Six mois de prison avec sursis pour un homme portant un maillot « anti juif » dans le métro

COMPTE RENDU D’AUDIENCE – Axant sa défense sur son état de santé, le jeune homme de 28 ans n’a pas convaincu le tribunal qui l’a reconnu coupable de provocation à la haine raciale.
En pleine rame de la ligne 13 du métro parisien le 21 octobre dernier, l’homme avait exhibé un maillot de football floqué des mots «anti juif». Jugé en comparution immédiate ce jeudi, il a été condamné à six mois de prison avec un sursis probatoire pendant deux ans et 2000 euros d’amendes aux parties civiles pour provocation à la haine raciale. «L’infraction est caractérisée. Vous aviez conscience des mots que vous inscriviez sur le maillot et de leur caractère négatif», a déclaré la présidente du tribunal.
Avec une épaisse doudoune noire The North Face, l’homme de 28 ans prénommé Mehmet D., d’origine turco-kurde, s’est présenté devant le juge jurant d’abord qu’il ne «referait plus ce genre de choses». «Je présente toutes mes excuses envers la communauté juive que j’ai pu offenser», a-t-il déclaré. Actuellement au chômage, l’homme a ensuite évoqué une «dépression» ainsi qu’une «déception amoureuse», son avocat plaidant essentiellement sur son état de santé. Les expertises psychiatriques n’ont cependant relevé «aucune anomalie ni altération ni abolition du discernement» et une «absence de troubles psychiatriques majeurs».
Interrogé à plusieurs reprises sur ses motivations et sur ses propos en garde à vue en rapport avec le conflit israélo-palestinien au lendemain de l’infraction, le jeune homme, qui habite en Seine-Saint-Denis, a refusé de répondre précisément à la barre, assurant être «neutre» et préférant évoquer ses «humeurs qui changent». «Je prends des médicaments», a-t-il justifié. «Même moi je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça», a-t-il assuré dans une défense parfois confuse, un demi-sourire aux lèvres, comme quand il explique avoir voulu enlever son t-shirt dans la journée. N’en ayant pas de rechange, il n’aurait pu se mettre torse nu car «c’est aussi interdit».
«Anti Tsahal»
Maladroit aussi quand, questionné sur la gravité de son acte, il affirme qu’il comprend que l’inscription ait pu blesser. «Si j’avais marqué antichrétien ça aurait choqué les Français, si j’avais marqué antimusulman, j’aurais choqué les Arabes», a-t-il affirmé sous le regard interloqué de la présidente qui a rappelé à raison qu’il ne faut pas confondre la nationalité et la religion.
Devant le procureur, le prévenu a aussi refusé de confirmer les propos inscrits à son dossier qui précisaient que Mehmet D. avait cherché à marquer «anti Tsahal» dans un premier temps sur le maillot avant d’opter pour «anti juif» à cause d’un manque d’espace sur le vêtement. Il a aussi affirmé avoir reçu un jour le «crachat» d’«un juif», niant toutefois un quelconque impact dans le geste. Le procureur a pour sa part souligné la nature préméditée de l’acte, requérant 9 mois d’emprisonnement avec sursis. «Il s’abrite derrière un problème psychologique […]. Faute avouée à moitié pardonnée, mais ce n’est pas le cas», a-t-il aussi dit.
Les avocats de la Licra, de SOS Racisme, de l’Organisation juive européenne ou encore du Mouvement International Contre le Racisme et l’Antisémitisme (Micra), organisations qui s’étaient constituées partie civile, ont tour à tour plaidé pour une peine «exemplaire», rappelant le contexte sociétal de l’augmentation du nombre d’actes antisémites en France, le phénomène ayant encore explosé après le 7 octobre.
Insinuation
Un avocat de la Micra a même fustigé à plusieurs reprises le fait que l’individu ait porté un tel maillot dans un «wagon» de métro, suggérant sans le dire que le prévenu avait pu choisir, pour commettre l’infraction, ce lieu comme une odieuse référence à la déportation des juifs pendant la Seconde guerre mondiale. Comme l’avocat insistait et alors que le prévenu ne semblait visiblement pas comprendre l’insinuation, quelques voix indignées se sont élevées dans la salle, trouvant sans doute que l’avocat poussait trop loin l’allusion.
Ce dernier a aussi regretté que «beaucoup d’antijuifs se fassent passer pour des fous», convoquant une longue liste de crimes en France depuis le 20 novembre 2003, jour du meurtre de Sébastien Selam, dont l’auteur «n’a jamais été condamné» en raison de sa schizophrénie.
Le conseil du prévenu a pourtant axé la défense de son client sur sa santé. «C’est un pauvre type malade, qui a besoin d’être soigné», a-t-il notamment plaidé fustigeant surtout la possibilité qu’un site en France, en l’occurrence Puma, puisse donner la possibilité de fabriquer et d’expédier des maillots de foot ainsi floqués, sans contrôle. Le juriste a aussi rappelé l’identité kurde de ses parents avec lesquels le mis en cause vit, et leur fuite, en tant que «réfugiés politiques», de la Turquie. «Il n’est pas sous l’influence du monde islamo-arabe», a conclu l’avocat. Le tribunal a aussi prononcé dans sa peine un stage citoyenneté.
• Source
• Le Figaro