
Pourquoi l’Iran n’aura pas la bombe, par Frédéric Encel
Monde. Alors qu’une nouvelle session de pourparlers entre l’Iran et les Etats-Unis s’est tenue ce samedi à Rome, notre chroniqueur estime que personne n’a intérêt à ce que Téhéran accède à l’arme atomique. Pas même le régime des mollahs…
puis au moins la dénonciation par l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA) des mensonges de l’Iran, à Vienne en 2002, sur son programme d’enrichissement d’uranium, l’auteur de ces lignes l’a toujours affirmé : la République islamique ne sera pas dotée de la bombe atomique.
Certes, sa course au nucléaire militaire s’est poursuivie en dépit des sanctions internationales enclenchées en janvier 2007, et s’est accélérée après le retrait américain (Trump n° 1 en août 2018) de l’accord nucléaire signé en juillet 2015 entre les grandes puissances et Téhéran. Mais l’heure de vérité s’approche, avec l’envoi par Trump n° 2 de forces navales, balistiques et aériennes absolument herculéennes au large de l’Iran, et la préparation intensive de Tsahal qui a déjà démontré en 2024 que l’espace aérien iranien était nu ; soit la négociation – une deuxième session de pourparlers entre l’Iran et les Etats-Unis sur le programme nucléaire iranien s’est tenue ce samedi 19 avril en Italie – débouche sur l’arrêt complet du processus d’acquisition de la bombe moyennant la levée des sanctions frappant l’Iran, soit la guerre, que Téhéran ne peut gagner.
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Une question pseudo-morale est souvent posée en substance par les commentateurs complaisants avec Téhéran : puisque plusieurs Etats sont déjà dotés, pourquoi l’Iran n’aurait pas ce droit, d’autant qu’au moins deux Etats proches de ce pays, le Pakistan contigu et… Israël, en disposent de façon respectivement officielle et officieuse ? La réponse est relativement simple : Israël a toujours reconnu l’Iran et n’a jamais appelé à sa destruction ; l’Iran khomeyniste ne reconnaît pas Israël et appelle systématiquement à sa destruction, au-delà même de ses diatribes négationnistes, et cela quelle que soit la coloration politique ou la politique du gouvernement hébreu, Téhéran ayant notamment rejeté le processus de paix israélo-palestinien d’Oslo de 1993 pourtant entamé par le gouvernement travailliste Rabin/Peres.
S’il ne s’agissait que d’une posture rhétorique (d’autres régimes du monde musulman vitupèrent aussi l’Etat juif), cela ne représenterait pas un problème majeur. Mais la République islamique se dote de missiles balistiques à longue portée dont des centaines ont déjà frappé le sol israélien (en 2024) et surarme et finance grassement des proxys guerroyant contre Israël, du Hezbollah libanais aux milices chiites irakiennes en passant par les rebelles Houthis yéménites. Au regard de cet activisme haineux débridé, comment les Israéliens devraient-ils appréhender la capacité objective de leur ennemi de bombarder leur territoire – minuscule et densément peuplé – d’une ogive nucléaire ? Certains rétorquent que la dissuasion nucléaire jouerait pour contrevenir à ce scénario. Mais en est-on bien sûr avec un régime présentant tous les aspects d’un fanatisme millénariste nourri d’espérance messianique ? Peut-être. Or, face au risque d’anéantissement, « peut-être » ne peut constituer une réponse satisfaisante, surtout pour un peuple ayant déjà subi au moins une extermination de masse.
La Chine réticente
Mais au-delà des craintes régionales israélienne (existentielle), saoudienne et émiratie (religieuse), il faut bien comprendre que personne au monde ne souhaite l’accession de Téhéran à la bombe atomique ; cela constituerait la première vraie rupture du traité de non-prolifération de 1968 – le plus important succès de l’ONU depuis sa création en 1945 –, puisque, contrairement à l’Inde, au Pakistan et à Israël, l’Iran en est signataire et ne s’en est jamais retiré.
Or cette transgression ouvrirait la voie à une dangereuse prolifération non seulement régionale (Turquie et Arabie saoudite ont déjà averti), mais aussi mondiale, y compris de la part d’une dizaine d’Etats dits du seuil qui maîtrisent déjà la filière nucléaire civile. Cette perspective effraie en particulier la Chine, ultra-conservatrice sur le registre nucléaire militaire, comme l’ont démontré plusieurs remontrances récentes face à un Poutine agitant contre l’Occident le spectre de « l’Apocalypse », mais aussi les Etats-Unis plus que jamais proches et protecteurs d’une Arabie saoudite hypersolvable et si prodigue en achats et investissements militaires massifs…
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A la fin des fins, le régime des mollahs renoncera peut-être de lui-même, craignant comme péril mortel l’exaspération sociale de sa propre population éreintée par les sanctions et l’impéritie de ses dirigeants. Car la bombe ne se mange pas ni ne chauffe ni ne soigne, et coûte par ailleurs excessivement cher. Surtout si, de toute façon, elle devait être détruite par Israël avant même son activation potentielle.
Source
L’Express