration forcée dans le pacte de Varsovie, une première fois en raison du pacte germano-soviétique de 1939, une seconde fois après 1945, le tout après avoir subi la botte nazie. La petite histoire qui est partout la même: un grand-père fusillé dans les forêts de Lituanie ou de Lettonie pour avoir rejoint les maquis des Frères de la forêt, qui ont tenu la dragée haute à l’Armée rouge jusqu’à la fin des années 1950, une grand-mère torturée dans les caves du KGB ou un grand-oncle déporté en Sibérie.
Ce ne sont pas les 100 millions de morts des statistiques du Livre noir du communisme, de Stéphane Courtois, publié en 1997 – on peut contester le chiffrage mais l’ampleur de la tragédie est là -, ce ne sont pas les pages de L’Archipel du Goulag, c’est une photo jaunie sur la cheminée d’un salon. Et c’est toujours le même regret: qu’il n’y ait pas eu une condamnation morale unanime du communisme sur le modèle de Nuremberg, qui avait défini comme organisation criminelle le parti nazi et ses satellites. On est condamné à ne rien comprendre à la sensibilité à fleur de peau et à la différence de perception de la menace russe de nos alliés d’Europe centrale si l’on n’a pas en tête cette singularité mémorielle. Ce n’est pas une lointaine querelle d’historiens.
Les conséquences se lisent encore dans nos rues lorsqu’on voit fleurir, chez les soutiens de Poutine, la faucille et le marteau ou le drapeau rouge dont, dès 1848, Lamartine avait fort justement dit qu’«il n’a fait que le tour du Champ-de-Mars, traîné dans le sang du peuple en 91 et 93, (alors que) le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie». Elles se lisent aussi dans la réhabilitation de Staline et du communisme en Russie, qu’il s’agisse de l’interdiction de l’ONG Memorial ou du buste dévoilé en grande pompe le 2 février dernier à Volgograd. La condamnation universelle du nazisme à Nuremberg interdit aujourd’hui à tout dirigeant politique de s’en réclamer et d’en arborer les insignes – pour la France: article R. 645-1 du code pénal. Il n’en va hélas pas de même pour le communisme.
Le parallélisme avec le nazisme est à manier avec précaution. Nul ne saurait nier la singularité de la Shoah, irréductible à tout autre crime de masse. En revanche, le caractère criminogène de l’idéologie communiste ne fait aucun doute. Ce n’est pas un idéal trahi, c’est une pensée organiquement totalitaire. À chaque fois qu’il a été mis en œuvre, en URSS avec les goulags et l’Holodomor (la grande famine causée par la dékoulakisation), en Chine avec Mao ou au Cambodge avec Pol Pot, il a causé des millions de morts. Qu’on lui applique donc les règles qu’il a lui-même fixées par la bouche de Lénine: «Un homme ne se juge pas sur ce qu’il dit ou pense de lui-même, mais sur ce qu’il fait!» Qu’on juge le communisme sur sa «praxis».
On sait trop bien pourquoi le Nuremberg du communisme, en 1989, n’a jamais eu lieu. La chute du Mur est venue trop tardivement. La plupart des grands criminels, de Staline à Mao, n’étaient plus là pour répondre de leurs crimes. Les Nation unies, qui, dans l’esprit du statut de Nuremberg, auraient dû en connaître, étaient inopérantes, la Chine se réclamant toujours du communisme. La création d’un tribunal ad hoc aurait pu être une solution. Mais trop de raisons militaient contre: le rôle joué par l’URSS dans la victoire contre l’Allemagne et par les communistes dans les différentes résistances nationales paralysait les initiatives. En France, on se souvenait des 20 millions de morts soviétiques et du CNR, mais on jetait un voile pudique sur le pacte Molotov-Ribbentrop, sur les sabotages des usines d’armement, sur la fuite à Moscou de Maurice Thorez en 1939, sur la tentative des dirigeants communistes clandestins d’obtenir de l’occupant en 1940 l’autorisation de faire reparaître L’Humanité. On se rappelait seulement l’héroïsme des combattants FTP, entrés dans la lutte généralement après juin 1941 et l’invasion de l’URSS. Là est la ruse de l’histoire, le nœud gordien qui a définitivement placé Staline et ses affidés dans le camp du bien, comme l’analysait fort justement le Vassili Grossman de Vie et destin.
On s’est contenté de condamner quelques comparses dans tel ou tel pays, sans juger le système. On en mesure aujourd’hui les ravages.
«Il n’a pas seulement vaincu son ennemi présent, il a vaincu son passé. L’herbe se fera plus épaisse sur les tombes de 1930 dans les villages. Les neiges et les glaces du cercle polaire resteront silencieuses.» La complicité des élites progressistes fera le reste. Il ne fallait pas braquer les projecteurs sur la compromission de ceux qui, après avoir regardé Moscou ou Pékin avec les yeux de Chimène pour «ne pas désespérer Billancourt», même après Budapest et Prague, exerçaient encore un magistère éminent. En Europe de l’Est, aussi, l’hydre des services de sécurité était si vaste, de la Stasi à la Securitate, qu’ils étaient, à l’époque, nombreux à souhaiter qu’on tournât la page et qu’on avançât sans remuer la boue. C’était le temps de la «lustration». On s’est donc contenté de condamner quelques comparses dans tel ou tel pays, sans juger le système. On en mesure aujourd’hui les ravages.
Est-il définitivement trop tard? Sans doute pas. Un procès est évidemment impossible. Mais il serait possible de remettre en lumière la résolution 1481 du Conseil de l’Europe, qui, en 2006, appelait de ses vœux «la nécessité d’une condamnation internationale des crimes des régimes communistes totalitaires». Elle est limpide et mériterait d’être citée in extenso. Rappelant que «les crimes ont été justifiés au nom de la théorie de la lutte des classes et de la dictature du prolétariat», elle soulignait que «l’interprétation de ces deux principes rendait légitime l’élimination des personnes considérées comme nuisibles à la construction d’une société nouvelle et, par conséquent, ennemies des régimes communistes totalitaires». Dès lors, rien ne saurait dispenser «la communauté internationale de prendre clairement position sur les crimes commis par les régimes communistes totalitaires. Elle a l’obligation morale de le faire sans plus attendre».
À l’heure qu’il est, rien n’a été fait. Il s’agit d’une résolution purement déclarative. Face à la situation internationale et à l’exploitation par certains de la nostalgie du communisme pour justifier une coupable complaisance vis-à-vis de Moscou, la meilleure réponse serait sans doute de donner à cette résolution la force d’un traité et d’en faire un élément constitutif du statut du Conseil de l’Europe (46 États membres). Aux États ensuite d’en tirer les conséquences dans leurs droits nationaux et selon leur identité juridique et constitutionnelle. La France pourrait ainsi adopter une loi sanctionnant la contestation des crimes du communisme, sur le modèle de la loi Gayssot pour la négation des crimes définis par le tribunal de Nuremberg.
Autant de démarches qu’il est urgent d’entreprendre pour réconcilier les mémoires européennes, celles de l’Ouest oublieuse du passé et celle de l’autre Europe, à jamais meurtrie. Pour bâtir ensemble, car, comme le disait Orwell dans 1984, «qui contrôle le passé contrôle le futur» !
Source
https://www.lefigaro.fr/…/jean-louis-thieriot-pour-un…
Jean-Louis Thiériot, né le 26 juin 1969 à Paris, est un avocat, essayiste, historien et homme politique français.
Membre des Républicains, il est élu suppléant dans la 3e circonscription de Seine-et-Marne lors des élections législatives de 2017, et devient député mi-juillet 2018. Il est réélu dans la même circonscription en 2022.
Il a été maire de Beauvoir de 2008 à 2018. Il a également présidé le conseil départemental de Seine-et-Marne de mars à juillet 2018, département dont il est le conseiller depuis 2015, élu dans le canton de Nangis avec Nolwenn Le Bouter.
Cela serait nécessaire de le faire enfin. Si cela avait été fait dans les années 70-80, le nazislamisme actuel aurait eu beaucoup plus de mal à s’implanter en Europe occidental, puisqu’il est soutenu par toute l’extrême gauche et donc le PC qui voit dans les prophétariens la « nouvelle classe ouvrière ».