Régime de Vichy : les archives judiciaires et policières rendues publiques
Soixante-dix ans après la fin du second conflit mondial, le gouvernement a décidé d’ouvrir au public les archives de la police et de la justice sous le régime de Vichy du maréchal Pétain (1940-1944).
Un arrêté «portant ouverture d’archives relatives à la Seconde Guerre mondiale» a été publié ce dimanche au Journal officiel. Il a été signé le 24 décembre par Manuel Valls ainsi que par cinq ministres de son gouvernement.
D’après le texte consultable sur Légifrance, ce document «prévoit la libre consultation, avant l’expiration des délais prévus à l’article L. 213-2 du code du patrimoine, d’archives relatives à la Seconde Guerre mondiale émanant principalement des ministères des affaires étrangères et du développement international, de la justice et de l’intérieur. Il précise également la procédure de saisine, par les services publics d’archives, des autorités émettrices de documents classifiés, en faisant des hauts fonctionnaires de défense et de sécurité placés auprès de ces autorités les destinataires de ces saisines.»
Dans le détail, cet arrêté — qui entrera en vigueur ce lundi 28 décembre — permettra aux chercheurs comme aux citoyens d’avoir accès à différents types d’archives, notamment «les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions d’exception instaurées par le régime de Vichy», «les dossiers de l’administration centrale du ministère de la justice relatifs aux affaires portées devant les juridictions d’exception instaurées par le régime de Vichy et le Gouvernement provisoire de la République française» et «les documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire entre le 3 septembre 1939 et le 8 mai 1945».
Instauré le 10 juillet 1940 après le vote des pleins pouvoirs au maréchal Philippe Pétain, le régime de Vichy a notamment adopté une politique de collaboration avec l’occupant nazi.
happywheels
Il est pas tres bon de remuer la merde.
Beaucoup de questions demeures, cette periode triste pour l’histoire de France, avec ses heros (pas tres nombreux), ses traitres et collabo (tres nombreux), beaucoup de questions en suspend, qui risque de heurter les sensibilités.
Sur les personnes qui ont accueillis les juifs entre autre, sujet trés sensible en exemple, jai connu il y a de tres nombreuses années, une personne qui dit avoir recueillit des enfants, il a sus beaucoup plus tard qu’ils etaient juifs, effectivement, durant cette période, de tres nombreux enfants etaient envoyé dans les campagnes, les orphelins etc…..
On peu croire effectivement a leur sincérité a savoir si ils connaissaient exactement leur origines au moment de l’accueil, mais ceci est dur a prouver.
Il se peu qu’il y aille des gens honnetes comme des menteurs, mais quoi qu’il en soit, le resultat est le meme, ces enfants ont été sauvé de la déportation.
La grande question est, les Francais étaient-ils au courant du massacre des juifs en Allemagne ?? Si oui quand ?, Ces enfants juifs etaient-ils évacué pour échapper a la SHOA ?
Plein de question auquel nous auront peu etre pas de reponse, chacun est libre de donner sa propre version
A la fin de la guerre il y avait beaucoup plus de heros que de collabo, tous resistant, donc je me permet de douter sue certaines affirmation ou temoignages.
Au moment de la libération et de l’epuration, personnes ne c’est souciés de punir les tueur de juifs ou les responsables des rafles anti juives, les arrestations par la police Francaise et les dénonciateurs.
Au retour des camps, personnes ne voulaient y croire, il a quand meme fallut attendre pas mal d’années pour que la France se rende compte du massacre des juifs. Et je serai pret a penser que la creation de l’etat d’Israel a compliquer cette recherche de vérité et de justice.
Simone veil,a donné un jour un temoignage qui m’a quand meme fait penser a reflechir, elle avait raconté son calvaire a son propre mari lorsqu’elle etait au camp de Auschwitz-Birkenau, il ne voulait meme pas y croire !
Il faudra attendre de nombreuses années avant de délier le vrai du faux, ou meme on ne le saura jamais.
Les Totalitarismes
Plan Académique de Formation. Académie de Bourgogne. 18 et 19 novembre 2004.
Christophe Capuano, Allocataire-moniteur de l’Université de Bourgogne (IHC, UMR-CNRS 5605), professeur d’histoire-géographie
Le régime de Vichy : un fascisme à la française ?
Dans les programmes de Première , le régime de Vichy a une place réduite et il s’inscrit dans l’étude de la France pendant la Seconde Guerre Mondiale. Dans les accompagnements au programme, il est présenté comme un « régime, négation des principes républicains, attaché aux apparences de sa souveraineté mais pris dans l’engrenage de la collaboration d’Etat et des surenchères collaborationnistes, [qui] se met volontairement au service des exactions de l’occupant ».
Dans une proposition de mise en œuvre, Jocelyne Mériaux de l’Académie de Versailles (lycée les Pierres-vives, Carrières-sur-Seine) propose de traiter le régime sous le titre : « l’Etat Français, un fascisme à la française ? »
Mais est-il pertinent d’étudier Vichy par le biais du fascisme ?
Nous allons répondre à cette question par l’historiographie et se demander :
– A quel moment et comment la question de la nature du régime s’est-elle posée dans l’historiographie ?
– Comment la question du fascisme vichyssois a-t-elle été abordée par les historiens ?
Nous verrons que les positions tenues par les historiens résultent de leurs définitions du régime de Vichy et du fascisme.
Pour mettre en lumière les grands moments historiographiques j’ai utilisé notamment les réflexions de 4 auteurs sur ce sujet :
Jean-Pierre Azéma :
– « chapitre I : Vichy et la mémoire savante, 45 ans d’historiographie » dans l’ouvrage collectif Vichy et les Français, 1992.
– « Vichy et les historiens », revue Esprit n°5, 1992.
– « Le régime de Vichy » in La France des Années noires sous la direction de Jean-Pierre Azéma et François Bédarida, 1. De la Défaite à Vichy, éditions du Seuil, 1993, 2000
– « La révolution paxtonienne » in L’ouvrage collectif La France sous Vichy, autour de Robert Paxton, éditions Complexe, 2004.
Henry Rousso :
– Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, 1987, 1990.
– Article « Qu’est ce que la Révolution nationale ? publié dans la revue Histoire n°129, janvier 1990. Vichy, l’événement, la mémoire, l’histoire, folio histoire, 2001.
– « L’historien lieu de Mémoire. Hommage à Robert Paxton » in L’ouvrage collectif La France sous Vichy, autour de Robert Paxton, éditions Complexe, 2004 et article que l’on retrouve dans Vichy, l’événement, la mémoire, l’histoire, folio histoire, 2001.
Denis Peschanski :
– Introduction de son ouvrage Vichy 1940-1944. Contrôle et exclusion. ( éditions Complexe 1997).
– « Vichy un et pluriel » in La France sous Vichy, autour de Robert Paxton, éditions Complexe, 2004.
Robert Paxton :
– sur le régime de Vichy : notices bibliographiques de l’édition de 1997 de son ouvrage phare La France de Vichy.
– Et sur la question du Fascisme vichyssois : notices bibliographiques de Fascisme en action ( éditions Seuil, XX ème siècle, 2004).
Il y a trois temps historiographiques :
I 1945 à la fin des années 60 : Le bon et le mauvais Vichy. La question du changement de nature du régime .
II Le tournant des années 70 : La révolution paxtonienne : La spécificité du régime de Vichy mise en lumière.
III Des années 70 à nos jours : L’après Paxton : La question du fascisme vichyssois.
I 1945-fin des années 60 : Le bon et le mauvais Vichy. Un changement de nature du régime ?
A. Une historiographie sous influence juridique
Dans l’immédiat après-guerre , on s’intéresse peu au régime proprement dit. L’intérêt se porte davantage sur les circonstances dans lesquelles l’armistice a été signé, la IIIème République sabordée ainsi qu’aux différents aspects de la collaboration.
C’est le thème de la trahison qui se trouve au centre des préoccupations. Henry Rousso parle d’une historiographie sous influence juridique. En effet, les historiens ont utilisé surtout des sources judiciaires comme les procès de la Haute Cour de justice qui a jugé les principaux responsables du régime de Vichy. Or la démarche d’une cour de justice, centrée sur la question de la culpabilité, et celle de l’historien ne sont pas identiques. Et la première grande étude d’ensemble publiée sur Vichy, celle de Robert Aron en 1954, se trouve sous cette influence. Or comment faire œuvre d’histoire en se fondant uniquement sur le travail de documentation réalisée par la justice ?.
B. Le bon et le mauvais Vichy
Deux auteurs marquent l’historiographie de cette période : Robert Aron et André Siegfried. Ils défendent le « bon Vichy » celui qui a fonctionné jusqu’au retour de Pierre Laval.
Siegfried s’intéresse au fonctionnement interne du régime de Vichy : pour lui, il y a deux Vichy totalement différents : un Vichy de Pétain et un Vichy de Laval . Cette analyse aboutit à considérer le premier comme bon et le second mauvais. Il y aurait donc un changement de nature du régime entre le premier et le deuxième Vichy.
Robert Aron, quant à lui, entend étudier le régime de Vichy et les relations franco- allemandes. Deux thèses sont sous-jacentes. La première suppose que Vichy aurait bien fonctionné comme un « bouclier » face à l’Allemagne. Pétain aurait esquivé ainsi une collaboration recherchée par Hitler. La seconde plus implicite oppose au Vichy de Laval un bon Vichy, celui de Pétain, occultant la politique d’exclusion et de répression.
C. Le problème de la spécificité du régime
Pour les législateurs de la Libération, les programmes de Vichy seraient des doctrines « importées dans le pays sur les tanks des envahisseurs ». Les anciens membres du gouvernement ont soutenu aussi cette thèse en disant que les mesures intérieures leur avaient été imposées par l’Allemagne. On insiste sur le poids des contraintes et la faible marge de manœuvre. La plupart des mesures seraient le résultat de l’Occupation et non d’un choix délibéré comme la politique antisémite. Cet alibi a été utilisé dans tous les procès et les mémoires d’après-guerre et il fut accepté par l’opinion publique .
Puis les historiens tels Robert Aron reconnaissent que ces programmes sont typiquement français mais on parle très peu de la Révolution nationale dont Aron fait le prolongement de l’Action française et du personnalisme des années 1930. La Révolution nationale serait alors « un catalogue d’intentions plus ou moins cohérentes » qui appartiendrait au bon Vichy de Pétain à opposer au Vichy de la collaboration attribuée à Laval. Finalement Vichy serait un régime ballotté par les circonstances sans idéologie clairement affichée.
La donne change au tournant des années 70.
II Le tournant des années 70 : la révolution paxtonienne : la spécificité du régime de Vichy mise en lumière
A. Révolution nationale liée au choix de la collaboration d’Etat :
Pour Robert Paxton , la Révolution nationale est l’un des volets d’une stratégie consciente et volontaire qui entendait réformer la société française à court terme et à long terme. Elle était à ce titre indissociable de la politique de collaboration d’Etat. Cette dernière était supposée redonner à la France vaincue une part de sa souveraineté perdue et favoriser le volet intérieur du projet vichyste. Donc la rénovation intérieure est entièrement conditionnée par la réussite de sa politique « extérieure » : la collaboration avec le Reich. Paxton montre que collaboration d’Etat constituait une condition nécessaire – mais non suffisante – à la réalisation de la Révolution nationale.
Déjà un auteur en 1966 développait cette idée : Henri Michel dans son Vichy année 40. Il défendait l’idée selon laquelle « dans une certaine mesure, la Révolution nationale s’inspire de la collaboration ». Paxton à la différence de Michel, souligne la spécificité de Vichy, de la Révolution nationale et les responsabilités propres au régime de Vichy. Mais parler de sa spécificité ne signifie pas le réduire à une parenthèse et Paxton relève tout ce qui a constitué la continuité dans la rupture. Par exemple, la Révolution nationale si elle se veut une rupture avec l’héritage républicain n’a pas renié tout l’héritage de 1789 : 14 juillet, Marseillaise et drapeau tricolore sont conservés et associés désormais à la figure du Maréchal . Paxton, là encore, a prolongé les intuitions d’un autre auteur :Stanley Hoffman.
B. Une réflexion sur les origines idéologiques de la Révolution nationale :
Stanley Hoffman a parlé de Vichy comme d’une « dictature pluraliste ».Dans son Essai sur la France, il montre qu’il s’agit d’une synthèse pragmatique de plusieurs courants : ceux de la pensée réactionnaire du XIXème siècle, mais aussi de l’Action française, elle même héritière de cette culture traditionaliste, et d’autres courants idéologiques comme l’esprit ancien combattant, le personnalisme, et en matière économique et social, les réflexions des cercles non conformistes ou antilibéraux d’avant guerre . Paxton a mis lui aussi en évidence les racines idéologiques du régime de Vichy et la place qu’il occupe aussi bien dans la lignée de la droite contre-révolutionnaire et réactionnaire en France, que dans l’histoire des tentations du fascisme en France.
Les historiens vont alors débattre de la nature fasciste du régime. A partir des années 70, comme le dit Jean-Pierre Azéma : « les enjeux historiographiques ont été pour partie obscurcis par une certaine focalisation des débats sur l’existence d’un fascisme vichyssois ».
De même comme le dit Pierre Milza dans Fascisme français, passé et présent toute « l’historiographie du fascisme français bute à un moment ou à un autre, sur la question fondamentale de la nature du régime qui a été instauré dans notre pays à la suite de la capitulation parlementaire des 9 et 10 juillet 1940 » .
Déjà Robert Paxton consacre une sous-partie à cette question dans son chapitre sur la Révolution nationale dans la France de Vichy. Il rejette les études des historiens qui assimilent Vichy à l’Allemagne et à l’Italie : ce serait faire de l’expérience vichyste une simple importation de l’extérieur, totalement étrangère au comportement français. Cette interprétation ne tient pas compte des factions qui rivalisent d’influence à Vichy et elle ignore les grands conflits de la IIIème République transparaissant dans la politique du régime.
Mais il ne tranche pas réellement le problème. Il estime d’une part que la Révolution nationale de Vichy se situe plus près du conservatisme que du fascisme : « Pétain lui-même se trouvait plus de points communs avec Franco et Salazar qu’avec Hitler ». Cependant, il estime d’autre part que Vichy, en se donnant pour mission la maîtrise et non le refus d’une société industrielle de masse, se trouve de ce point de vue plus près de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste que de l’Espagne et du Portugal.
III Depuis les années 1970 : L’après Paxton : La question du fascisme vichyssois
A. Le régime de Vichy, incarnation de l’idéologie fasciste ?
Pour Zeev Sternhell, Vichy appartient à la catégorie des fascismes car c’est l’idéologie fasciste en France qui aboutit à sa mise en place. En effet, que l’on considère ou non Vichy comme fasciste dépend en grande partie de l’interprétation qui sera faite de l’Entre-deux-Guerres : jugée par les uns allergique à la tentation totalitaire, pour les autres déjà fortement contaminée par le virus fasciste à la veille du second conflit mondial.
Zeev Sternhell dans ses ouvrages soulève des polémiques : il s’attache à mettre en évidence l’existence d’un fascisme français et même que la France a été l’un des berceaux du fascisme. Les facteurs mis en avant sont la naissance d’une troisième droite « la droite révolutionnaire » et celle, à la fin du XIXème siècle, d’une droite radicale, populaire et socialisante qui annonce et prépare le fascisme des années Vingt et Trente. Il insiste aussi sur le niveau intellectuel exceptionnel de la littérature et de la pensée fascistes en France. Le foisonnement de tendances et d ‘écoles attesterait de la richesse idéologique et du potentiel du fascisme français. Pour Sternhell, « l’imprégnation fasciste dans ce pays fut bien plus profonde et les milieux touchés bien plus nombreux qu’on ne l’imagine et qu’on ne le reconnaît d’ordinaire. »
Sternhell va à l’encontre des thèses de René Rémond (Les droites en France) : celui-ci défendait l’idée selon laquelle les idées fascistes avaient été importées de l’étranger et n’avaient jamais bénéficié d’un soutien de poids en France. Et les vieilles habitudes démocratiques avaient été des barrières efficaces contres des mouvements « irrationnels » comme le fascisme.
La thèse de Sternhell est notamment critiquée par Serge Berstein . Ce dernier rejoint les conclusions de René Rémond et il décrit la France comme étant en grande partie « allergique » et « imperméable » au fascisme. Pour lui si certains intellectuels « moins nombreux que l’imagine Sternhell » furent attirés par le fascisme, leur succès fut éphémère et ils furent incapables d’oblitérer « la profonde culture démocratique de la France ». Et en France , malgré la dépression des années 30, « aucun dirigeant [ fasciste] ne s’est imposé et aucun parti fasciste n’a pu prendre racine ».
Alain-Gérard Slama, évoque quant à lui dans « Vichy était-il fasciste ? » la culture politique française pour expliquer l’imperméabilité de la France au fascisme. Pour lui, la France « (…) a échappé à l’épidémie fasciste pour des raisons de culture plus encore que de conjoncture ». Notre culture politique aurait imposé plusieurs contraintes au régime issu de la Révolution nationale l’empêchant de trop s’écarter du modèle républicain : le jacobinisme qui fait obstacle aux projets organicistes et décentralisateurs maurassiens, l’ « authentique pluralisme des débats intérieurs au pouvoir » inclinant le pouvoir en faveur de la continuité et le démarquant du « monolithisme fasciste ».
Cette « thèse immunitaire » est critiquée par le sociologue français Michel Dobry qui a publié un ensemble d’essais intitulé Le Mythe de l’allergie française au fascisme (Paris, Albin Michel, 2003) . Selon lui, les historiens qui soutiennent cette thèse ont conçu un modèle de fascisme « à leur convenance » en donnant une définition étroite au fascisme qui correspondrait à son aboutissement en Italie et en Allemagne, après son installation au pouvoir. En adoptant une telle définition, ils ignorent tous les compromis que les fascistes italiens et allemands ont fait auparavant. Michel Dobry estime que ces historiens appliquent à la France un modèle coupé de l’Histoire : « ils exigent de la droite radicale qu’elle se définisse avec plus de clarté que le fascisme original – celui qui vit le jour en Italie – et qu’en outre , elle entreprenne tout , tout de suite et ouvertement ». Il critique donc l’obsession classificatoire de la thèse immunitaire.
Robert Soucy soutient l’approche de Dobry et montre que la France fut « plus perméable aux idées fascistes dans les années 1930 qu’on ne veut l’admettre généralement ».
Antoine Prost dans la préface à l’édition française de l’ouvrage de Soucy, estime cependant que le procès fait par certains à la thèse immunitaire et aux explications par la culture politique est un faux procès. « Quand on parle d’allergies françaises au fascisme, on ne se réfère nullement [selon lui] à une sorte de « seconde nature » : on vise un ensemble de pratiques portées par des acteurs sociaux multiples et identifiés, qui structurent la vie politique avant l’émergence d’une menace fasciste et qui lui ont résisté quand elle est apparue, comme Robert Soucy, le signale d’ailleurs lui-même au passage ».
En 2000, Sternhell confirme sa propre thèse dans un essai inédit et affirme que l’idée d’une France « immunisée » contre le fascisme doit être nuancée sinon abandonnée. Pour Henry Rousso, la menace politique réelle du fascisme dans les années Trente reste discutable. Cependant, il insiste sur la vraie question posée par Sternhell : « comment une immunité supposée finit dans un maréchalisme majoritaire sous l’Occupation, voire dans le pétainisme ou le collaborationnisme » et note que cet aboutissement justifie pour Sternhell « l’appartenance de Vichy à la catégorie des Fascismes » .
Si cette affirmation est contestable, l’argumentaire de Sternhell présente néanmoins, selon Rousso, un intérêt majeur en démontrant « qu’il est inutile de se crisper sur des concepts pour décrire une réalité historique , surtout si le concept ( ici, le « fascisme ») continue d’avoir une certaine élasticité : c’est cette réalité qui importe au bout du compte, pas l’outil utilisé pour l’observer , et en ce sens, Vichy, au moins dans ses intentions, a certes été plus proche de l’environnement fasciste que de la culture républicaine » .
B. Le régime de Vichy, une expérience de type fasciste ?
Roger Bourderon et Germaine Willard donnent une réponse positive : « il s’agit d’une expérience de type fasciste dans ses moyens comme dans sa finalité ». Ils se fondent sur une analyse en termes de classes. Ils voient en Vichy, « l’adaptation structurelle recherchée depuis plus d’un siècle par le grand capital ».
La définition que les historiens donnent du fascisme est très importante : Yves Durand tend à considérer Vichy comme un régime fasciste si « le fascisme se définit essentiellement par ses rapports avec la société » . Il insiste sur les tentatives de Vichy pour créer un parti unique. Ces tentatives échouent mais Durand montre que la création de la Légion des Combattants doit être l’organisation unitaire désirée par Vichy pour servir d’intermédiaire entre pouvoir et opinion, rôle qui est réservé dans les régimes fascistes au « parti unique ». Yves Durand note aussi les traits communs entre la forme et le contenu du régime de Vichy et ceux de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie : rejet de la démocratie, personnalisation du pouvoir, appel au fondement charismatique de celui-ci ; « unanimisme » bien plus proche du totalitarisme et zèle épurateur avec appel à la dénonciation contre « les mauvais Français » ; aspect répressif et policier qui apparaît quand cet unanimisme échoue et glissement , de la Légion à la milice. Il montre également qu’on ne peut pas opposer un projet fasciste révolutionnaire, subversif de l’ordre social à un régime de Vichy, conservateur de l’ordre établi. Hitler et Mussolini n’ont pas enlevé le pouvoir aux groupes dominants de l’économie et de la société mais l’ont consolidé. En outre Durand fait le rapprochement entre « la constellation fasciste » qui aurait soutenu le régime de Vichy et celle sur lesquels reposaient les régimes allemands et italiens.
Pour Durand , Vichy représente bien une certaine forme de cette alliance entre traditionalistes et fascistes tant au plan intérieur qu’au niveau de ses relations internationales dans le cadre de sa politique de collaboration. Toutefois les forces traditionnelles tiennent à Vichy, comme dans la plupart des satellites de l’Allemagne, des positions beaucoup plus fortes qu’en Allemagne ou en Italie . Enfin Vichy se serait fascisé au cours du temps, pas seulement par infiltration en son sein de fascistes de Paris mais aussi de l’intérieur. Cela serait le fait d’authentiques pétainistes devenus fascistes.
C. Le régime de Vichy, du régime autoritaire à « la dérive totalitaire »
Philippe Burrin donne une autre définition du fascisme : «Si l’expansionnisme territorial et également le fait d’utiliser la guerre comme moyen de faire émerger un Homme nouveau fasciste sont les ingrédients nécessaires de tout régime fasciste et a fortiori nazi, force est de reconnaître que Vichy ne saurait être rangé parmi les régimes fascistes à part entière » .
Burrin a montré que la guerre est l’épreuve de vérité par excellence pour des fascistes qui partagent une vision sociale darwiniste où la croissance démographique reflète la vitalité des peuples et fonde leur droit à la survie et à la domination. L’encouragement nataliste devient le moyen et la justification de l’expansion.. Il s’agit de trouver à travers la guerre jusque dans ses risques, les bases nécessaires à la transformation de la société nationale. « Fécondé par la guerre , le fascisme avait la guerre pour horizon ».
Or l’extrême droite française a accepté pour la France un statut de puissance vaincue résignée. « Il manque à Vichy la volonté de conquête et la dimension impérialiste, qui est dimension constitutive du fascisme ». En outre on peut se demander avec Philippe Burrin et Robert Paxton si un fascisme authentique est possible avec l’occupation de forces étrangères.
En outre Vichy a été incapable de créer de nouvelles élites et s’est fondé sur les élites traditionnelles (Eglise, armée, fonction publique, patronat) ce qui le distingue des régimes fascistes. Il s’est refusé d’ailleurs en juillet 1940 à constituer un parti unique qui mobiliserait en permanence les masses.
La plupart des auteurs en se référant aux institutions, aux pratiques politiques, aux contradictions internes tout comme à la politique extérieure, préfèrent parler avec bien des variantes d’un Etat autoritaire. Pour reprendre la définition qu’en donnent Burrin et Juan J.Linz les régimes autoritaires se distinguent des régimes totalitaires par « l’existence d’un pluralisme limité, le pouvoir reconnaissant la légitimité de corps privilégiés comme l’Eglise, par une idéologie mal articulée et faiblement diffusée, et enfin par l’absence ou par un degré limité de mobilisation de la population, le parti unique quand il en existe un n’ayant qu’une place réduite au sein du régime et qu’une prise superficielle sur la société » . Dans la réalité historique, la combinaison de ces deux types est fréquente.
Vichy s’affirme dès le départ comme un régime autoritaire de rassemblement national.
Mais il faut reconnaître que Vichy a mené des tentatives fascistes d’encadrement total de la société par l’Etat comme l’a bien montré Denis Peschanski : dans le domaine de l’information avec Paul Marion ( il prend en charge les services de l’Information et de la Propagande en février 1941) ou dans celui de la Jeunesse avec le même Paul Marion et Pierre Pucheu. Marion insiste sur la nécessaire régénération du pays par la propagande et l’encadrement de la société et des esprits. Il souhaite mettre en place un réseau de propagandistes qui constitueraient l’embryon d’un parti unique. Puis avec Pucheu, Marion tente, dans le même but, de prendre le contrôle de diverses organisations de jeunesse. Mais ces tentatives échouent comme celle plus général d’un encadrement total de la société.
Pierre Milza souligne la « dérive totalitaire » du régime dès 1942 : il s’agit de la radicalisation opérée par la nouvelle équipe dirigeante en matière de répression, de politique raciale et de collaboration avec l’occupant. Cette « dérive totalitaire » est en partie le produit d’une culture politique qui en France a pu apporter sa pierre au génocide sans pour autant être assimilable à un modèle étranger. Si le jusqu’au-boutisme dans la collaboration d’Etat n’est pas spécifiquement « fasciste » – les mesures prises par Laval s’inscrivent dans une continuité de politique menée par ses prédécesseurs- , la radicalisation du régime déclenche à la fin de 1942 un processus de fascisation du régime qui va bientôt devenir irréversible.
Il s’agit pour Milza d’une fascisation artificielle car elle est plaquée sur une société qui la rejette et qui la combat, à l’inverse de l’Italie ou de l’Allemagne où le fascisme s’était imposé grâce à une partie du corps social et de mouvements de masse. En France , la fascisation est le résultat de pressions externes qui obligent le pouvoir plutôt réticent au début mais de plus en plus dépendant de l’occupant , à s’engager dans cette voie .
Milza parle « d’ une fascisation au sommet, d’une fascisation de l’appareil d’Etat ». « La fascisation du régime de Vichy , en cette phase ultime de son existence est à contre courant d’une opinion qui rejette désormais avec force le bébé vichyssois avec l’eau du bain collaborationniste ».
Au fur et à mesure le caractère répressif du régime s’accentue et l’Etat milicien s’efforce encore plus d’encadrer la société et de mettre en condition les esprits . Le terme « d’Etat milicien » est utilisé par Michèle Cointet-Labrousse pour qualifier le régime vichyste durant l’année 1944 : on doit avec Pierre Milza, « accepter cette appellation si elle signifie non que la France de 1944 est devenue un Etat fasciste gouverné par la Milice dans le sens où l’on parle d’Etat SS à propos de l’Allemagne nazie à partir de 1942 mais qu’il y a eu colonisation par les hommes de Darnand d’un appareil d’Etat coupé de la société civile et maintenu en place par le seul bon vouloir de l’occupant ».
Deux interprétations de cette fascisation s’opposent :
– Certains la voient comme une « déviation » – le terme est de René Rémond – d’autres comme le résultat du seul poids des circonstances : « il y a substitution sous le choc des relations internationales, d’un régime à un autre » affirme Michèle Cointet-Labrousse. Elle insiste sur la complexité de Vichy, établit une nette séparation entre le Vichy des débuts dans lequel sont très prégnantes les influences catholiques et néolibérales, et l’ « Etat milicien » copiant le nazisme. Michèle Cointet-Labrousse montre que le régime de Vichy est devenu fasciste en 1944 selon un processus qui selon elle s’explique moins par la conquête du pouvoir par les fascistes que par son abandon par les pétainistes : nomination d’Henriot, Darnand et Déat . Il s’agit alors d’un gouvernement composé et manipulé par les nazis. « Le pétainisme avait vécu et Pierre Laval ne gardait que les apparences du pouvoir et ses capacités d’illusion »: S’il est bien fasciste, ce régime a perdu son caractère français pour devenir une créature allemande. Michèle Cointet-Labrousse reprend une partie des thèses aroniennes en accordant une relative importance au renvoi de Laval le 13 décembre 1940 ou en passant sous silence les politiques d’exclusion des débuts de Vichy.
– D’autres considèrent l’obsession de l’ordre et de la répression comme un trait fondamental du régime, tendance qui s’accentue dès l’été 1941 et affirment qu’il existe une différence de degré et non pas de nature entre le « premier Vichy » et celui en partie milicien du premier semestre 1944. C’est la position notamment de Philippe Burrin et de Denis Peschanski : si Vichy connut plusieurs phases plus ou moins bien repérables, il n’y a pas plusieurs Vichy de nature différente. Les études sur les fondements de la politique d’exclusion « autochtone » de 1940 ou sur les caractéristiques de l’année Darlan (collaboration poussée, accélération de la répression et de la persécution car rejet de l’opinion et entrée du PCF dans la lutte armée) amènent à casser les schémas traditionnels. Si le régime se radicalise dans l’exacerbation d’une logique répressive, il contenait cette logique dès le départ.
Conclusion :
A la question Vichy est-il un fascisme à la française ? ma réponse est non. Il s’agit d’un régime autoritaire de rassemblement national.
Dans le cadre d’une leçon ( programme de Première), placer la partie sur Vichy sous le titre de « Vichy : un fascisme à la française ? » peut se justifier à la condition de démontrer en quoi Vichy se distingue du fascisme. Inconvénient : le programme et les indications horaires ne permettent pas vraiment de s’étendre sur toutes les nuances du sujet.
C’est pourquoi, intituler une première partie :
-la Révolution nationale : un régime politique plus autoritaire que fasciste.
risque de créer la confusion dans l’esprit des élèves.
En outre parler d’ « un fascisme à la française » pourrait sous-entendre qu’il existe un fascisme à la spécificité française.
En ce qui concerne la définition du fascisme, la majorité des historiens a accepté la conception de Philippe Burrin : l’expansion impérialiste est liée de manière intrinsèque à l’idéologie fasciste.
Il s’agit donc d’insister d’emblée sur le fait que « Vichy est une régime autoritaire spécifique qui connaît une dérive totalitaire, dans ses mesures, et fascisante, dans son personnel. Mais il ne s’agit pas d’une différence de nature mais d’une différence de degré entre 1940 et 1944 ». Comme le dit Yves Durand, « Tout Vichy est bien « Vichy de Pétain » ».
L’incroyable n’est pas croyable :
…
L’officier Polonais Witold Pilecki s’est évadé d’Auschwitz, son rapport transmis aux Alliés par la Résistance Polonaise n’a pas été cru.
Alexander Werth, correspondant de guerre en Russie a fait un rapport sur Majdanek . (été 1944)
Je cite un extrait de son livre, La Russie en guerre, (tome 2), de Stalingrad à Berlin :
« … Plus les russes avançaient vers l’ouest, plus nombreuses leur apparaissaient les atrocités allemandes
… toutefois, ils n’avaient vu jusqu’ici que des massacres dispersés sur de vastes régions et qui, s’ils dépassaient de beaucoup en importance ceux de Majdanek, n’avaient pas eu le caractère « industriel » de l’Usine de Mort établie à 3 Km de Lublin.
» incroyable », ça l’était : lorsque j’envoyait à la BBC un rapport détaillé sur Majdanek, la radio britannique ne voulut pas le diffuser, croyant à une grossière propagande soviétique. Il fallut attendre la découverte (à l’ouest) de Buchenwald, Dachau et Belsen pour que l’on crût enfin à l’authenticité de Majdanek et d’Auschwitz… »
Fin de citation.
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Dans les récits d’évasions de Prisonniers de Guerre, parfois il y a une indifférence, parfois une aide discrète, (juste un renseignement), parfois une véritable aide avec prise de risque, parfois le contact avec un réseau d’évasion. Mais aussi le risque de tomber sur un collabo-dénonciateur.
L’aide aux Juifs devait fonctionner à peu près pareil, mais avec le risque du faux passeur, voyou attiré par l’argent, l’argent du Juif présumé riche.
Pardonnez-moi mais cette période que je n’ai pas connue, me fais vomir. Tout ce que je peux en retenir, c’est un grand-père maternel déporté et exploité en Allemagne dans des champs de patates, dans son patelin beaucoup de justes qui ont sauvés des familles juives… Où était l’Eternel en cette période noire, là je me pose beaucoup de questions…