Autriche : Cinq fonctionnaires jugés pour avoir aidé le Mossad à protéger un général syrien
Selon le magazine allemand Der Spiegel et le quotidien autrichien Der Standard, le Mossad a recruté le général Halabi pour qu’il devienne un informateur
Le procès de cinq anciens fonctionnaires autrichiens, accusés d’avoir accordé l’asile à un criminel de guerre syrien présumé en Autriche à la demande de l’agence de renseignement israélienne du Mossad, a commencé vendredi à Vienne. Les cinq personnes sont accusées d’avoir abusé de leurs fonctions en amenant Khaled Halabi, un ancien général syrien, en Autriche en 2015 et en lui accordant l’asile. Quatre d’entre eux sont d’anciens responsables des services de renseignement et un autre est un ancien responsable de l’agence en charge des demandes d’asile.
Halabi a dirigé la Direction générale des renseignements syriens à Raqqa de 2009 à 2013. Lorsque les forces rebelles se sont emparées de Raqqa en 2013, Halabi s’est réfugié en France, où il a d’abord demandé l’asile. Des groupes internationaux de défense des droits de l’homme ont documenté des cas de torture et affirment que Halabi a une part de responsabilité dans ces actes, ce qu’a démenti son avocat. « Il a fui la Syrie avec l’aide de l’Armée syrienne libre. S’il avait été d’accord avec le régime d’Assad, il serait resté là-bas », a-t-il déclaré à l’Associated Press.
Selon une enquête menée par le magazine allemand Der Spiegel et le quotidien autrichien Der Standard, le Mossad a recruté Halabi, membre de la minorité druze de Syrie, pour qu’il devienne un informateur, ce qu’Israël a refusé de commenter.
Les procureurs accusent les anciens responsables des services de renseignement d’avoir manqué à leur obligation de fournir des informations sur le lieu où se trouvait Halabi et sur son identité, en particulier après une réunion tenue en 2016 au ministère autrichien de la Justice.
Selon la procureure Ursula Schmudermayer, les agents de renseignements autrichiens se sont rendus à Tel-Aviv en mars 2015 pour rencontrer des agents du Mossad. Elle a indiqué que les agents israéliens avaient informé les Autrichiens que le général syrien se trouvait en France, mais que « la coopération avec la France ne fonctionnait pas comme ils l’avaient envisagé », de sorte qu’ils voulaient que l’Autriche « intervienne ».
Le Mossad avait l’intention de continuer à interroger Halabi en Autriche, a déclaré le procureur, et a payé 5 000 euros par mois pour aider à l’héberger en Autriche.
Les avocats des prévenus ont indiqué qu’ils avaient agi correctement, car tous les détails de l’accord de coopération avec le Mossad étaient qualifiés de « strictement confidentiels », ce qui signifie que les agents n’étaient pas autorisés à divulguer l’opération à d’autres organes de l’État.
Ils ont également fait valoir que l’accord de coopération avec les services de renseignement israéliens avait permis à l’Autriche d’obtenir des informations qu’il n’aurait pas été possible de recevoir d’une autre manière. À l’époque, l’Europe était confrontée à l’arrivée d’un grand nombre de réfugiés fuyant la guerre civile en Syrie et à une menace terroriste accrue.
Source
https://www.i24news.tv/fr/actu/international/europe/1681544472-autriche-cinq-fonctionnaires-juges-pour-avoir-aide-le-mossad-a-proteger-un-general-syrien?fbclid=IwAR1kPQz1uq1mhTRT5J0rNEwzuZ3l1fYUzpXGfUa_q_MO-4GkyC-jpnwU21c
Khaled al-Halabi, né en 1962 à Al-Mazraa, est un ancien brigadier général des services de renseignement du régime de Bachar el-Assad, suspecté d’être l’auteur de crimes de guerre contre des civils durant la révolution puis la guerre civile syriennes, dont des disparitions forcées et torture. Il est actuellement réfugié en Autriche, où il fait l’objet d’une enquête, de même qu’en France.
Khaled al-Halabi est originaire de la ville de Mazraa, dans la région de Soueïda.
Brigadier général de l’armée syrienne, de 2009 à 2013, il est le responsable de la branche 335 du service de la sûreté d’État de Raqqa, un service de renseignement du régime syrien. Selon un juriste spécialiste des crimes de guerre, le service qu’il dirigeait était impliqué dans des arrestations de masse, des tortures, des viols et des meurtres2. Un Syrien réfugié en France témoigne avoir été arrêté et torturé par Khaled al-Halabi, et plusieurs opposants1 au régime de Bachar el-Assad affirment avoir été torturés par des agents placés sous l’autorité de Khaled al-Halabi tandis que celui-ci nie toute implication dans des crimes. Selon la CIJA (Commission internationale pour la Justice et la Responsabilité), sous son autorité, son service a procédé à des arrestations de masse et des civils y ont été torturés, violés et tués
En 2013, lors de la prise de Raqqa par l’État islamique, Khaled al-Halabi fuit la Syrie. Il demande l’asile en France en 2014, qui lui est refusé en raison des soupçons de crime de guerre qui pèsent sur lui, et où il fait l’objet d’une plainte4.
Khaled al-Halabi vit depuis 2015 en Autriche, où il est réfugié5. Selon le Telegraph, il aurait été aidé par le gouvernement autrichien, en lien avec le Mossad, à obtenir la protection de l’Autriche6, bien que recherché par la France.
Selon différentes ONG, il serait le plus haut gradé syrien responsable de crimes commis pendant la guerre civile syrienne à être réfugié en Europe3.
En 2016, la CIJA informe le gouvernement autrichien que Khaled al-Halabi est « visé par des accusations de tortures, de violences sexuelles et de crimes contre l’humanité »3. En 2018, la justice autrichienne ouvre une enquête pour son implication supposée dans la torture et les exactions contre des détenus dans la province de Raqqa8. La police, envoyée à son domicile, ne le trouve pas. Depuis le scandale, plusieurs victimes, anciens détenus de la branche 335 de Raqqa, ont apporté leur témoignage au procureur qui enquête sur Khaled al-Halabi et depuis 2019, elles sont soutenues par l’ONG autrichienne CEHRI (Centre international pour le respect des droits humains) et l’ONG internationale Open Society Justice Initiative9.