Comment Dieulefit, un village français de 3.000 âmes, a réussi à cacher plus de 1.500 personnes sous l’Occupation

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En 1939, le conseil municipal décide d’accueillir trente républicains espagnols fuyant la dictature de Franco, lors de la Retirada. En mai 1940, avec la débâcle de la bataille de France, ce sont 1 200 réfugiés des régions frontalières qui sont affectés à Dieulefit. Le conseil municipal élu en 1935 est dissous en février 1941, et remplacé par un colonel nommé par le préfet.
Entre 1940 et 1944, près de 1 500 Juifs (enfants et adultes) trouvèrent refuge à Dieulefit à l’initiative de

Marguerite Soubeyran et

Catherine Krafft (fondatrices de l’école de Beauvallon, haut lieu d’accueil de réfugiés – juifs ou pas). À partir de janvier 1943, Marguerite Soubeyran organise la résistance armée en regroupant des réfractaires au Service du travail obligatoire que Jeanne Barnier, secrétaire de mairie, dote de faux papiers5. Sept de ses habitants sont reconnus comme « Justes parmi les nations ».

lire ci-après l’article de SLATE en cliquant sur le lien ci-après

http://www.slate.fr/story/98797/dieulefit-occupation

«Dieulefit». Pour l’hebdomadaire allemand Die Zeit, le nom de ce petit village de la Drôme le prédestinait au «miracle» qui s’y produisit durant la Seconde Guerre mondiale: grâce à la bonté et la discrétion de ses habitants, plus de 1.500 personnes échappèrent à la déportation. Juifs, résistants, artistes, intellectuels, orphelins… Tous trouvèrent refuge à Dieulefit. Aucun d’eux ne fut dénoncé, aucun d’eux ne fut arrêté.
À ce jour, seuls neuf habitants – tous décédés – du village se sont vus décerner le titre de «Juste parmi les nations» par l’institut Yad Vashem. Le silence des Dieulefitois, qui a permis de sauver tant de vies, semble avoir joué par la suite contre la reconnaissance de leur engagement. À titre de comparaison, la commune du Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire, qui a caché plus d’un millier de juifs sous l’Occupation, compte aujourd’hui 90 Justes.
Lorsqu’il a commencé à mener des recherches sur l’histoire méconnue de Dieulefit il y a huit ans, l’historien français Bernard Delpal s’est d’abord heurté à un mur de silence ou, comme l’écrit Die Zeit, à des réponses évasives:
«Ah, les vieilles histoires. Ce que nous avons fait était normal ! Ce n’est pas notre genre de nous vanter comme ça.»

Les centaines d’enfants et d’adultes qui ont trouvé refuge à Dieulefit doivent à la fois leur survie aux habitants qui leur ont ouvert leur porte, leur grenier, leur cuisine, et à quelques personnes-clefs qui les ont activement protégées. À l’instar de la secrétaire du maire pétainiste du village, Jeanne Barnier, qui distribuait sous l’Occupation plus de tickets de rationnement que le village ne comptait d’habitants et produisit à la chaîne des faux papiers d’identité:
«Avec le temps, Jeanne Barnier était de plus en plus professionnelle. Elle commença à veiller à ce que les initiales restent les mêmes, afin d’éviter qu’une broderie, par exemple sur un mouchoir, ne démasque l’imposture. Elle choisissait des villes dont les registres avaient été détruits pendant la guerre comme lieux de naissance, de manière à ce que personne ne puisse vérifier si les papiers d’identité avaient bien été délivrés à cet endroit-là.»

Les trois directrices d’un établissement scolaire alternatif créé en 1929 dans le village, l’École de Beauvallon, que les habitants surnommaient affectueusement les «fées de Beauvallon» ont également joué un rôle actif dans la résistance. Grâce à Marguerite Soubeyran, Catherine Krafft et Simone Monnier, des centaines d’enfants ont pu être sauvés. Comme tous au village, elles faisaient avec les moyens du bord:
«Quand il n’y avait plus d’épinards, les élèves allaient cueillir des orties dans la forêt. Et parce que les nombreux enfants avaient tout le temps besoin de nouvelles chaussures mais qu’il n’y en avait plus, Marguerite a annoncé que tout le monde ne porterait plus de chaussures. De février à novembre, les fées, les professeurs et les élèves pieds nus.»


L’ancien maire du village, Pierre Pizot, un ancien colonel fidèle au régime de Vichy, reste lui une énigme. Selon l’historien Bernard Delpal, il est impossible qu’il n’ait pas été au courant des agissements de sa secrétaire.
En octobre 2014, un mémorial dédié à la résistance civile a été inauguré dans le village, comme le rapportait alors France Bleu. Le documentaireDieulefit, village des Justes, diffusé une première fois sur LCP en 2010, rend également hommage au passé résistant du village.



Dieulefit, village des Justes par Zoulou_Cie« >
Dieulefit, village des Justes par Zoulou_Cie

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7 Commentaires

  1. ardechomerveillouspaïs dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    ici dans l’Ardèche, la Drôme ou la Haute-Loire, nous savons ou se situe la Normalité, la Justice,l’Honneur et c’est peut-être pour cela que l’on s’entend trés bien avec le peuple Corse. Le Vercors n’est pas loin et, à l’époque ce maquis comportait des étrangers, des juifs, des communistes et socialistes (à cette époque cela voulait dire quelquechose…)et même des gens d’extême droite. Tous ces gens étaient habités par le même ésprit de liberté et d’insoumission même si la cohabitation entre eux n’etait pas facile.
    Notre région est belle, nous sommes souvent chasseur,pêcheurs, nous connaissons les moindres cachettes, grottes, gouffres…Si un jour nous devons recommencer à cacher des opprimés, nous le referons quelque soit leur race, religion…Je ne suis pas issue de votre communauté, je suis chrétien de culture, mais méfions mous des fachos de tous poils (barbus ou non!!)et même de ceux qui se présentent comme patriotes au sein d’un parti historiquement antisémite : quand on va valser à Vienne avec des néos-nazis, ou qu’on invite un ancien waffen SS de la division charlemagne comme l’a fait papa à lyon dans les années 90, c’est qu’on partage leurs idées…à mediter pour tous ceux qui pensent que le FN est devenu respectable.
    Salutations Républicaines

  2. Précision dit :

    L’ancien maire du village, Pierre Pizot, un ancien colonel fidèle au régime de Vichy, reste lui une énigme.

    Pierre Pizot laissait faire aussi en connaissance de cause les parachutages à la résistance.

    http://www.museedelaresistanceenligne.org/media.php?media=637&expo=0&popin=true

    extrait …
    nous nous sommes retrouvés chez l’ancien maire du pays [Justin Jouve] qui dirigeait le groupe des Résistants de Dieulefit. J’eus la bonne surprise d’y voir Cabot, mon radio disparu, attablé devant une énorme tranche de jambon : il était venu à pied depuis l’endroit où il avait atterri poussé par le vent, une vallée en contrebas du plateau prévu, comme cela m’était arrivé. Au lieu de remonter, il avait jugé plus expéditif de rejoindre Dieulefit en suivant tranquillement la route. Il s’était fait reconnaître en utilisant le mot de passe. Inutile de dire que la soirée qui suivit cette longue journée donna lieu à des réjouissances dignement arrosées. Cabot et moi étions les héros du jour, chacun voulut nous inviter, qui à dîner, qui à déjeuner, ce qui donna lieu pendant quelques jours à un va-et-vient qui aurait pu finir par nous faire repérer ; heureusement, ce pays ne comptait pas le moindre mouchard, ce que je devais aussi vérifier plus tard. Le maire en exercice, (le colonel Pierre Pizot) pourtant choisi par Vichy se tint toujours lui-même de notre côté. Les jours suivants, je commençai mes reconnaissances dans les environs à la recherche de terrains possibles de parachutage.

  3. Richard C. dit :

    J’ai connu des personnes qui avaient caché des juifs et aidé la résistance, mais qui ont gardé le silence en 1944 et ensuite.
    La raison? On ne sait pas quand le nazisme reviendra!

  4. Pierre un Gaulois dit :

    Le Régime de Vichy…
    L’Histoire à jugé, le bilan est terrible.
    Pourtant ce n’est si pas simple.
    Il y a les hommes…
    Parmi les hommes qui constituaient ce Régime, il y a des patriotes vaincus, des Vichystes-résistants, des vichystes-tièdes, des vichystes-collabos…
    D’authentiques héros de la guerre de 14 qui deviennent les pires collabos (Joseph Darnand et sa Milice).
    Laval qui déclare  » je crois à la victoire de l’Allemagne » et qui oriente sa politique dans ce sens…
    Des ministres de Vichy qui changent de bord, (Pucheu et Darlan)…
    Des décorés de la Francisque qui optent pour la Résistance ( Mitterrand, Raymond Marcellin, Couve de Murville…
    Des militaires qui organisent la dissimulation de matériel militaire en prévision de la revanche ( et en violation des conventions de l’Armistice)…
    La germanophobie était fortement répandue chez les militaires.
    Donc rien d’étonnant qu’un colonel nommé maire d’un village fasse de la résistance passive…
    Le plus important : A Dieulefit, personne dans le village n’a trahi le secret….

  5. Question dit :

    Est-ce que la femme de Pierre Pizot était elle bien Marguerite Monnier née à Dieulefit, et cette dernière est-elle apparentée à Simone Monnier, ce qui lèverait un petit coin de l’énigme sur ce colonel.

  6. Protis dit :

    Ce bourg a une âme particulière, façonnée par la tolérance, l’intelligence, le respect, la courtoisie, la discrétion, l’acceptation de l’autre car en l’autre nous nous nous connaissons, car avec l’autre nous pouvons faire, fabriquer, construire, comprendre le monde, et la devise Liberté, Egalité, Fraternité prend toute sa dimension humaine et son sens de vie, elle sort de l’abstraction. merci les Fées.
    Ainsi, dans les années 20 des italiens sont venus à Dieulefit et fait foyer. Mon grand père qui épousa une fille Jouve du village et fut résistant.
    Dans les années 30 des espagnols Républicains, puis des juifs de différentes nationalités.
    Toute une population multinationale composée d’anarchistes, catholiques, communistes, protestants, radicaux, socialistes qui a partagée pendant Vichy et l’occupation le même élan d’entraide, le même dessein commun, le pouvoir partagé de dire non pour conserver leur dignité de femmes et d’hommes.

  7. Renzi (Malburet) Claire dit :

    Native de Dieulefit en 1942, je suis tombée un peu par hasard sur votre site ainsi que les divers commentaires y afférents, c’est effectivement très intéressant. Mon père (Jacques Malburet) y a effectué sa formation de céramiste chez Noël et a participé aux maquis de la région, ma mère, institutrice de formation Montessori a bien connu l’école de Beauvallon et les personnes qui l’animaient. Je serais assez curieuse de savoir s’il reste encore quelques survivants et les enfants de ceux-ci pour se souvenir de cette période. Je cherche aussi des détails au sujet de ces grottes, servant souvent de caves parfois attenantes aux maisons comme chez nous et qu’ils appelaient localement « bories » et où venaient se réfugier les juifs et les pourchassés au moment des alertes allemandes. Nous avions aussi très bien connu Jeanne Barnier devenue amie de mes parents.

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