Cette étrange association dans le sillage de Nemmouche et des Merah

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« Troublante », c’est ainsi que certains médias ont présenté, sans trop s’étendre, l’association Sanâbil avec laquelle Mehdi Nemmouche a été en contact en 2011. « Troublante », l’association l’est assurément et à plus d’un titre. Enquête.
Quelques jours après l’arrestation de l’auteur présumé de la tuerie du musée juif de Bruxelles, Mehdi Nemmouche, les médias évoquent l’existence d’une « troublante association », baptisée Sanâbil, avec laquelle le jeune français a brièvement été en contact. Mais les articles qui lui sont consacrés sont du genre laconique. Tout juste apprend-on qu’elle serait « dans le viseur des services de renseignement, en raison des profils islamistes radicaux de certains détenus qui [l’ont] sollicité ». « Troublante », l’association l’est assurément. Et discrète aussi. Inconnue du grand public mais reconnue dans le milieu très fermé des musulmans les plus intégristes, Sanâbil a en effet l’habitude d’œuvrer dans l’ombre et le huis clos des parloirs. Dans la promiscuité des prisons françaises, elle y apporte officiellement un « soutien moral », « spirituel » et financier aux détenus musulmans.

Lorsque Mehdi Nemmouche écrit à Sanâbil en septembre 2011, il n’est plus le gamin de Tourcoing désœuvré. Lui qui n’a jamais été pratiquant a trouvé une nouvelle famille dans la religion, des « frères » auxquels il souhaite désormais ressembler. Il fait alors parvenir un courrier à cette fraternité musulmane dont il a entendu parler, Sanâbil, pour se renseigner sur des « points de jurisprudence religieuse » lit-on dans son communiqué de presse publié sur le site internet de l’association après les événements de Bruxelles, lorsque les projecteurs médiatiques commencent à se braquer sur elle. Des « points de jurisprudence religieuse » ? Une formule vague pour rendre compte en réalité des interrogations de Mehdi Nemmouche tant sur la longueur de la barbe qu’il s’apprête à laisser pousser que sur l’obligation du voile intégral. Nouveau venu dans la religion, Nemmouche n’en est pas moins appliqué. Mais avant Nemmouche, il y eut les frères Merah…

Retour en arrière, à l’époque où Mohamed Merah n’est pas encore devenu le tueur en scooter. Il baigne déjà cependant, à Toulouse, dans une inquiétante mouvance salafiste. Son aîné et modèle, Abdelkader Merah participe à des « réunions », selon le JDD, au domicile de Mohamed Essid, son futur beau père. Des « réunions » qui se tiennent loin des regards et des mosquées, jugées trop modérées. Abdelkader Merah y côtoie donc celui qui deviendra son demi frère par alliance, Sabri. Les deux entament alors une quête initiatique qui les mènera bientôt en prison.

Sabri ouvre le bal fin 2006 lorsqu’il décide de rejoindre l’Irak pour combattre l’ennemi américain. Arrêté à la frontière syrienne, il est renvoyé en France où les autorités le cueillent dès son arrivée à Roissy. Ce sera le début de l’opération de démantèlement de la filière irakienne de Toulouse qui acheminait, selon les enquêteurs, de jeunes djihadistes français sur les anciennes terres de Saddam Hussein. Parmi les six mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec entreprise terroriste » Sabri Essid écope, en 2009, d’une lourde peine. Quatre ans de prison dans la vétuste maison d’arrêt de Fleury Mérogis, en région parisienne. Il y reçoit peu de visites mais en reçoit une de taille, celle de Mohamed Merah.

Un autre compagnon, qui se décrit lui-même comme « une connaissance », se présente au parloir. Il se nomme Bilal Bolamba et préside aujourd’hui… Sanâbil. Arrêté à son domicile à Torcy (en Seine-et-Marne), dans la même affaire, il a été relâché après trois jours de garde à vue faute de preuves. Bilal Bolamba qui n’a pas encore créé son association, se sent déjà concerné par le sort des détenus musulmans, en particulier de ceux condamnés, selon ses propres termes, « uniquement pour avoir dit la vérité et défendu la religion d’Allah ». A l’époque, Bolamba a la trentaine. Sait-il seulement qu’il rend visite à un futur djihadiste ? Ignorait-il les aspirations profondes de Sabri Essid qui s’est installé il y a tout juste quelques semaines en Syrie, avec femme et enfants ? Contactée par Marianne, Sanâbil explique aujourd’hui que « ceux qui veulent faire ça [le djihad] n’en parlent pas », concédant par la même occasion l’existence de tels profils… Qu’importe : l’association se défend tout « prosélytisme » tout en évoluant autour de fréquentations douteuses.

Car si Sanâbil ne connaissait peut-être pas Mehdi Nemmouche (qui est venu à elle), l’association connaît bien Sabri Essid qu’elle a notamment « interviewé » en « exclusivité » à sa sortie prison. Sur une longue vidéo postée sur Youtube, le demi frère de Mohamed Merah s’y montre en effet généreux, offre quelques confidences, à l’instar de cette image furtive (voir 1’55) saisie par un téléphone portable devant les allées en béton de Fleury Mérogis.

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Tout juste libéré, Sabri Essid, qui a encore près de lui ses sacs de linge s’agenouille et remercie Allah à même le sol devant la tour de contrôle des surveillants pénitenciers. Le commentaire de présentation de la vidéo laisse alors peu de doute quant à la sympathie de Sanâbil pour Sabri et la cause qu’il défend : « Notre frère Sabri a vécu l’épreuve de la prison. (…) Une pensée pour tous nos frères et nos sœurs emprisonnés en France et dans le monde. Tous nos savants derrière les barreaux… » L’association Sanâbil fait-elle, elle aussi, partie de ces « savants » ? Son président, Bilal Bolamba, un jeune informaticien de 36 ans, a en tout cas suivi les enseignements des instituts salafistes les plus réputés du Caire.

L’Egypte, Bilal Bolamba, la connaît bien donc pour s’y être établi, un temps. Il s’inscrit à l’institut Qortoba, officiellement pour apprendre l’arabe, implicitement pour approfondir également les préceptes religieux qui y sont véhiculés. « Nommé dans un rapport des renseignements généraux français » Qortoba a « été contraint de fermer » en 2005 selon Libération même si son site internet semble toujours fonctionner.

Comme le président de Sanâbil, des centaines de français font le voyage en Egypte où la préfecture délivre aisément, pour à peine plus d’une dizaine d’euros, un visa d’un an. Réputé auprès des salafistes, un autre centre, l’institut Ibaanah, est chaudement recommandé sur la toile. En France, sur les forums communautaires, de jeunes musulmans se renseignent : « En vue d’un projet d’apprentissage de la langue arabe de 6 mois à 1 an à l’institut Al-Ibaanah inchallah. J’aimerais savoir si quelqu’un loue un appartement pas loin… » s’enquiert, en mars 2008, un certain « Aswadmuslim » (un pseudo) sur le site Mejliss, l’un des principaux « portails » de la communauté musulmane. Un autre internaute, baptisé « Aliboxing », lui communique le courriel d’un « frère » qui pourra l’aider : [email protected]. Courriel qui a précisément servi à enregistrer deux ans plus tard, en 2010, le nom de domaine de… l’association Sanâbil. Quel est alors son véritable rôle ? L’association explique à Marianne « ne pas vouloir faire passer de message » ni « se positionner quant aux motifs d’incarcération » des détenus auprès desquels elle intervient. Pratique.

lire l’article de MARIANNE en cliquant sur le lien ci-après

http://www.marianne.net/Cette-etrange-association-dans-le-sillage-de-Nemmouche-et-des-Merah_a239584.html?com#comments

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