Israël, Maroc, Égypte… La géopolitique du Rassemblement National se dessine à l’Assemblée nationale
Par Hicham Zemrani
ENQUÊTE – Le parti nationaliste espère obtenir plusieurs présidences de groupes d’amitié parlementaires convoités. Un outil supplémentaire pour travailler la stature internationale de Marine Le Pen en vue de 2027.
Pour Marine Le Pen, la «normalisation» se joue aussi à l’international. Alors que l’hypothèse d’une arrivée au pouvoir du RN en 2027 inquiète bon nombre de chancelleries européennes, la candidate naturelle du RN cherche à rassurer en prenant ses distances avec les prises de position controversées de son mouvement vis-à-vis de Vladimir Poutine, Bachar el-Assad ou Donald Trump… Pour ce faire, elle peut s’appuyer sur un outil stratégique, les groupes d’amitié parlementaires de l’Assemblée nationale.
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Depuis 2022 et l’arrivée massive des nationalistes au Palais Bourbon, les lepénistes ont investi ces cercles diplomatiques, dont la mission est de tisser des liens avec les parlementaires et acteurs de la société civile du pays concerné. Présider un groupe d’amitié «permet de prendre attache avec les autorités locales, rencontrer l’ambassadeur, voir les problématiques communes à la France et à ce pays», expose un cadre du RN, qui ajoute que «derrière, évidemment, il y a la question d’organiser des déplacements pour Marine Le Pen».
Le 13 janvier, à l’issue d’une ultime réunion réunissant les pontes de la Chambres basse, toutes les présidences des groupes auront été attribuées. Fort de ses 124 députés, le parti à la flamme peut en revendiquer 35 sur 150. Signe de l’importance de ces cénacles, «c’est Marine Le Pen elle-même qui gère les groupes», confie un poids lourd du RN. Durant la législature précédente, la frontiste avait placé des hommes de confiance à la tête des groupes les plus convoités. Le député de la Somme, Jean-Philippe Tanguy, avait ainsi été sommé de prendre la présidence du groupe France-Inde.
Depuis plusieurs années, la triple candidate à l’élection présidentielle courtise le premier ministre nationaliste indien Narendra Modi. Lors du débat de l’entre-deux-tours en 2017, elle se présentait comme «la mieux placée pour parler à l’Inde de Modi». Cinq ans plus tard, elle proposait que la plus grande démocratie au monde intègre de manière permanente le Conseil de sécurité de l’ONU. Autant de déclarations pour bien se faire voir de New Delhi et paver la voie à une visite de Marine Le Pen en Inde.
Cette fois-ci, le RN a fait du très prestigieux groupe France-Maroc la mère de ses batailles. Si elle l’emporte en 2027, Marine Le Pen compte se rapprocher du royaume chérifien, avec lequel elle partage un sentiment anti-algérien. «C’est l’héritage du père», analyse Pierre Vermeren, professeur d’histoire à l’Université Panthéon-Sorbonne, qui rappelle également la présence au sein du «Front national des débuts d’une composante royaliste qui soutenait la monarchie marocaine et recevait, en échange, des marques d’amitié du roi du Maroc». Une référence à la visite de Jean-Marie Le Pen à Rabat en 1990, lorsque le Menhir avait été reçu en grande pompe par Hassan II.
Cela serait choquant que le groupe d’amitié revienne à un parti politique qui scande en permanence que l’immigration n’est jamais une chance, que l’antisémitisme est le fait des musulmans et que les binationaux sont perfides et déloyaux
Naïma Moutchou
Mais la perspective de voir le RN présider le groupe France-Maroc inquiète dans les rangs de la majorité. «Quel signal envoie-t-on, non seulement au Maroc, mais aussi à la communauté franco-marocaine ?», interroge Naïma Moutchou. Pour la vice-présidente de l’Assemblée nationale, elle-même franco-marocaine, il serait «choquant» que la présidence du groupe revienne à un parti «qui scande en permanence que l’immigration n’est jamais une chance, que l’antisémitisme est le fait des musulmans et que les binationaux sont perfides et déloyaux». D’autant plus que les parlementaires marocains ne veulent pas «avoir à traiter avec l’extrême droite», affirme l’élue proche d’Édouard Philippe. «Vu les échos qu’on a eu côté marocain, ils n’avaient pas l’air traumatisés», rétorque-t-on dans l’entourage de Marine Le Pen.
Un axe anti-fondamentalisme au Moyen-Orient
Le RN avance également ses pions pour récupérer le groupe France-Israël, particulièrement convoité depuis depuis les attaques terroristes du 7 octobre. «Quand on regarde les positions des uns et des autres, nous sommes le parti le plus crédible à la présider», estime le député nationaliste Julien Odoul, qui met en avant le soutien sans faille de sa famille politique à l’État hébreu. Marine Le Pen, qui se pose comme l’antithèse d’un Emmanuel Macron dont la politique arabe varie constamment, suscite désormais l’intérêt de Tel-Aviv. En mai dernier, lors du congrès Europa Viva 24, grand raout des nationalistes, elle avait posé tout sourire aux côtés d’Amichaï Chikli, ministre israélien des Affaires de la Diaspora. Ce membre du Likoud, le parti du premier ministre Benyamin Netanyahou, déclarait quelques semaines plus tard que «ce serait une excellente chose pour Israël que Marine Le Pen soit présidente de la France».
«Les derniers mois ont montré qui nous sommes vraiment», se réjouit-on au RN. Présider le groupe France-Israël permettrait ainsi au RN de poursuivre son opération séduction de la communauté juive française.
À #Madrid, @MLP_officiel a également pu rencontrer @AmichaiChikli, Ministre des Affaires de la diaspora d'#Israël et en charge de la lutte contre l’antisémitisme !
Nous continuerons d’être le premier rempart contre l’antisémitisme en #France pic.twitter.com/3EmXeEOwc6
— Thibaut François (@thib_francois) May 19, 2024
Mais aussi de se rapprocher d’un pays qui lutte contre l’islamisme. Marine Le Pen en a identifié deux autres : les Émirats arabes unis et l’Égypte, des «alliés de la France» pour faire «reculer l’idéologie islamiste», qui ont en commun d’avoir classé les Frères musulmans comme «organisation terroriste». Soit le miroir inversé du Qatar – grand rival des Émirats arabes unis – que les nationalistes accusent de financer le djihad et les mouvements fréristes.
Jusqu’à la dissolution, le groupe d’amitié France-Émirats arabes unis était présidé par le député RN Sébastien Chenu. Une fonction qui lui avait permis de se rendre à Dubaï en 2023, à l’occasion de la COP28. Marine Le Pen a désormais pour objectif de faire passer le groupe France-Égypte sous pavillon frontiste. Elle peut s’appuyer sur de solides relations avec le pays dirigé d’une main de fer par Abdel Fattah al-Sissi, dont elle avait loué le combat contre le «fondamentalisme» lors de son voyage en Égypte en 2015. À cette occasion, elle avait pu rencontrer le premier ministre Ibrahim Mahlab et le grand imam de la mosquée al-Azhar, Ahmed Al-Tayeb.
Source
Le Figaro
Oui le soutien de MLP et de Julien Odoul ont été constant. Le RN n’est plus le FN. Par contre, MLP est pour une solution à deux états qui au vu des évènements du 07/10 ne peut plus être mis en œuvre. Si elle veut marquer des points qu’elle aille voir Bibi à Jérusalem et demande que l’on déplace l’ambassade de France de Tel Aviv à Jérusalem. Là on verra une rupture nette avec la politique pro arabe française qui dure depuis 50 ans. Le soutien c’est une chose, on attend également des actes forts.