Sarre-Union, l’histoire sans fin
Par Arnaud STOERKLER
De retour à Sarre-Union un an après la profanation de son cimetière juif, le visiteur peut s’étonner : le lieu se trouve dans le même état de désolation, et l’enquête judiciaire autour des cinq jeunes auteurs des faits ne sera pas bouclée avant l’été. Dans l’attente, les pouvoirs publics luttent sur place pour ne pas voir cette histoire tomber dans l’oubli.
L’anecdote est symbolique : suite à la profanation du cimetière de Sarre-Union le 12 février 2015, la mairie de la commune s’était engagée dans l’immédiat à fermer le site par une porte verrouillable. Un an après le délit, les deux mêmes battants au loquet coincé par la rouille accueillent le visiteur à l’entrée du lieu de culte. Comme si le temps s’était arrêté, depuis cet acte de vandalisme toujours inexpliqué (voir La Semaine N°512).
L’an dernier, le président de la République François Hollande s’était déplacé à Sarre-Union pour montrer l’indignation d’un pays tout entier, face à cet acte jugé comme antisémite. La médiatisation de l’évènement n’a pas accéléré le dénouement de l’affaire : le cimetière juif est resté en l’état, jonché encore aujourd’hui par 250 stèles affaissées ou brisées, et l’enquête judiciaire ne sera pas close avant l’été (voir ci-dessous).
Ce statu quo, la mairie le balaye en douceur : « Le cimetière est la propriété du consistoire israélite de France, qui suit le dossier de sa réhabilitation. Evidemment, nous souhaiterions la voir aboutir le plus vite possible », remarque Richard Brumm, premier adjoint du maire UMP Marc Séné (notre photo). Pour accélérer le travail, l’un des élus bas-rhinois du consistoire a sa petite idée : « Le dossier est un peu bloqué pour l’instant, notamment parce que l’on attend toujours des subventions promises à l’époque par la municipalité de Sarre-Union et la préfecture (voir ci-dessus, ndlr) », affirme Thierry Roos, sans amertume dans la voix.
Plutôt que de s’apesantir sur cette réalité, Richard Brumm préfère insister sur les actions engagées par sa municipalité : le 12 février, un an jour pour jour après la profanation, un arbre de la fraternité a été planté dans le square François-Xavier Niessen en présence des six cultes hébergés à Sarre-Union (catholique, protestant, musulman, juif, néo-évangélique et apostolique). « Nous ne voulons pas nous arrêter là. Un travail sur les jeunes a été engagé l’an dernier par le monde éducatif, nous voulons le poursuivre à travers d’autres évènements. » Comme une exposition sur les droits de l’homme, visible à partir du 4 mars à l’espace culturel du temple.
‘‘Ah bon ?’’
« S’il devait rester quoi que ce soit de mon passage dans l’équipe municipale, j’espère que ce sera cette croisade pour les droits de l’homme », revendique Richard Brumm, proche des trémolos, touché comme beaucoup d’autres par « l’ampleur des dommages et l’acharnement » constatés lors de ces dégradations. « Notre mémoire a été atteinte, et nous ne pouvons pas nous résigner en résumant cet acte à un jeu d’enfants. Il est de notre responsabilité de mener un combat contre le racisme, à travers la sensibilisation des plus jeunes. Le pire serait que cet événement tombe dans l’oubli. »
Ce spectre a déjà englouti de nombreux esprits sarre-unionnais, un an plus tard : « J’avais appris ça à la télé, quand j’étais en prison », raconte Dominique, un jeune homme de 28 ans croisé à l’angle d’une artère commerciale. « Dans le milieu carcéral, les gens en ont discuté longtemps, c’était intense. Mais ici, l’histoire a vite été oubliée. Personne n’en parle plus. »
Même constat parmi les clients d’un café, situé sur la place principale : « Un arbre de la fraternité planté, ah bon ? », s’interroge sérieusement la tenancière. « Oui, ils en ont parlé dans le journal », rattrape une habituée. « Mais on connaissait les jeunes qui ont fait ça, et leurs parents. Alors ici, on préfère ne pas en parler. »
Derrière le bar, la gérante reprend la parole en tendant son bras vers une écharpe aux couleurs de l’équipe de foot locale, clouée au mur : « Ici, la population est passée à autre chose », clame-t-elle. Au sport, donc. Près d’un an après la mobilisation spontanée de 400 collégiens en marge de la visite de François Hollande, 2 500 footeux se sont réunis au stade municipal le 19 janvier pour vivre la qualification historique de leur équipe de CFA en huitième de finale de la coupe de France, face à une équipe de Ligue 2 (Niort). « Ce fameux but à la 90e minute », rembobine Richard Brumm, quelques étoiles dans les yeux. « Quand notre équipe gagne, tout Sarre-Union gagne. Ce sont des moments que l’on n’oublie pas. »
En mode survie
Certaines histoires s’oublient vite, d’autres théories ont la vie dure. Comme celle d’une ruralité délaissée, terreau du désœuvrement des jeunes, vu comme l’un des facteurs du drame commis le 12 février. « Il y a quinze ans, cette artère était remplie de commerces », se souvient Dominique, le regard dirigé vers une Grand’Rue aujourd’hui constellée de vitrines aveugles. « Pour sortir, on doit aller à Sarreguemines et à Sarrebourg, où se trouve le McDo le plus proche. »
Cet abandon total des jeunes adultes, le directeur du centre socioculturel local le réfute. Par la simple ouverture d’une porte, à l’étage inférieur de son établissement : une vingtaine de jeunes entre 16 et 25 ans, déscolarisés et issus des environs sont actuellement pris en charge à coups d’ateliers et de projets créatifs, avec l’ambition de « créer une ligne sur leurs CV ». « Nous accueillons tous les publics, chez nous », milite Gérard Bour. « Simplement, lorsqu’une population entière se trouve dans un dispositif de survie, elle a du mal à voir les aspects positifs de sa situation. »
Le directeur ne le nie pas, Sarre-Union est « en mode survie » : « J’ai aussi vu décroître la vie ici, depuis quinze ans. Le monde rural a vécu des mutations, il se trouve en repli sur lui-même. Surtout, il est moins revendicatif que le milieu urbain et se résigne donc plus vite, accepte davantage de choses. »
Malgré une baisse des subventions et la raréfaction des perspectives professionnelles, Gérard Bour se veut optimiste : « Il n’y a pas de piscine, mais ça bouge à la Corderie (un complexe sportif, ndlr) et nous avons organisé chez nous 106 projections de films l’an dernier, dans le cadre d’un programme d’éducation à l’image. »
Reste un problème de taille : « Nos jeunes restent dans l’attente d’une réponse judiciaire, sur l’affaire du cimetière. Etait-ce une bêtise, ou un véritable acte raciste ? En tout cas, c’était un peu comme un attentat. Ceux de Charlie Hebdo et du 13 novembre, on en a rapidement connu les motivations, d’où la possibilité d’en faire une forme de deuil. Ici, ce travail reste pour l’instant impossible. » La blessure du 12 février reste ouverte, comme la porte rouillée du cimetière.
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Ne pas déranger, enquête en cours
Plus d’un an après ses débuts, l’enquête judiciaire autour de la profanation du cimetière juif de Sarre-Union est toujours en cours d’instruction : investigations, interrogatoires et confrontations se poursuivent, notamment autour des cinq jeunes auteurs présumés des faits, mineurs à l’époque. Si le parquet de Saverne ne souhaite pas communiquer d’autres informations en cette période d’investigations, il estime qu’elles seront terminées « avant l’été ». Les conclusions de l’enquête pourraient ensuite conduire à d’éventuelles poursuites judiciaires, au plus tôt quatre mois après.
Plus d’un an pour une telle enquête, certains habitants de Sarre-Union s’en étonnent. Le parquet de Saverne, lui, argue d’une « durée tout à fait courante ». Ou presque : « Il se trouve que dans notre tribunal, les juges d’instruction sont placés, non titularisés », confie une employée de la juridiction. « Et il y a eu un changement de juge d’instruction durant cette enquête. Le remplaçant a dû prendre connaissance de l’enquête en cours de route, ce qui a pris du temps. »
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Ce qui va changer
Tout n’est pas resté en l’état à Sarre-Union. En plus de vouloir sensibiliser enfants et adultes à la tolérance par des expositions ou des conférences (« Les juifs de l’Alsace bossue » par Jacques Wolff, le 17 mars à l’espace culturel du temple), la mairie bouclera ces prochains mois un projet en maturation depuis trois ans : l’agrandissement de son centre socioculturel. Ce dernier devrait passer de 800 à 1 800 mètres carrés, pour y accueillir encore plus efficacement l’ensemble du jeune public.
Autre cheval de bataille, la désertification commerciale du centre-ville. La municipalité veut monter un dossier pour y créer une « cité historique », et y ramener la vie : « Nous avons une bâtisse datant de la Renaissance, d’autres maisons dites alignées du 18e siècle, bref, un beau patrimoine à mettre en valeur », juge Richard Brumm, premier adjoint. Une mairie en ordre de bataille, comme pour oublier la violence de l’acte perpétré l’an dernier.
Source :
http://www.lasemaine.fr/2016/03/10/sarre-union-lhistoire-sans-fin
l’état à d’autres chats à fouettés que de faire accélérés la remise en états du cimetière et des tombes juives que les jeunes racailles ont saccagés par vandalisme !! qui va payer les dégâts les parents des jeunes racailles ou l’état ?