« Charlie Hebdo » : la charge de Charb contre l’islamophobie dérange encore
Une lecture-spectacle du livre posthume du directeur de « Charlie » a été déprogrammée, selon « La Voix du Nord ». « Une censure sécuritaire », pour ses créateurs.
S’agit-il d’une forme de censure ? La Voix du Nord raconte qu’un « drôle de climat » entoure une lecture-spectacle autour d’écrits du directeur de Charlie Hebdo assassiné en janvier 2015, Charb. Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes a été publié en avril 2015 grâce à l’intermédiaire de Marika Bret, DRH de Charlie Hebdo, qui avait convaincu les parents du dessinateur et journaliste d’en accepter la parution posthume. « Avoir peur de l’islam est sans doute crétin, absurde, et plein d’autres choses encore, mais ce n’est pas un délit », y affirme le dessinateur assassiné par les frères Kouachi au nom d’Allah. Réaffirmant le droit au blasphème, il juge que le terme « islamophobie » esquive le vrai débat : « Si demain les musulmans de France se convertissent au catholicisme ou bien renoncent à leur religion, ça ne changera rien au retour des racistes : ces étrangers ou ces Français d’origine étrangère seront toujours désignés comme responsables de tous les maux. »
Un metteur en scène lillois, Gérald Dumont, a tiré un spectacle de l’ouvrage. « Depuis un peu plus d’un an, on la jouait en milieu scolaire et dans les centres sociaux, mais depuis qu’on cherche à la produire dans des salles, on sent que c’est compliqué », explique Gérald Dumont au quotidien nordiste. Le 21 mars, c’est le président de l’université Lille-2 qui annulait une représentation. « Ma philosophie, c’est d’ouvrir les portes. Mais j’ai craint les débordements, le climat et l’ambiance sont si lourds », témoigne Xavier Vandendriessche.
L’antenne lilloise de la Ligue des droits de l’homme est elle aussi gênée, « les militants craignaient de cautionner au final la ligne politique mise en avant par Charlie depuis Val et dont les prises de position sur la religion musulmane ne correspondent pas à l’idée que nous nous faisons de la laïcité », explique le secrétaire de la section, Gérard Minet.
Mais pour Marika Bret, « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est Avignon ». En compagnie du metteur en scène, elle s’est d’ailleurs fendue d’une lettre à plusieurs élus (Xavier Bertrand, Martine Aubry, Anne Hidalgo) et directeurs de « structures théâtrales » où ils reviennent sur leur expérience avec le festival. « Le projet a été présenté à plusieurs lieux du festival et a rapidement suscité un vif intérêt. Puis il s’est ensuivi un silence assourdissant, et les propos tenus de manière non officielle révélaient que la peur d’un potentiel danger expliquait un refus qui n’osait pas se nommer. »
Pour eux, c’est le signe d’une « censure sécuritaire » et d’« un manque de courage ». Pour le metteur en scène : « La parole de Charb, on ne l’entend plus, car il a été tué. Si on n’entend plus ses mots, il sera mort deux fois. Ça me rend triste et en colère. »
Source :
http://www.lepoint.fr/societe/charlie-hebdo-la-charge-de-charb-contre-l-islamophobie-derange-encore-26-03-2017-2114867_23.php