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«CROIX GAMMÉES, EAU DE JAVEL, SCARIFICATION…» : UN «GOUROU» DE 28 ANS ACCUSÉ D’AVOIR POUSSÉ AU MOINS 12 ADOLESCENTES À SE TORTURER
Un homme de 28 ans d’origine indienne, qui résidait à Antibes (Alpes-Maritimes), sera jugé ce lundi pour avoir poussé au moins 12 jeunes filles à se torturer en direct sur la plate-forme Discord. Il encourt jusqu’à vingt ans de prison.
Une histoire digne d’un film d’horreur sordide. Caché derrière l’écran de son ordinateur, un étudiant d’une grande école de commerce domicilié à Antibes dans les Alpes-maritimes a, au printemps 2020, séduit puis piégé et finalement poussé à s’automutiler et se torturer au moins douze jeunes filles à l’autre bout du monde.
Le suspect était même devenu un véritable gourou au sein d’une petite communauté d’extrême droite d’environ 150 membres qu’il fédérait sur un forum de discussion. Ses agissements criminels ont duré des mois, jusqu’à l’intervention du FBI et son interpellation par la police française.
Le suspect est renvoyé ce lundi 3 mars devant la cour criminelle de Paris où il doit être jugé pour «acte de torture et de barbarie», «corruption de mineurs en bande organisée» et «extorsion en bande organisée» sur la période de 2019 à 2021.
Son procès pourrait toutefois être renvoyé, si le magistrat estime que les faits doivent être jugés devant une cour d’assises où l’accusé pourrait encourir la réclusion criminelle à perpétuité – contre vingt ans de prison devant la cour criminelle.
PLUSIEURS VIDÉOS DE TORTURE
L’affaire a été révélée lorsque Google a signalé l’un de ses utilisateurs au «National Center for Missing and Exploited Children», une ONG américaine qui s’occupe d’affaires d’enfants disparus ou exploités. Une jeune fille qui disait avoir 12 ans apparaissait dans une vidéo le torse nu, couvert de l’inscription «Rohan» et de croix gammées écrites au feutre noir. Il s’agissait là du point de départ d’une enquête tentaculaire qui a mené les forces de l’ordre à la découverte de multiples vidéos, toutes plus sordides les unes que les autres.
Ces vidéos montraient des jeunes filles mineures poussées à se graver le prénom «Rohan» ou des croix gammées sur la peau, à se masturber avec des objets contondants, à boire leur urine ou de l’eau de javel, à se plonger la tête dans la cuvette des toilettes, ou encore à manger leurs cheveux. Ces tortures, les victimes sous emprise devaient se les infliger face à leur webcam, sous les ordres d’un même utilisateur caché derrière plusieurs adresses mail : un homme identifié par les enquêteurs comme étant un certain Rohan R., domicilié à Antibes, en France, et qui publiait en direct les vidéos sur Discord, devant des membres hilares de sa communauté, baptisée CVLT.
Après de longues investigations menées par «une task force internationale» dont le FBI et la police française, les enquêteurs ont cerné la méthodologie du suspect. Le jeune homme, arrivé d’Inde en 2016 pour poursuivre ses études sur la Côte d’Azur, entrait en contact avec des jeunes filles mineures, parfois âgées d’à peine 11 ans, généralement fragiles psychologiquement. Dans un jeu de séduction, il parvenait à les convaincre de lui envoyer des photos d’elles dénudées. Et le piège se refermait. Il se livrait alors à un chantage cruel que l’on appelle «sextorsion» (mot-valise combinant sexe et extorsion), et menaçait ses victimes de révéler les images si elles n’exécutaient pas ses ordres.
12 VICTIMES FORMELLEMENT IDENTIFIÉES
Selon un un manuel en ligne intitulé «How to get a girl» dans lequel il regroupait toutes ses techniques, le suspect, qui se présente lui-même comme un «gourou», affirme avoir manipulé 200 victimes. À ce stade, le FBI, et les autorités internationales ont réussi à recenser douze jeunes filles, formellement identifiées comme des victimes, aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Nouvelle-Zélande et en Estonie. Elles ont entre 11 et 16 ans. L’une d’entre elles, une adolescente de 15 ans, affirme avoir été poussée à commettre une tentative de suicide en se tranchant la gorge et les poignets.
Par la suite, les enquêteurs ont identifié de nombreux membres de la communauté du suspect, le groupe baptisé «CVLT» – à prononcer «cult», «secte» en anglais – sur Discord, dont certains ont été accusés de pratiquer de la «sextorsion» de mineurs. Rohan R. est apparu comme étant l’un des leaders de l’organisation qui avait «un tropisme pour toute forme de violences et d’humiliation à caractère sexuelle». De son côté, il a assuré aux enquêteurs n’être qu’un modérateur de cette organisation qualifiée de «structurée et hiérarchisée» par l’accusation.
Selon l’enquête, le CVLT s’est spécialisé dans la promotion de l’idéologie fasciste et de la haine envers les «noirs, les musulmans, les arabes, les juifs et néo-féministe». En plus des sévices physiques et sexuels imposés à ses victimes, Rohan R., qui se revendiquait aussi «nazi», a tenu auprès de certaines jeunes filles des propos humiliants ou racistes lors de séances filmées. Quatre ans après son interpellation, trois autres hommes, âgés de 23 à 41 ans, ont été inculpés aux États-Unis, a révélé fin janvier le Los Angeles Times. Ils sont soupçonnés d’avoir participé à une entreprise d’exploitation d’enfants.
«FASCINÉ PAR LA VIOLENCE»
Placé en détention provisoire, Rohan R. est soupçonné d’avoir poursuivi ses activités depuis sa cellule à l’aide de téléphones portables. C’est un «personnage très complexe», selon les mots de l’un de ses avocats, Me Simon Olivennes. «Un homme qui a une part de mystère et de secret» qui pourrait être liée «à des traumatismes» vécu pendant son enfance en Inde. Il a notamment avoué une fascination pour la violence, et dit s’être inscrit sur Discord en 2020 pour participer à des séances sadomasochistes par écran interposé, et où il a dit visionner des vidéos de meurtres ou de scarifications.
En garde à vue, il affirmé qu’il se considérait comme «psychopathe», et qu’il n’éprouvait aucune émotion. Selon les analyses psychologiques réalisées, il ne présentait pour autant aucun problème de discernement. Aucun trouble psychiatrique n’a par ailleurs été découvert. «L’élément fondamental de ce dossier, c’est que Rohan R. n’a jamais vu ou touché physiquement» les victimes, poursuit l’avocat, dont le client reste présumé innocent. «Se pose toujours la question de la déréalisation de l’horreur», a-t-il conclu.
Source
https://www.cnews.fr/