En Allemagne, certains jeux vidéo ont dû être «dénazifiés»

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La législation est très stricte sur l’utilisation de croix gammées et autres insignes liés au Troisième Reich.
Rappelez-vous, si vous aviez 20 ans au début des années 1980 et déjà un penchant naissant pour cette chose cryptique qu’était alors l’informatique, ou si vous avez eu la chance comme moi d’avoir un père qui est parvenu à maintenir en vie son Apple II jusqu’au début des années 2000, vous avez certainement déjà joué à Below The Root, avec son personnage qui explorait des univers souterrains oniriques, vert sur noir.

Sinon vous avez peut-être été initié au jubilatoire Sammy Lightfoot ou au surréaliste jeu français Le Crime du parking, dans lequel on pouvait s’amuser à insulter les personnages… Et peut-être même à Castle Wolfenstein, ce jeu d’infiltration sorti en 1981 et qui est considéré comme le tout premier jeu d’ordinateur ayant pour décor la Seconde Guerre mondiale: le joueur est censé être enfermé dans un château où des gardes nazis torturent les prisonniers et a donc pour mission de s’enfuir tout en dérobant les plans de bataille de l’opération Rheingold.

Le design du jeu, conçu par la société américaine Muse Software, était plus que subtil. Il n’y avait pas de musique, mais la magie opérait tout de même: avec ces gardes qui vous coursaient en hurlant sans cesse «Achtung!» et«Halt!», jouer à Castle Wolfenstein, ça faisait mal au ventre. Comme l’écrivent Bill Loguidice et Matt Barton dans l’ouvrage Vintage Games, consacré comme son nom l’indique aux tout premiers jeux informatiques, «la bande-son de Castle Wolfenstein est peut-être l’élément le plus iconique du jeu».


«Eva, auf Wiedersehen»
Un deuxième volet est sorti en 1984, Beyond Caslte Wolfenstein, dans lequel le joueur se mettait dans la peau d’un agent chargé d’introduire une bombe dans le quartier général du Führer. À l’époque, ces deux jeux ont également rencontré un certain succès chez les nerds allemands. Mais tout s’est corsé la décennie suivante, explique l’hebdomadaire Der Spiegel, lorsqu’une autre société de jeux vidéo américaine, idSoftware –les pionniers de Muse Software avaient alors depuis belle lurette mis la clef sous la porte– ont lancé en 1992 le jeu de tir à la première personne Wolfenstein 3D, fortement inspiré de l’univers de son prédécesseur.

Tout ce qui n’était que suggéré dans Castle Wolfenstein se retrouvait d’un coup matérialisé: le quartier général nazi dans lequel évoluait le joueur était tapissé de drapeaux floqués de croix gammées et de portraits d’Hitler. Et le jeu s’achevait même par un duel avec le führer en personne et lourdement armé, écrit Der Spiegel:
«Lorsqu’on l’a touché suffisamment, le dictateur mécanisé hurle dans un allemand grinçant “Scheiß!” et jaillit de son équipement dans son uniforme brun. Lorsqu’on parvient enfin à le tuer, il dit “Eva, auf Wiedersehen” et se mue en flaque de sang.»
À sa sortie en Allemagne en 1994, le jeu a été réquisitionné, précise l’hebdomadaire:
«Pas pour des motifs liés à la protection de la jeunesse mais en raison de l’utilisation de symboles d’organisations anticonstitutionnelles. […] Leur utilisation est un délit, salon le paragraphe 86a du code pénal. Il y a certes des exceptions comme pour les œuvres d’art mais le fait d’assimiler les jeux d’ordinateur à des œuvres d’art est controversé sur le plan juridique.»
En bref, si un éditeur de jeux vidéos utilise des croix gammées dans un jeu destiné à être commercialisé en Allemagne, celui-ci doit donc s’attendre à aller au tribunal. Ce genre de procès durant en général plusieurs années, cela représente donc un trop grand risque sur un plan financier. Le jeu risque fort d’être désuet une fois l’autorisation obtenue. Qui plus est, précise l’avocat spécialisé Stephan Mathé à Der Spiegel, personne n’a jusqu’ici eu envie de devenir «l’entreprise qui a légalisé l’utilisation de croix gammées dans les jeux vidéos».

Hitler tout simplement effacé
Cette spécificité juridique allemande a donc obligé les éditeurs à retoucher, et à censurer leurs propres jeux afin de pouvoir les commercialiser en Allemagne, qui est le plus grand marché européen en la matière. Der Spiegel donne l’exemple du jeu Saboteur, sorti en 2009, où l’on peut voir dans la version originale des scènes où la Wehrmacht envahit la France, avec pour bande-son des extraits de discours d’Hitler. Ceux-ci ont été supprimés dans la version allemande.

Et le dernier volet de la série Wolfenstein, dans lequel le héros B. J. Blazkowicz se réveille dans un monde dans lequel les nazis ont gagné la guerre, a dû lui aussi subir plusieurs modifications, même en ce qui concerne des détails a priori insignifiants:
«Dans la version allemande, le mot “nazi” a été effacé, à la place c’est “le régime” qui est au pouvoir. Hitler n’est plus présent et n’est pas nommé de manière explicite. Même un chien-robot nommé Blondie (1) a été rebaptisé Bemmo pour la version allemande.»

1 — Le berger allemand d’Hitler s’appelait Blondi
source :
http://www.slate.fr/story/115001/allemagne-jeux-video-denazifie

happywheels

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  1. JEAN DELAIVE dit :

    Il faut tout de même avoir l’esprit tordu pour mettre au point des jeux pleins de symboles nazis !

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