Djihadisme: « On est dans le déni depuis 20 ans »

MONDE Deux experts français en lutte antiterrorisme louent l’efficacité des services opérationnels belges.
Hier matin sur LCI, le porte-parole du gouvernement français, Stéphane Le Foll, exprimait en termes très diplomatiques que la collaboration et la coopération franco-belge en matière de lutte antiterroriste n’avait pas encore atteint son zénith.
Dans la même veine : interviewée par Le Parisien hier, l’auteure du livre En immersion à Molenbeek, publié en 2006 (il y a dix ans donc) suite à deux mois d’enquête sur le terrain, alertait déjà le grand public sur l’évolution radicale de certains jeunes résidant à Molenbeek. À l’époque, « tout le monde s’est dit que j’exagérais. Force est de constater que le constat dressé en 2006, qui comportait déjà tous les signaux d’alerte, n’a pas été entendu », a-t-elle confié au Parisien. D’après certains spécialistes de l’antiterrorisme français, les racines de cet ultraradicalisme religieux datent d’il y a bien plus longtemps encore.

C’est le postulat de Gilles Sacaze, ancien de la DGSE française et aujourd’hui patron d’une société de maîtrise des risques. « Le premier signal date de l’affaire Khaled Kelkal (le premier djihadiste de France, tué par le GIGN en 1995, NdlR) », rappelle-t-il. « À cette époque, nous travaillions avec les services secrets algériens. Et ils nous disaient déjà qu’au sein du Groupe islamique armé (GIA), il y avait des jeunes issus de nos quartiers. Nous étions en 1995… Aujourd’hui, on nous parle de nouvelle menace. Mais en réalité, il n’y a rien de nouveau. Il s’agit d’une problématique très ancienne que personne n’a voulu voir. En deux mots, nous sommes dans le déni de la menace depuis vingt ans ! En France comme en Belgique. » Ce déni vient surtout de nos classes politiques respectives, estiment la plupart des spécialistes opérationnels du dossier. Selon Didier Gallois, ancien patron du GIGN (jusqu’en 2009) et associé à Gilles Sacaze, « les policiers de la DSU étaient tout à fait conscients, à l’époque déjà qu’il y avait d’énormes difficultés avec certaines communautés mais ils ne recevaient aucune directive claire de la part du monde politique. La situation en France est identique. C’est facile de chercher un bouc émissaire, la Belgique en l’occurrence, côté français. Mais les deux pays ont fait les mêmes erreurs en refusant de voir la réalité en face ».

Sur le plan opérationnel, la relation semble bien meilleure entre les services des deux pays. Didier Gallois affirme avoir toujours eu une excellente relation avec les Belges lorsqu’il travaillait au GIGN.
« Nous avons toujours eu une excellente collaboration avec les services belges, notamment la DSU, qui fut d’ailleurs un moteur dans la collaboration européenne en matière de lutte antiterroriste et un modèle pour les Européens dans l’opérationnel. Cela reste encore aujourd’hui une unité extrêmement moderne et efficace. Nos policiers et gendarmes français ont souvent suivi des formations à la DSU, notamment avec leurs unités undercover, un domaine d’excellence belge qui a fait des petits dans toute l’Europe. »
Source :

http://www.dhnet.be/actu/monde/djihadisme-on-est-dans-le-deni-depuis-20-ans-56e9c37f35708ea2d39e467a