Paroles d’honneur, un média « décolonial » au service de LFI ?
Le rapprochement entre les Insoumis et les membres du média Paroles d’honneur, acquis aux thèses racialistes et antisémites, tend un miroir sur une stratégie électorale mortifère.
Par Ismaël El Bou-Cottereau
C’est un baiser de la mort. Le 29 mai, lendemain de l’exclusion du député Insoumis Sébastien Delogu, qui a brandi un drapeau palestinien dans l’hémicycle, Houria Bouteldja, ancienne porte-parole du Parti des indigènes de la République, prend la plume pour défendre LFI sur sa page Facebook. « Cela fait un bail qu’au QG Décolonial et Paroles d’honneur nous avons pris fait et cause pour LFI », écrit-elle. Et d’ajouter, lyrique : « L’émotion nous submerge. Nous avons tellement été acclimatés à la rationalité, la froideur des hommes et des femmes politiques, leur soi-disant respect des règles de bienséance, que les voir en colère, émus, écœurés, portés par leurs convictions, fidèles à leur mandat est une nouveauté qui devrait nous réjouir. »
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La suite logique de propos déjà tenus en novembre 2021. Au cours d’un live Twitch, l’autrice du brûlot Les Blancs, les Juifs et nous, qui pense que l’on reconnaît un Juif « à sa soif de vouloir se fondre dans la blanchité », érigeait Jean-Luc Mélenchon en « butin de guerre ». À ses côtés, ce jour-là, Wissam Xelka, qui a milité avec Houria Bouteldja avant d’officier au sein de Paroles d’honneur.
Galaxie indigéniste
Ce média en ligne « décolonial » a émergé lors de la campagne présidentielle de 2017 ; il rassemble des militants proches du Parti des indigènes de la République. Une sphère acquise à la thèse du racisme d’État, opposée à la laïcité, adressant au Hamas sa « fraternité militante » et obsédée par Israël. « On ne peut pas être israélien innocemment », dit ainsi Houria Bouteldja. Une « antisémite notoire » pour Mario Stasi, président de la Licra.
Depuis le pogrom du 7 octobre, Paroles d’honneur a invité certains députés Insoumis. L’occasion pour ces derniers de se défendre des accusations d’antisémitisme et des critiques après leur refus de qualifier le Hamas de groupe terroriste.
On y retrouve Jérôme Legavre, le seul élu ayant voté contre la résolution de l’Assemblée nationale de soutien à l’Ukraine ; Ersilia Soudais, qui, le 7 octobre, se fendait d’un « la haine attire la haine » ; Thomas Portes et Danièle Obono, présents lors de l’émission spéciale avec Judith Butler, à Pantin, le 3 mars dernier. Ils n’ont pas tiqué quand la théoricienne des études de genre s’est livrée à une logorrhée qui évoquait les meurtres du Hamas comme « un acte de résistance armée » et distillait le doute sur la réalité des viols.
Il y a aussi Alma Dufour, ancienne militante écologiste qui a embrassé le combat propalestinien. Le 5 mai, sur le plateau de Paroles d’honneur, elle ironisait sur Raphaël Glucksmann, ce social-démocrate « qui ne parle que de l’Ukraine avec son accent Saint-Germain-des-Prés et qui n’est même pas capable de dire qu’il faut arrêter d’importer des oranges d’Israël ». Le chef de file de la liste socialiste a pourtant appelé à la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël.
Alma Dufour partageait le micro avec Youssef Boussoumah, issu des Indigènes de la République, connu pour ses propos extrémistes. « Alors les sionards on se la pète un peu moins depuis le 7 octobre, n’est-ce pas ? » écrivait-il le 8 octobre, emoji riant aux larmes ponctuant son message. Sur Paroles d’honneur, il continue dans la même veine ; les terroristes du Hamas sont dépeints en « militants héroïques », conduisant « tout un peuple uni jusqu’à la victoire ». Le public applaudit.
Soutien à LFI
Youssef Boussoumah, qui est aussi un soutien du régime iranien, a annoncé qu’il votera pour la liste LFI aux européennes. Tout comme Mariam, présentatrice sur Paroles d’honneur, qui, lors d’une émission, relativisait la portée antisémite des propos de l’influenceuse Poupette Kenza. Lors d’une interview en direct, elle tutoie l’Insoumise Alma Dufour, avant de célébrer cette « reine » sur les réseaux sociaux.
De quoi susciter le trouble chez ceux qui, à gauche, gardent leur boussole et refusent de s’encanailler avec ces personnages. « Je suis consterné que des gens de LFI se rendent à ces émissions, souffle un militant d’un collectif de gauche. Paroles d’honneur, c’est un truc aux manettes d’Houria Bouteldja, qui est une antisémite. Ils s’attaquent violemment aux sionistes de gauche, n’hésitent pas à nous harceler. Dans leurs vidéos, ils sombrent dans le complotisme, comme lorsqu’ils expliquent que l’armée israélienne a tué des civils le 7 octobre, avec des visuels qui rappellent ceux d’Alain Soral. À Paroles d’honneur, ils sont décomplexés, ça témoigne de leur glissement idéologique. Et, de l’autre côté, les Indigènes de la République deviennent mainstream. C’est gagnant-gagnant. »
Au départ, la galaxie indigéniste ne portait pas Jean-Luc Mélenchon dans son cœur. « C’était une espèce de laïcard de dingue », rappelait Houria Bouteldja en 2021. « Un impérialiste, un colon », ajoutait Wissam Xelka. Mais, lors de la présidentielle de 2022, ce dernier appelle à voter pour lui. « En fait, il faut être pragmatique […] On est une minorité, ce qu’il faut c’est mettre en place […] ceux qui seraient nos potentiels alliés, qu’on les mette en place et qu’on les radicalise de jour en jour », lâche-t-il lors d’une interview accordée au média Mizane Info en février 2022.
La pensée de Gramsci est déterrée : il faut prendre le pouvoir grâce à l’infusion culturelle des esprits. Une grille de lecture appliquée par le QG Décolonial, revue liée à Paroles d’honneur. Dans un édito, ces pourfendeurs de Charlie Hebdo l’assument : « Voter Mélenchon, c’est voter pour l’après. » Oubliées, la pureté et la coquetterie militante qui conduiraient à soutenir des « candidatures de témoignages ». Il s’agit, au contraire, de voter pour celui « qui est le plus proche du pouvoir », de « renforcer » leur « axe » politique et « de continuer à gagner du terrain ».
La mue politique de Mélenchon
Qu’il semble loin le Mélenchon franc-maçon, pourfendeur des barbus et grenouilles de bénitier, auteur de l’éloge funèbre de Charb, dessinateur à Charlie Hebdo, assassiné le 7 janvier 2015 par deux terroristes islamistes. À cette époque, Jean-Luc Mélenchon critiquait la notion d’islamophobie au nom du droit au blasphème, défendait la laïcité face aux « fanatiques religieux et crétins sanglants ». Un de ses conseillers lors de la campagne de 2017 se rappelle de son étonnement un brin moqueur quand il apprend l’existence de réunions en non-mixité entre « racisés ». Un affront à ses positions universalistes.
Comment la mue s’est-elle opérée ? Pourquoi ce rapprochement entre Insoumis et Indigénistes, qui n’ont pourtant pas la même culture politique, les uns puisant chez Jean Jaurès, les autres formés à Alain Soral ? « Il y a eu des changements chez LFI et dans le mouvement décolonial, décrypte Damien Saverot, enseignant à Sciences Po et chercheur sur le mouvement décolonial. À LFI, leur présence lors de la marche contre l’islamophobie en 2019 a changé la donne. Jean-Luc Mélenchon comprend que cette thématique peut mobiliser au sein de l’électorat populaire issu de l’immigration. Avant cette date, ces deux camps ne se parlaient pas. Mais les coloniaux ont vu ça comme un signe de reconnaissance. Alors qu’ils voyaient Mélenchon comme un laïcard, il est devenu pour eux celui qui écoute la voix des racisés. »
À cela s’ajoutent la défense de l’abrogation de la loi séparatisme, position saluée par Paroles d’honneur, ainsi que la rupture lors des manifestations de l’été 2020 contre les violences policières, à la suite de la mort de George Floyd aux États-Unis. « Il y avait des milliers de jeunes devant le Palais de justice du 17e arrondissement, ce n’était pas quelques étudiants de gauche qui venaient aux conférences d’Houria Bouteldja. Jean-Luc Mélenchon voit ces jeunes qui se politisent dans des manifestations qui ne sont pas classiques. Il comprend qu’il faut parler à cette jeunesse militante », analyse Damien Saverot.
Une stratégie redéployée au moment des émeutes de 2023. À rebours de l’ensemble du spectre politique, les élus Insoumis refusent d’appeler au calme. Le député de Seine-Saint-Denis et président de la commission des Finances Éric Coquerel confiait au Point son aggiornamento : « Avant, je ne parlais pas d’islamophobie ; je n’étais pas très à l’aise avec ce concept. Mais la société a changé ; le racisme et la stigmatisation contre les musulmans ont augmenté. »
En 2017, un débat existait au sein de LFI entre une ligne proche de celle des Indigènes de la République, incarnée par Danièle Obono, et des positions plus universalistes exprimées par Adrien Quatennens ou encore Alexis Corbière. Depuis 2019, ce courant a été marginalisé. Le 13 novembre dernier, sur Paroles d’honneur, le député LFI Jérôme Legavre ne se privait pas de critiquer ses collègues Raquel Garrido et Alexis Corbière, qui, eux, qualifient le Hamas de groupe terroriste et dénoncent l’antisémitisme en tant que tel, et non son « instrumentalisation ». « Il y a ceux qui tiennent face à la pression et ceux qui ont tendance à s’adapter », moque-t-il. Un isolement remarqué par un député macroniste, qui échange parfois avec Alexis Corbière. « On le sent mal à l’aise hors micro. Après un débat sur un plateau, je lui ai dit : “Mais qu’est-ce que tu fais dans ce parti de fous ?” Il a fait la moue. »
Inflation verbale sur Israël
Ce rapprochement avec la nébuleuse décoloniale s’est encore accentué depuis le 7 octobre et pendant la campagne des européennes. LFI a décidé de faire de la question palestinienne son principal argument. « Ils essaient de séduire une partie de l’électorat avec un discours radical vis-à-vis d’Israël. Cela nourrit l’antisémitisme en France », dénonce Caroline Yadan, députée Renaissance de Paris et secrétaire du groupe d’amitié France-Israël.
L’inflation verbale sur Israël leur attire la sympathie des militants de Paroles d’honneur. « Dans leur rhétorique, il y a l’idée qu’Israël incarne par excellence l’Occident blanc, colonialiste et impérialiste, explique Rafaël Amselem, chargé d’études au think tank Génération Libre. C’est différent de la critique légitime du gouvernement israélien et de sa politique de colonisation en Cisjordanie. Ici, c’est une diabolisation d’Israël en tant qu’entité qui passe par l’application d’une grille de lecture anticoloniale. LFI reprend à son compte l’idée que la violence du colonisé est d’abord celle du colon. »
La lutte contre l’antisémitisme est évidemment relayée au second plan. Alors que, selon le Crif, les actes antisémites ont augmenté de 300 % depuis le début de l’année par rapport à 2023 sur la même période, que des étudiants juifs ont témoigné de leur mal-être, Jean-Luc Mélenchon ne semble pas voir le problème. « Contrairement à ce que dit la propagande de l’officialité, l’antisémitisme reste résiduel en France », écrit-il, le 2 juin, dans son blog.
Une stratégie électorale perdante ?
Reste à savoir si cette stratégie de la conflictualité est porteuse électoralement. Même Houria Bouteldja, dans son message du 29 mai, émet des doutes. « Il est clair que LFI gagne des points auprès des quartiers et de la jeunesse en général, qu’elle consolide ses acquis à gauche, mais qu’en est-il de l’autre France populaire, celle qui n’aime que ses enfants et qui ne comprend pas l’engouement pour Gaza alors qu’elle a des fins de mois difficile ? » s’interroge-t-elle.
« Mélenchon capitalise sur cette jeunesse, donne envie à des gens de s’engager en politique. Mais c’est un jeu dangereux car il fait fuir la gauche universaliste, tous ces profs et ces travailleurs sociaux qui ne sont pas à l’aise avec ça. Il s’agit de choisir entre la ligne François Ruffin ou Rima Hassan », analyse Damien Saverot.
SOURCE
LE POINT
happywheels
Gad El Maleh …
» bouleversé » par le massacre et l’enlèvement d’Israéliens par le Hamas le 7 octobre tout autant que par les civils palestiniens morts sous les balles et les bombes de l’armée israélienne en représailles. »
Il ferait mieux de fermer sa gueule , ce renégat
Les pseudo artistes gaucho-woke sont vraiment consternants
De Bruel à El Maleh en passant par Jaoui et compagnie
ça leur fait mal de ne plus pouvoir cracher sur Jordan Bardella et Trump , alors ils louvoient….