Sursis pour les squatteurs de la synagogue d’Amiens

Un Tunisien et un Algérien en situation irrégulière avaient été interpellés dans le lieu de culte juif, vendredi dernier. Hier, ils ont nié les dégradations.
ntisémites enragés ou squatteurs un peu paumés ? Telle était la question, hier, au tribunal d’Amiens, où comparaissaient Mohamed B., Tunsien de 19 ans et Abdelkader E., Algérien de 22 ans.
Vendredi dernier, le 24 août, les policiers les ont délogés de la synagogue, 38 Port d’Amont. Le président de l’association cultuelle juive avait donné l’alerte après qu’un coreligionnaire eut remarqué une porte ouverte, dans un édifice qui n’était pas censé avoir reçu de visites depuis le 8 août. Autre précision importante : la communauté israélite de la Somme rejoindra dans quelques semaines une nouvelle synagogue. L’actuelle fait l’objet d‘un permis de démolition, apposée sur un de ses murs.

Sur place, les fonctionnaires ont découvert que de nombreux objets – notamment des livres sacrés et des châles de prière – avaient été jetés au sol, des lits (qui servaient à héberger des rabbins de passage) utilisés, des cadres décoratifs, en lien avec la religion, jetés à la poubelle et le frigo vidé. « Pour nous, ce sont clairement des actes antisémites. C’est comme un viol. Ces objets ont été souillés, ils partiront directement à la décharge. Je n’y retournerai pas. J’espère que nous pourrons célébrer à la nouvelle synagogue les fêtes importantes qui commencent le 20 septembre » (nouvel an, grand pardon, jour de la Torah), explique le président d’association, qui réclame 9 000 euros de dommages matériels et 2 000 de préjudice moral.
Mohamed et Abdelkader, au milieu d’un discours confus – ils mettent un point d’honneur à ne pas répondre aux questions et se lancent dans de longues palabres avec leur interprète – jurent qu’ils n’ont rien dégradé. « J’étais venu de Paris pour sortir en boîte mercredi soir. À la sortie, je suis tombé sur deux gars qui m’ont indiqué où on pouvait dormir. Je ne savais même pas que c’était une synagogue », affirme ainsi Mohamed.« Tout était déjà délabré », complète son comparse. Quant au troisième homme, un Amiénois, il ne les contredira pas : il a été remis en liberté faute de preuve. « Je suis étonné qu’il ne soit pas là. Pour moi, il y a un trou dans l’enquête. D’ailleurs, je pense qu’ils étaient au moins six », maugrée la partie civile. « Oui, pourquoi lui a-t-il été relâché et pas ces deux-là ? », fait écho Me Zanovello pour la défense.
Les deux jeunes hommes disent ne pas se connaître. Mohamed travaillerait sur des chantiers à Paris : « Mais là, j’étais sans emploi car mon patron est parti deux mois en vacances chez lui en Turquie ». Il est arrivé en France en juin 2016 ou janvier 2017, selon ses versions. Abdelkader vit clandestinement à Amiens : « Je dors parfois chez des amis ou je fais le 115. Je travaille un peu sur le marché d’Amiens Nord le dimanche matin ».

Rien ne prouve que Mohamed et Abdelkader furent les seuls squatteurs de la synagogue. Et « on n’est pas face à un saccage antisémite », modère le procureur. Ils ont seulement « ajouté des dégradations à d’autres dégradations ».
« On n’a pas retrouvé de croix gammées ! Ils n’ont pas vandalisé par conviction. Ce sont plutôt deux paumés », ajoute Houria Zanovello.
Les juges suivent finalement le procureur en prononçant trois mois de sursis pour Abdelkader et quatre pour Mohamed (qui avait également dégradé un matelas en cellule de garde à vue). La partie civile est déboutée de ses prétentions au titre du préjudice matériel et reçoit 200 euros pour son préjudice moral.

Source :
http://www.courrier-picard.fr/52740/article/2017-08-28/sursis-pour-les-squatteurs-de-la-synagogue-damiens