13-Novembre: «Le grand absent de ce grand procès, l’idéologie islamiste»
Par ANDRE SENIK
«Les humains qui commettent ces crimes monstrueux ne sont devenus des criminels que sous l’emprise d’une des idéologies qui poussent leurs fidèles aux crimes les plus inhumains». BENOIT
FIGAROVOX/TRIBUNE – S’il faut condamner les auteurs des attentats du 13 novembre 2015 pour leurs crimes, le rôle de l’idéologie islamiste qui les a poussés à commettre leurs actes doit également être reconnu, argumente l’agrégé de philosophie André Senik.
André Senik est agrégé de philosophie. Il a notamment publié Le Manifeste du parti communiste aux yeux de l’histoire, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2015.
Les coupables des attentats islamistes du 13 novembre ont été jugés. Ils l’ont été d’une façon irréprochable, et la justice française s’est montrée digne de ce qu’est un État de droit. Personne d’ailleurs n’y trouve rien à redire. Ce procès a apporté aux victimes, à la société française tout entière, et même aux accusés, tout ce qu’on pouvait attendre d’un tel procès.
Et pourtant, la cause première de la tragédie dont on a jugé les coupables humains, la responsabilité première de ces crimes aveugles n’a été ni mise en examen, ni jugée, ni condamnée. La responsabilité première de ces crimes sans justification incombe entièrement à l’idéologie islamiste conquérante, qu’il faut appeler par son nom. Sans elle, aucun des assassins qui ont été jugés ne serait devenu un criminel de masse. Les humains qui commettent ces crimes monstrueux ne sont devenus des criminels que sous l’emprise d’une des idéologies qui poussent leurs fidèles aux crimes les plus inhumains.
Au-delà du cas de l’islamisme terroriste, le rôle des idéologies totalitaires et terroristes dans les crimes de masse des XXe et XXIe siècles doit être reconnu parce que seul ce rôle permet de comprendre comment des humains ordinaires peuvent commettre des actes monstrueux qui nous paraissent impensables. Le rôle des idéologies n’est ni une circonstance aggravante, ni une circonstance atténuante dans le jugement des auteurs, mais il doit être reconnu, parce que ces idéologies doivent être condamnées et combattues en raison de leur criminalité.
Or ces idéologies ne sont ni mises en procès ni condamnées en justice, parce que les tribunaux ne sont habilités à juger que des humains. À Nuremberg, on n’a pas jugé et condamné l’idéologie nazie. La dénonciation des crimes du communisme n’a pas débouché sur le procès en bonne et due forme de l’idéologie de ce système. Mieux vaut dire que la condamnation des crimes de masse du communisme n’est pas remontée jusqu’à la source idéologique qui a rendu possibles ces crimes impensables.
Voilà pourquoi nous avons collectivement le sentiment que le procès des assassins du 13 novembre n’est pas allé jusqu’au bout, et que la condamnation des coupables humains ne suffira pas à nous faire tourner la page en nous disant que justice a été faite.
Pour que justice soit faite, il nous reste à poursuivre le combat contre l’idéologie islamiste barbare qui a mené à cette tuerie. Il nous reste à mener le combat au grand jour contre l’islamisme, en France même, avec pour objectif de faire reculer la séduction de cette idéologie parmi ceux des jeunes musulmans de France qui peuvent être tentés par une vision radicalisée de leur identité, une vision d’autant plus exaltante qu’elle est archaïque et mortifère.
Le combat culturel contre l’islamisme conquérant doit être mené dans l’École, parce qu’il est la condition de l’intégration de tous les jeunes de France à notre culture.
Le jour où le combat contre l’islamisme conquérant et pour l’intégration à notre culture sera officiellement déclaré, le procès exemplaire des assassins du 13 novembre ne nous laissera plus un arrière-goût d’inachevé.
SOURCE
https://www.lefigaro.fr/…/13-novembre-le-grand-absent…
André Senik, né en 1938, est un enseignant agrégé de philosophie1 et ancien militant communiste français.
Né de parents juifs polonais installés dans le XIe arrondissement de Paris dans les années 1930, il adhère d’abord au Mapam, le Parti unifié des travailleurs, sioniste et travailliste. Avec ses deux frères, il adhère à l’Union de la jeunesse républicaine de France (communiste) en décembre 1952, âgé de moins de 15 ans, ce qui suscite la réprobation de ses parents, qui sont des sionistes marxistes non staliniens. Ceux-ci l’enferment dans l’internat du Lycée Lakanal, où il obtient son bac en 1955.
En 1959, il devient membre du bureau national de l’Union des étudiants communistes (UEC).
Il est alors le porte-parole des « prépas » communistes au lycée parisien de Janson-de-Sailly, où il effectue une khâgne (option philosophie) et rencontre Jean-Marc Lévy-Leblond, adhérent de l’UEC (il était aussi en quatrième avec Alain Geismar, déjà anti-stalinien alors que Sénik demeurait « orthodoxe »). Il est également rédacteur en chef de Clarté, l’organe de presse de l’UEC.
En 1957, il est invité au Festival mondial de la jeunesse et des étudiants à Moscou, et convainc Jean-Paul Ribes et Tiennot Grumbach, qui ne sont pas communistes, de venir avec lui. Sénik obtient alors l’honneur, avec Henri Martin, héros de la résistance à la guerre d’Indochine, de déposer au mausolée de Lénine la couronne de fleurs de l’UEC et du PCF.
Un temps l’un des chefs de file du courant des « Italiens » (anti-stalinien), qui perd la direction de l’UEC en 1965, il est l’un des fondateurs, avec Henri Nallet et Nicolas Boulte, du Centre de recherche et d’intervention révolutionnaire, l’un des groupes de réflexion à l’origine de Mai 68 qui a servi de point de jonction entre les militants catholiques, protestants et athées et d’éditeur d’analyses politiques et sociales.
En mai 68, alors qu’il est professeur de philosophie au lycée Henri-Bergson, à Paris, il participe à la nuit des barricades. Sanctionné par le ministre Olivier Guichard, il est le premier professeur à être suspendu pour un an2 en 1969, pour avoir soutenu la révolte des lycéens contre les pesanteurs du système scolaire. Pierre Kahn et Alain Forner, les deux derniers secrétaires généraux de l’UEC, signeront avec 21 collègues un appel de soutien à Sénik.
Il a co-rédigé trois manuels de philosophie, l’un publié chez Magnard, l’autre aux éditions Hatier, le troisième chez Hachette.
Après s’être éloigné progressivement du communisme, il adopte des positions anticommunistes. Dans les années 2000, il fait partie du Cercle de l’Oratoire, club de réflexion catalogué comme « néo-conservateur » 3. En 2011, il publie chez Denoël : Marx, les Juifs et les droits de l’homme, dans lequel il analyse Sur la question juive, l’article inaugural de Marx, où figure la déclaration de guerre de Marx contre les Juifs et contre les droits de l’homme. En 2015, il publie Le Manifeste du Parti communiste aux yeux de l’histoire, une édition critique du Manifeste du parti communiste, dans lequel il juge que le texte de Marx et Engels porte en germe le totalitarisme inhérent à l’idéologie et au système communistes