Comment les « idiots utiles » de la gauche radicale ont permis l’ascension du Hamas
Michaël Prazan dévoile l’envers du mouvement terroriste islamiste, soutenu par les « idiots utiles » d’une certaine gauche occidentale.
Par Peggy Sastre
La liesse des membres du Hamas, le 7 octobre 2023, à la frontière de la bande de Gaza et d’Israël.
Il y a les essais qui documentent et il y a ceux qui marquent. La Vérité sur le Hamas et ses « idiots utiles », que l’historien, documentariste et journaliste Michaël Prazan fait paraître ce 15 janvier aux Éditions de l’Observatoire, est de cette trempe. Un ouvrage incisif qui ne se contente pas d’exposer les mécanismes d’une idéologie destructrice, mais dévoile et dénonce les complicités et aveuglements qui lui permettent de prospérer.
Le livre s’ouvre sur un certain samedi d’automne, le 7 octobre 2023, ses massacres, ses images d’horreur filmées et diffusées par les terroristes comme autant d’outils de propagande. Des actes, choquant par leur cruauté, leur mise en scène et la jubilation de leurs auteurs, mais dans lesquels il ne faut pas voir de « simples » exactions.
Pas des dérapages, pas le fruit chaotique et spontané d’une barbarie opportuniste, mais bien la traduction d’une stratégie pensée, calculée et exécutée dans un cadre dépassant de loin le théâtre de la guerre. La conséquence directe d’une idéologie structurée, ancienne et méthodique dont les racines plongent, certes, dans une histoire complexe, mais aussi et surtout dans une partition historique et sociale adroitement orchestrée.
Influence des Frères musulmans
Michaël Prazan connaît Gaza. Il y était voilà près de quinze ans, et son séjour a été essentiel pour appréhender l’organisation et la domination du Hamas. « Les lieux sont toujours une source précieuse d’information et de compréhension », nous explique-t-il. Prazan sait comment cette enclave, exiguë et surpeuplée, est devenue au fil des années le reflet d’une organisation politique ayant réussi à imposer son pouvoir par la force, la terreur et l’endoctrinement. Il y a rencontré des figures majeures du Hamas, notamment l’un de ses fondateurs, ainsi que le futur chef du Jihad islamique. Il nous révèle des individus tout à fait conscients de leurs agissements et les raisons qui les animent : « Ce sont des stratèges qui savent très bien ce qu’ils font, de même que les conséquences de leurs actes », confirme-t-il.
Pour pleinement le saisir, il faut remonter aux racines du Hamas, formellement né dans les années 1980 mais dont les fondations idéologiques plongent dans l’histoire des Frères musulmans, antérieure de plusieurs décennies à la naissance d’Israël. Prazan s’attarde longuement sur cette parenté entre Hamas et nazisme, dans la droite ligne de l’influence exercée par le grand mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini, antisémite, anti-occidental et allié forcené des Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale.
Croisade
Stricto sensu, le Hamas n’est d’ailleurs même pas un mouvement nationaliste palestinien. Il est avant tout l’expression d’une théologie politique voyant dans la Palestine un waqf, une terre sacrée appartenant à l’ensemble des musulmans, pas à un peuple spécifique. Cette dimension religieuse rend toute concession impossible. Pour le Hamas, négocier ou céder un morceau de terre n’est pas seulement une trahison, c’est une hérésie. Avec son cocktail de termes religieux et d’exhortations belliqueuses, difficile de faire plus éloquent que la rhétorique des leaders du Hamas que Prazan expose et décortique. On y entend, sans la moindre ambiguïté, que le Hamas ne mène pas une guerre pour un territoire mais une lutte existentielle pour une vision du monde.
C’est à ce titre qu’il n’y aura jamais de paix, que des « trêves ». Comme le précisait à Prazan son ami Hassan Balawi, cadre de second rang du Fatah et ancien chef de la communication du ministère des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, devenu l’un de ses ambassadeurs à l’Unesco et au Parlement européen : « Pour les islamistes, Israël représente une nouvelle croisade. Les croisades ont duré deux cents ans, et, pendant ces deux siècles, des dirigeants islamistes tels que Saladin faisaient, de temps à autre, des “trêves” avec les rois chrétiens. Après un certain temps,les dirigeants musulmans repartaient au combat. » Et Prazan de commenter : « Les croisades sont la principale référence historique des Frères musulmans. Peu importe le temps qu’il faut : seul compte, en bout de course, le fait de parvenir à ses fins. »
« Aveuglement volontaire »
Parmi les autres passages fondamentaux du livre, l’analyse de l’endoctrinement, en particulier chez les plus jeunes. Gaza, où près de la moitié de la population a moins de 18 ans, est un terrain fertile pour la propagande du Hamas, que Prazan restitue avec une force tragique. Comme ces programmes télévisés diffusés par Al-Aqsa TV avec leurs personnages costumés appelant au meurtre des Juifs comme d’autres récitent une comptine.
« Il est presque impossible de rencontrer quelqu’un qui conteste le pouvoir du Hamas », constate aujourd’hui Prazan. L’absence quasi totale d’opposition à Gaza s’explique non seulement par la répression brutale exercée par le mouvement, mais aussi par des décennies de lavage de cerveau.
À Gaza, une génération entière a grandi sous le joug du Hamas, sans connaître d’autre réalité politique ou idéologique. Les réfractaires, quand ils existent, ne se tournent pas vers des idéaux démocratiques mais vers des mouvements encore plus radicaux, comme Al-Qaïda, un temps implanté dans la région. Ce qui produit un cercle vicieux où la violence nourrit la violence, et où les alternatives pacifiques semblent condamnées à mourir dans l’œuf.
Mais l’emprise du Hamas ne se limite pas au Proche-Orient, et les islamistes peuvent compter sur un réseau de soutien propageant leurs idées bien au-delà de ses frontières. « L’entrisme des organisations fréristes diffuse un discours de victimisation à même de convaincre les nouvelles formes prises par l’antiracisme, déplore Prazan. Il y a un aveuglement volontaire, notamment d’extrême gauche, qui semble obstruer ou évacuer la réalité pour des motifs idéologiques et électoralistes. »
Le tout s’enracine dans un phénomène historique : depuis les années 1980, la cause palestinienne est devenue un marqueur essentiel du militantisme étudiant à gauche. Avec l’effondrement du communisme, le pro-palestinisme a pris le relais comme dernier grand identifiant idéologique : un mouvement que galvanisent une méconnaissance des réalités et une opposition systématique à Israël, érigé en symbole d’oppression.
Comme le résume Prazan : « Ajoutons à cela l’ignorance – qui renvoie à la baisse du niveau scolaire qui affecte les lycéens ou les étudiants, mais aussi un certain nombre d’enseignants –, l’hystérie et la violence des réseaux sociaux, le développement des théories complotistes, l’explosion de l’antisémitisme qui, depuis le 7 Octobre, s’exprime désormais sans aucun garde-fou, la disparition des communautés juives de banlieue, depuis, en gros, les années 2000-2005, qui a renvoyé les Juifs à toutes sortes de fantasmagories, et la perte de repères qui touche les nouvelles générations sur ce qui fonde le pacte républicain, la pulsion ou la séduction révolutionnaire qui identifie la violence islamiste à un adjuvant capable de renverser le capitalisme, le dévoiement du mot “résistance” ou le romantisme supposé de la violence révolutionnaire en général, palestinienne en particulier, et vous aurez là les éléments du combo explosif qui a façonné ce à quoi nous avons assisté au cours de l’année écoulée. » Sans compter que « certains acteurs sont motivés par un antisémitisme de moins en moins masqué, ou par intérêt, sachant que certains d’entre eux sont en lien avec des pays, notamment des émirats perméables à l’idéologie des Frères musulmans. »
À ce titre, le livre de Michaël Prazan n’est pas qu’une dissection du Hamas. Il interroge aussi les failles des démocraties occidentales, gangrenées par la peur, l’autocensure et les compromissions. Une dérive que l’assassinat de Samuel Paty aura tragiquement illustrée, avec l’intimidation islamiste parvenant à imposer le silence dans des sphères pourtant censées incarner la liberté d’expression. Une complaisance qui, pour Prazan, équivaut à une trahison morale. Comme si, en relativisant certains actes, en refusant de nommer clairement le mal et en faisant petit à petit de la barbarie un « moyen de lutte » acceptable, nos sociétés consentaient à leur autodestruction.
Source
Le Point
A gerber.