Dans la tête du penseur d’Hitler

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Alfred Rosenberg est sûrement l’un des chefs nazis les moins connus. Il était pourtant l’idéologue du régime. Son Journal, resté inédit jusqu’à aujourd’hui, est un document de première main sur le fonctionnement du Reich, les luttes de clan et les divagations des théoriciens de la haine.
Nazi de la première heure, Alfred Rosenberg est un admirateur indéfectible de Hitler. Ce rejeton d’une famille allemande des pays Baltes, né en 1893 à Tallinn, actuelle capitale de l’Estonie – mais à l’époque ville russe, sous le nom de Reval -, suit des études d’architecture à Riga et à Moscou, avant de s’installer en Allemagne à la fin de l’année 1918. Après la naissance du parti national socialiste, en 1920, il prend la direction de la rédaction de l’organe de propagande le Völkischer Beobachter.
Rosenberg est animé par un antisémitisme obsessionnel, qui nourrit les pages de Mein Kampf et de ses propres livres, Amoralité dans le Talmud et Les Protocoles des Sages de Sion et la politique mondiale juive. Dans son principal ouvrage « théorique », Le Mythe du xxe siècle(1930), il élabore une vision du monde fumeuse, façonnée par l’affrontement de « races » et de « contre-races ». Egalement féru de politique étrangère, il est convaincu que la Russie est l’ennemi n° 1 de l’Allemagne et que seule une alliance Berlin-Londres stoppera la volonté hégémonique de Moscou.

Malgré ses liens avec Hitler, Rosenberg ne recueille pas les fruits du pouvoir, alors que grandit l’influence des Göring, Ribbentrop ouGoebbels, qu’il déteste autant qu’ils le haïssent. A la déclaration de guerre, il est pourtant chargé d’une mission de confiance : la collecte des oeuvres d’art et des bibliothèques des grandes familles juives. Et, en 1941, il est nommé « chargé de mission pour le traitement central des questions de l’espace est-européen », autrement dit ministre du Reich pour les Territoires occupés à l’Est.
A ce titre, il doit assurer le ravitaillement de la Wehrmacht et défricher un « espace de colonisation ». Dans les faits, il mène une politique de pillage, de « pacification » et de « germanisation », qui coûte la vie à des millions de civils. De ce point de vue, peu d’autres dirigeants nazis méritent autant que lui la qualification de « criminel de conviction », affirment les historiens Jürgen Matthäus et Frank Bajohr, maîtres d’oeuvre de cette édition.

L’idéologue en chef du parti nazi (le « père de l’Eglise du national-socialisme », selon Hitler) est le seul, avec le ministre de la Propagande Joseph Goebbels, à tenir un journal. Il ne faut pas attendre de révélation, de « scoop », dans ces textes rassemblés sur le tard après maintes péripéties, mais les appréhender comme un vaste tour d’horizon d’une idéologie en action, de clans qui se détestent, d’une politique étrangère en élaboration, de propositions extravagantes qui feraient rire si elles n’étaient pas tragiques, comme celle de faire redécouvrir aux habitants de Hambourg, dévastée par les bombardements alliés, les joies simples de la ruralité…
[EXTRAITS]
21 août 1936
J’apprends aujourd’hui la raison pour laquelle le capitaine Fürstner, qui avait mis en oeuvre l’organisation du village olympique [NDLR : à Berlin], a été victime d’un « accident ». Il s’était certes avéré, il y a un certain temps, qu’il avait du sang juif ; il a donc été rétrogradé. Il a accompli son service jusqu’à la fin des Jeux olympiques, puis a fait une dépression nerveuse et s’est suicidé. L’un de ces cas limites et tragiques. Il avait certainement été sélectionné, selon les règles de Mendel, en direction de son côté germanique. Tout mon respect pour son acte.
29 septembre 1939
[L’invasion de la Pologne par l’armée du Reich débute le 1er septembre à l’aube dans le couloir de Dantzig. Le 17 septembre, l’Armée rouge envahit à son tour le pays, dans le cadre des clauses secrètes du pacte germano-soviétique. Le 27, Varsovie capitule. Le 29, la Pologne est partagée entre les deux agresseurs.]
Le Führer […] a commencé par me décrire, une heure durant, la campagne de Pologne. L’armée d’aujourd’hui est inévitablement supérieure à celle de 1914, il existe un tout autre lien entre la direction et la troupe : cuisine unique pour les généraux et les hommes, les généraux à l’avant sur le front. […] Les Polonais : une mince strate germanique, en dessous un matériau effroyable. Les juifs, le plus abominable qu’on puisse imaginer. Les villes pétrifiées par la crasse. Il dit avoir beaucoup appris au cours de ces semaines. Avant toute chose : si la Pologne avait encore régné quelques décennies supplémentaires sur les anciennes parties du Reich, tout serait pouilleux et délabré ; ici, désormais, seule peut gouverner une main de seigneur sûre de son objectif.

Il compte diviser le territoire désormais délimité en trois bandes : 1. Entre la Vistule et le Bug : tout le judaïsme, y compris en provenance du Reich, et tous les éléments non fiables à quelque titre que ce soit. Le long de la Vistule, une muraille de l’Est imprenable – encore plus forte qu’à l’Ouest. 2. Le long de la frontière antérieure, une large ceinture de germanisation et de colonisation. Il y a là, dit-il, une grande mission, pour l’ensemble du peuple : créer un grenier à blé allemand, installer une forte paysannerie de bons Allemands venus du monde entier. 3. Entre les deux, une « entité étatique » polonaise. […]

2 février 1941
Voilà le Führer de retour à Berlin après une longue période. J’y suis de nouveau allé pour le déjeuner, à deux reprises, à la fin janvier. Le 29 janvier, rien de politique n’a été dit à table, mais le Führer a prononcé une assez longue conférence sur les végétariens et les carnivores, ou les cadavrivores, comme il les appelle. Il est convaincu que les végétariens sont les forces plus endurantes de la vie : les carnivores, comme le lion, ont selon lui tout d’un coup une force immense, mais pas d’endurance ; les éléphants, les taureaux, les chameaux, les buffles sont de son point de vue des contre exemples éloquents. Les plantes sont ce qui nous convient, dit-il, on le voit bien dans le traitement des malades. Aujourd’hui, on donne à fort juste titre aux enfants et aux malades des fruits et des bouillons de légume, pas de la viande. La consommation de viande est selon lui probablement apparue au cours d’une longue période de froid, et elle s’est maintenue par la suite.
Au Moyen Age, les catégories supérieures ne mangeaient presque que de la viande et mouraient très jeunes. Il se dit persuadé que si l’on comprend bien la théorie des vitamines et qu’on en tire toutes les conséquences, l’homme pourra un jour atteindre les 250 ans.
Le Führer a épicé tout cela d’humour et nous l’avons écouté en riant. J’ai fait remarquer que le premier combat devait être mené contre l’IG Farbenindustrie, le blanchissement chimique de la farine, etc. Mais après le repas, tout le monde disait la même chose : les grandes assiettes de nourriture crue fatiguent l’estomac en raison des quantités qu’on est forcé d’avaler

9 avril 1941
Ces derniers temps, je me suis rendu chaque jour au déjeuner chez le Führer. Le 7 sont arrivées les premières nouvelles du front sud-est : violents combats. Le Führer dit que cela lui fait de la peine de devoir affronter les Grecs, qu’il a tout de même en lui une réminiscence de l’hellénisme. Jamais une bombe sur Athènes! Après avoir exprimé son jugement sur la grandiose exposition consacrée à Auguste, à Rome, le Führer a parlé avec admiration de cette Rome antique. Nous ne sommes tout de même pas allés beaucoup plus loin, à part quelques objets assemblés avec de l’acier et du fer.
Du point de vue hygiénique, Rome était beaucoup plus avancée. Même dans sa chute, elle a été grandiose, et l’on peut comprendre que les jeunes Germains aient été subjugués par le spectacle qu’elle offrait. Et pour finir, dit-il, chaque époque donne à son dieu des traits conformes à son caractère. Il faut voir la tête souveraine de Zeus-Jupiter, puis le Christ tourmenté, pour mesurer la différence. Comme l’Antiquité paraît libre et gaie à côté de l’Inquisition, des bûchers réservés aux sorcières et aux hérétiques. On ne respire un peu mieux que depuis deux cents ans. Il est vrai, dit-il (d’après Schopenhauer?), que l’Antiquité n’a pas connu deux maux : le christianisme et la syphilis.

[Les bombardements alliés sur Hambourg, la deuxième ville du pays, entre le 25 juillet et le 3 août 1943, ont fait plus de 40 000 morts et presque autant de blessés.]
Allwörden est revenu de Hambourg et fait un rapport détaillé de la situation locale. En termes objectifs, car en réalité les mots manquent pour décrire ce qui s’est passé. Mais l’attitude de la population a été exemplaire. Un cri : Vengeance! domine chez la plupart des gens.
Compte tenu de cet anéantissement des grandes villes, il me semble qu’une chance sans précédent s’ouvre à la redécouverte du milieu rural. Nous devons comprendre ce signe du destin et ne plus jamais autoriser la formation de villes mondiales du même style. […] J’engagerai en tout cas toute mon énergie pour que l’on ne construise plus de ces mégalopoles avec leur foison d’arrière-cours. L’arme des bombardiers constitue la plus forte pression en faveur de cette idée : la technologie la plus développée nous force à revenir à la campagne, plaide contre les grands immeubles. Hambourg renaîtra plus belle qu’elle n’a été, avec 500 000 personnes, elle viendra à bout de toutes les missions qu’il faut remplir.
29 juillet 1944

[…] A l’Est, repli ininterrompu. Je n’ai pas de jugement à prononcer sur cet aspect militaire des choses ; mais il est clair que beaucoup des officiers supérieurs n’ont pas compris l’élément révolutionnaire de la guerre, et, captifs de la vieille routine de la technique militaire, accordent plus d’importance à la forme qu’à l’élan, à l’attitude, à l’emportement. Beaucoup de réactionnaires que l’on a remis au service actif n’ont pas trouvé la manière d’exprimer leur gratitude pour le fait qu’au lieu de continuer à vendre des tissus, du vin et des machines, ils ont pu reprendre leur poste d’officier. Beaucoup de généraux, de feld-maréchaux ! La nouvelle orientation ne leur convient pas. Le corps des officiers supérieurs nationaux- socialistes est arrivé trop tard.
Journal 1934-1944,par Alfred Rosenberg.Trad. de l’allemand par Bernard Lortholary et Olivier Mannoni. Ed. établie sous la direction de Jürgen Matthäus et Frank Bajohr. Flammarion, 674p., 32 ?. Parution le 30septembre.
source :
http://www.lexpress.fr/culture/livre/dans-la-tete-du-penseur-d-hitler_1719111.html

Rosenberg mort

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8 Commentaires

  1. roni dit :

    qu est ce qu il est devenu ?

    • liguedefensejuive dit :

      Au procès de Nuremberg, le 1er octobre 1946, il est condamné à mort après avoir été reconnu responsable des massacres organisés dans les pays à l’Est de l’Allemagne, pour plan concerté ou complot, crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Il est pendu le 16 octobre suivant. Quand il lui est demandé s’il a quelque chose à déclarer avant son exécution, il répond d’un simple « Non ».

      Après son exécution, les principaux acteurs de la mise en œuvre de la politique de réorganisation de l’Est du continent européen utilisent sa position pour se disculper eux-mêmes

    • liguedefensejuive dit :

      source :http://pasjuifs.blogspot.fr/2013/04/eichmann-rosenberg-et-les-autres.html

      Eichmann, Rosenberg et les autres
      Dans la logique déficiente de certains imbéciles, il y a des Juifs riches donc les Juifs sont riches, et si les Juifs sont riches, alors les riches sont juifs. De même, sachant que beaucoup de Juifs ont un nom à consonance germanique, les gens qui ont un nom à consonance germanique sont juifs.

      À plus forte raison, si je puis dire, sachant qu’en France un Rosenberg a de fortes chances d’être juif, les mêmes, entendant parler d’un nazi qui portait ce nom, en déduisent qu’il était juif.

      Je l’ai déjà écrit précédemment, Rosenberg est d’abord un toponyme et un patronyme allemand. Les Orsini-Rosenberg, par exemple (une famille noble autrichienne), n’ont jamais été juifs. Dans La Quenouille de Barberine, Musset met en scène un chevalier nommé Rosemberg, qui n’est pas plus juif que le Rosencrantz de Hamlet.

      L’idéologue nazi Alfred Rosenberg était issu d’une famille germano-balte. À l’âge de 25 ans, ce futur fondateur d’un « Institut de recherche sur la question juive » était déjà un adepte fervent des théories raciales et un antisémite fanatique. Il disait que les Juifs lui avaient volé son nom.

      Quant au non moins sinistre Eichmann, c’est le seul nom qu’un crétin affirmant que plusieurs dignitaires nazis étaient juifs avait été capable de me citer. Je me contenterai de faire remarquer qu’Eichmann se prénommait Karl Adolf tandis que son père avait pour prénoms Adolf Karl. À propos des fils qui ont le même prénom que leur père, voir mes articles précédents.

      Autre exemple, Heydrich, qui est aussi sur ma liste, était né d’un père protestant et d’une mère catholique. Inutile d’aller chercher plus loin.

      Supposer que des dirigeants nazis responsables de l’extermination des Juifs auraient été juifs eux-mêmes, ce n’est pas seulement stupide, c’est infâme. C’est en réalité, selon les termes d’Édouard Husson, un symptôme de la mauvaise conscience européenne vis-à-vis de ce crime gigantesque. C’est ce qui permet de s’en laver les mains, de se dire : « ce sont des Juifs qui ont fait cela à d’autres Juifs, donc je ne suis pas concerné ».

  2. Intellectuels juifs de langue allemande ou intellectuels allemands d’origine juive ?

    Ces définitions ne sont pas innocentes, car elles sous-tendent deux interprétations différentes de la culture judéo-allemande. Qu’elle soit considérée, à l’instar de Martin Buber, comme un âge d’or du monde occidental né de la rencontre du Geist allemand avec la tradition juive, ou en revanche, selon la vision de Gershom Scholem, comme un très long monologue dans lequel les Juifs se parlaient entre eux, voire « s’étourdissaient eux-mêmes », cette culture était portée par une intelligentsia au profil social bien marqué. Comme l’écrivait Hannah Arendt à propos de Rahel Varnhagen, dans le monde germanique « on n’échappe pas à sa judéité »

  3. Le régime nazi s’est livré à une réécriture de l’histoire en plaçant l’origine de la civilisation indo-européenne dans l’Europe nordique. L’art et le sport ont été mis à contribution pour accréditer l’idée que les nazis seraient les héritiers des glorieuses civilisations antiques. Or à ces annexions symboliques correspondent des conquêtes territoriales. Dans un travail érudit et captivant, Johann Chapoutot montre que le Reich ne se contente pas de revisiter l’histoire antique : il est conduit par elle.

    http://www.laviedesidees.fr/Quand-les-nazis-annexaient-l.html

  4. Pierre un gaulois dit :

    Il y a d’autres Rosenberg qui ont laissé une trace dans l’Histoire :
    Aucun lien de parenté avec Ethel et Julius Rosenberg, américains, juifs et communistes, accusés d’espionnage au profit de l’URSS et condamnés à mort dans un procès retentissant pendant la Guerre Froide…

  5. aval31 dit :

    Les juifs de l’est sont issus des communauté ayant du fuir ce qu’est devenu l’Allemagne.
    On a ainsi contribué à la construction du Grand du duché de pologne-Lithuanie ayant sauvé l’Europe.
    La grande Pologne a ensuite disparue remplacée par l’empire russe (qui est devenu puissant de manière aussi récente que les USA).
    Dans tous les territoires de la grande pologne, les russes ont trouvé de nombreux juifs.
    Juifs qui avaient gardés leur noms germaniques.
    Ils étaient 80% du judaisme mondiale et ont disparus par assimilation (aux USA)par la shoah et par leur immigration en Israël.

    C’est aussi comme çà que les russes devinent qui est d’origine juive : des noms « allemands ».

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