Eclipsé par Daech, Al-Qaida s’est enraciné loin des regards
Planète djihad Quinze ans après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, le réseau djihadiste est tout sauf mort.
Qui s’intéresse encore à Al-Qaida? A l’évidence, «La Base» djihadiste ne frappe plus les esprits quinze ans après les funestes attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington. Désormais, tous les regards sont tournés vers la Syrie et l’Irak, où un terrifiant «califat» a été proclamé en juin 2014 par Abou Bakr al-Baghdadi, leader du groupe Etat islamique (Daech). Tous les regards, mais aussi tous les efforts militaires. Ce groupe est aujourd’hui l’ennemi numéro un. Celui d’hier, Oussama ben Laden, a été tué en mai 2011 déjà, par un commando de la CIA au Pakistan. Et Washington n’a pas hésité à déclarer, au cours la campagne présidentielle de 2012, qu’Al-Qaida était «sur la voie du déclin»…
Rien n’est moins sûr, pourtant. Les apparences, en la matière, sont trompeuses. Tout le monde reconnaît, certes, que l’insoutenable brutalité des vidéos de Daech et l’efficacité redoutable de ses méthodes de communication sur les réseaux sociaux ont carrément «ringardisé» Al-Qaida, reléguant à l’antiquité du djihadisme les images de Ben Laden dans sa grotte, prêchant d’une voix douce. Quant à son successeur, le docteur égyptien Ayman al-Zawahiri, il n’est guère charismatique. Cela dit, à l’heure où Daech, ancienne «franchise» d’Al-Qaida en Irak, recule sur presque tous les fronts militaires, force est de constater que la «maison mère» est toujours là, et ses filiales sont plus actives que jamais (lire ci-dessous).
En l’occurrence, Al-Qaida a «évolué», note l’International Crisis Group. Le réseau encourage ses djihadistes à s’enraciner dans leurs provinces, participant systématiquement à des insurrections locales et évitant de provoquer le rejet des populations, contrairement à Daech qui tue et terrorise les civils musulmans jugés «impies». Sous Zawahiri, l’organisation de Ben Laden cultive son intégration dans les sociétés, tenant compte des allégeances tribales, quitte à marier ses leaders avec des filles de chefs de tribus… pour bénéficier ensuite de la protection qui leur est due.
Certes, Al-Qaida a perdu d’importants leaders sous les frappes des drones étasuniens. Le chef d’Aqpa, Nasser al-Wahishi, a ainsi été tué au Yémen en 2015. Et le porte-parole d’Al-Nosra, Abou Firas al-Souri, est mort en avril dans un bombardement en Syrie. Mais les leaders sont préparés à mourir en «martyrs», c’est dans l’ordre des choses. Ancien responsable du Shin Bet, les services de sécurité israéliens, Ami Ayalon martèle que les exécutions ciblées sont inefficaces. A chaque fois que l’Etat hébreu a tué des leaders du Hamas ou du Hezbollah, ceux qui ont pris leur place n’étaient pas moins dangereux…
Contrairement à Daech, qui voit son grand projet de califat grignoté de jour en jour, Al-Qaida a toujours misé sur le très long terme: semer partout le chaos pour créer les conditions permettant à des mouvements alliés de prendre le pouvoir. Du coup, pendant que Daech, hypermédiatisé, subit des attaques de toutes parts, le réseau de Zawahiri se consolide et s’étend. «Al-Qaida est prêt pour le jour après Daech», affirme même Katherine Zimmerman, qui étudie ce mouvement au sein du think tank conservateur American Enterprise Institute. «A cause de sa résilience, Al-Qaida est une menace plus grande que Daech.»
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Le réseau Ben Laden dans tous ses Etats
Branche réputée la plus dangereuse, Al-Qaida dans la péninsule Arabique (Aqpa) a notamment revendiqué l’attentat de janvier 2015 contre Charlie Hebdo. Au Yémen, ses combattants mêlés à des acteurs locaux ont fini par contrôler un territoire non négligeable. Ses effectifs ne cessent de croître.
Autre exemple: Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) multiplie les attaques depuis novembre: au Mali, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire… Il y en aurait eu une centaine depuis janvier. Malgré les offensives militaires menées depuis 2013 dans le Sahel, notamment par la France, le groupe poursuit sa guerre d’usure en s’appuyant sur un jeu d’allégeances tribales.
En Syrie, la branche locale d’Al-Qaida, très petite à l’origine, est devenue le groupe islamiste le plus important (après Daech) sous le nom de Jabhat al-Nosra (Front pour la victoire) en s’alliant à d’autres groupes rebelles opposés au régime de Bachar el-Assad et rebutés par le «califat». Pour augmenter encore les possibilités d’alliances, son chef Abou Mohammed al-Jolani a annoncé à la fin de juillet sa rupture avec Al-Qaida, rebaptisant son groupe Jabhat Fatah al-Sham (Front pour la conquête du Levant). Une rupture tactique, avec la bénédiction officielle de Zawahiri. Histoire de tenter un rapprochement, sur le terrain, avec des milices bénéficiant de financements turcs, saoudiens ou qatariens.
Le réseau jadis fondé par Ben Laden chapeaute aussi plusieurs groupes en Libye, ainsi que les shebabs de Somalie, lesquels auraient tué en janvier une soixantaine de soldats kenyans dans l’attaque d’une base de l’Union africaine. Par ailleurs, une nouvelle branche, Al-Qaida dans le sous-continent indien (Aqsi), a été lancée en septembre 2014 pour unir les djihadistes actifs au Myanmar, au Bangladesh et dans certaines régions d’Inde.
Enfin, et peut-être surtout, les talibans d’Afghanistan sont à nouveau sous influence directe d’Al-Qaida. Leur nouveau chef désigné en juin, le mollah Haibatoullah Akhundzada, est un religieux sans expérience du combat, qui s’appuie beaucoup sur son lieutenant Sirajuddin Haqqani, fils du grand protecteur d’Oussama ben Laden et de ses combattants. Ainsi, Ayman al-Zawahiri, qui avait surpris le monde en «s’abaissant» à prêter allégeance au précédent chef des talibans en mai, est désormais en position de force.
Source :
http://www.tdg.ch/monde/eclipse-daech-alqaida-s-enracine-regards/story/22568752
https://vt.tumblr.com/tumblr_nu6zz5xKWl1u2rrf6.mp4?id=0
* Terrorisme : Al-Quaïda menace la France après l’arrestation du commando de femmes liées à Daech.
http://actu.orange.fr/france/terrorisme-al-quaida-menace-la-france-apres-l-arrestation-du-commando-de-femmes-liees-a-daech-magic-CNT000000tLqIU.html