Ce que la propagande de Daech doit aux nazis
Édifiant : une exposition organisée à l’Unesco par le Holocaust Memorial Museum revient sur les outils de communication développés par le régime hitlérien.
PAR BAUDOUIN ESCHAPASSE
L’organisation État islamique n’a rien inventé. Les tweets, vidéo-clips et autres publications de propagande de Daech empruntent presque tout aux tracts, films et autres outils de communication développés par Joseph Goebbels pour soutenir l’ascension au pouvoir d’Adolf Hitler. Telle est la conclusion à laquelle aboutissent fatalement les visiteurs de l’exposition organisée, jusqu’au 11 février à l’Unesco, par le Holocaust Memorial Museum des États-Unis.
Intitulée L’État trompeur et sous-titrée Le pouvoir de la propagande nazie, cette exposition est un condensé de celle qui s’est tenue en 2009 à Washington. Elle revient sur vingt années de « communication politique » du Parti national-socialiste (NSDAP): de 1924, qui marque l’arrivée de Goebbels aux côtés de Hitler, à 1945, date de la chute du IIIe Reich.
À travers des reproductions d’affiches, de photos mais aussi des flashs d’actualité, cette riche exposition restitue l’attention particulière que les nazis accordaient à ce qu’ils envisageaient comme une « arme redoutable entre les mains de celui qui sait s’en servir ». Depuis les travaux de Gustave Le Bon et de Gabriel Tarde sur la « psychologie des foules » au XIXe siècle, on prête en effet à la propagande le pouvoir de « convertir les masses comme on séduit les femmes » : par la parole. Cette conviction s’incarne dans les pièces exposées.
Les nazis, et les djihadistes islamiques aujourd’hui, soignent particulièrement leur « com ». Utilisant les médias les plus modernes de l’époque (la radio en lieu et place d’Internet de nos jours), ils pastichent les campagnes publicitaires les plus populaires de l’époque, quitte à « détourner » des slogans ou des logos. Ils s’inspirent des grands artistes du moment, notamment de ceux qui dessinent les affiches de cinéma. Un poster qui présente le visage stylisé de Hitler sur fond noir, comme une vedette du septième art, n’est pas sans évoquer le visuel glorifiant les membres des commandos des attentats de novembre, conçu récemment dans une esthétique rappelant les affiches de blockbusters hollywoodiens.
« Le parti nazi est l’un des premiers à constituer une cellule de communication composée exclusivement de journalistes et de publicitaires non seulement technophiles mais aussi et surtout convaincus que les nouveaux médias de l’époque constituaient une chance pour eux de faire passer leur message », explique Steven Luckert, commissaire de l’exposition. L’historien souligne que cette fascination pour la « technologie » résulte, en grande partie, de la jeunesse des équipes : Goebbels n’a que 27 ans au moment où il rejoint Adolf Hitler, lui-même âgé de 36 ans lorsqu’il prend le contrôle du NSDAP.
Organisé sous forme pyramidale, disposant de plus de 600 relais dans tous les Länder, le département de propagande nazie dispose de moyens importants. L’adoption de la croix gammée comme emblème nazi, en 1920, précède la prise de contrôle du parti par Hitler. Mais celui-ci perçoit très vite la portée symbolique que peut avoir cette hakenkreuz (« croix à crochets », en allemand) qui recycle les trois couleurs de la bannière impériale : blanc, rouge et noir. Le fait que cette bannière comporte une dimension ésotérique n’est pas pour lui déplaire. Le swastika, emprunté à la culture indienne, n’est-il pas signe de chance en Asie du Sud-Est ? Cet emblème « à l’impact visuel fort » deviendra sa marque. Comme le drapeau noir de Daech qui détourne le code couleur du Mahdi (envoyé d’Allah à la fin des temps) et dévoie « le sceau du prophète ». ministère de la Propagande, créé à l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933, est l’émanation de la « cellule de communication » du Parti national-socialiste.
Pour manipuler l’opinion allemande puis, après 1940, celle des populations des pays occupés, la cellule de com du NSDAP ne lésine sur aucun moyen. Elle distribue des enregistrements audiovisiuels, gravés sur de grands disques « 78 tours » aux faux airs de vinyles, crée une chaîne de télévision en 1935 et une autre de radio. Des médias vite déclinés en douze langues.
Aux côtés de ces supports audiovisuels, le NSDAP s’appuie également sur un journalDer Stürmer, fondé en 1923 par un ancien instituteur. Cet hebdomadaire, qui n’écoule que 14 000 exemplaires en 1927, en vend plus de 500 000 à partir de 1935. Comme l’EI et son magazine Dabiq, qui dissémine son message toxique sur différentes plateformes web, Der Stürmer inonde le pays, distillant quelques vraies infos et beaucoup d’intox dans un cocktail où ne surnage qu’une conviction : celle d’un complot mondial à l’oeuvre contre l’Allemagne.
Nazis comme djihadistes islamistes se retrouvent, de fait, sur un leitmotiv simpliste : leurs problèmes intérieurs résultent de l’influence néfaste d’une coalition hétéroclite d’Anglo-Américains, de Russes et de juifs. Ils sont « victimes » de leurs agressions injustes et ne font que se défendre. Pour ce faire, ils se proposent de réunir tous les Allemands, d’où qu’ils viennent, au sein de la volksgemeinschaft ou « communauté du peuple ». Un concept qui ressemble étonnamment à celui de l’Oummat musulmane que Daech se propose d’unifier pourvu que cette foule de fidèles fasse allégeance à son calife.
Là où Daech use jusqu’à l’écoeurement de « nasheeds » (ces chants islamiques lancinants qui signent la bande-son de ses vidéos), les nazis truffent leurs films de musiques militaires entêtantes. « Des études très sérieuses les avaient convaincus que les gens sont plus réceptifs à un message quand celui-ci est accompagné de mélodies entraînantes », confie Peggy Frankston, correspondante en France du musée de Washington.
Mais, comme l’EI, l’appareil nazi ne pouvait prospérer que sur un terreau fertile. De la même manière qu’il serait illusoire de penser que la propagande seule transforma les Allemands en brutes sanguinaires dans les années 30, il serait dangereux de croire que seul le pouvoir d’Internet convertit des personnes pacifiques en apprentis djihadistes aujourd’hui. « Ces messages ne trouvent écho qu’auprès de populations qui ont été travaillées idéologiquement, en profondeur, depuis plusieurs années par un discours de haine », insiste Peggy Frankston. D’où l’importance de démonter l’argumentation mortifère de ces groupuscules avant qu’elle ne se propage… D’où l’intérêt de cette exposition !
source :
http://www.lepoint.fr/histoire/ce-que-la-propagande-de-daech-doit-aux-nazis-30-01-2016-2014078_1615.php
Bonne analyse:des merdes,influencés par de la merde ça donne de la merde.
beaucoup de gens(notamment en politique) ont du mal à employer cette comparaison mais pour ma part j estime que c est la plus juste.
Comme toujours les nazis perdront,mais c est a nous de faire en sorte qu’ils ne fassent pas cette fois les mêmes dégâts avant leur défaite qu’au cours de la dernière guerre.