« On doit se souvenir du nom des victimes, celui de Merah doit être oublié » Pierre LASRY de Toulouse
Pierre Lasry, ancien président de l’association des parents d’élèves d’Ohr Torah et rédacteur en chef d’Aviv, s’exprime sur l’antisémitisme en France, 12 ans après les attentats de Toulouse et Montauban, à l’occasion de la journée internationale du souvenir des victimes du terrorisme
Le 11 mars 2012 à Toulouse, Imad Ibn Ziaten meurt sous les balles de Mohammed Merah. Le 15 mars 2012, deux militaires, Abel Chennouf et Mohame Legouad, sont assassinés à Montauban, Loic Liber un troisième militaire est grièvement blessé. Le 19 mars 2012, à Toulouse, l’homme au scooter, ouvre le feu en direction du collège lycée juif Ozar Hatorah. Il assassine Jonathan Sandler, rabbin et professeur, puis ses deux fils Gabriel et Arié. Myria Monsonégo, sera également tuée quelques mètres plus loin. Dans sa course folle, il blesse grièvement Aaron « Bryan » Bijaoui. Le tueur au scooter, Mohammed Merah meurt finalement le 22 mars lors de l’assaut du RAID. Ce mercredi 21 août a lieu la journée internationale du souvenir, en hommage aux victimes du terrorisme.
France 3 Occitanie : 1.676 actes antisémites en France en 2023. Comment ressentez-vous le contexte actuel ?
Pierre Lasry : Le contexte n’est pas extraordinaire. J’ai moi-même dû m’interposer il y a un mois entre un homme menaçant dans une salle de sport. Il menaçait un autre homme de mort. Lorsque je suis intervenu, il m’a lancé : « Tais-toi sale juif ». Je ne comprends pas, pourtant je n’ai pas de signe, je suis brun… c’était bien la première fois que l’on me disait cela. Je suis allé porter plainte, au commissariat, on m’a dit que c’était « à la mode ». J’étais vraiment choqué. Encore, je suis quelqu’un d’assez fort mentalement, mais je pense aux jeunes enfants ou aux personnes fragiles, cela peut être très dur. J’ai l’impression qu’il y a une sorte de normalisation. Heureusement il y a toujours une partie de la communauté qui ne se laissera pas bafouer.
France 3 Occitanie : Qu’est-ce-qu’il faudrait faire pour améliorer les relations entre les personnes ?
Pierre Lasry : Il faut mille fois plus éduquer. Éduquer à la réalité de l’autre. C’est par l’éducation qu’on continuera à faire changer les choses. Quand on a l’occasion de parler de nos cultures, c’est génial. Lors des journées du patrimoine on fait visiter la synagogue Palaprat et quand on discute et explique, on se rend compte que beaucoup ne connaissent pas les cultures. Il y a un réel travail du côté des religions pour apprendre à se connaître mutuellement. C’est par cette éducation en partenariat qu’on pourra casser cette détestation des juifs. Dans certains foyers, l’antisémitisme est partagé aux enfants dès le plus jeune âge. S’éduquer sur l’autre c’est normal. On ne peut pas admettre que quelqu’un qui ne partage pas notre religion pourrait être un ennemi.
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France 3 Occitanie : Le devoir de mémoire est-il important pour éviter les drames ?
Pierre Lasry : Tous les 19 mars à Toulouse, on continue de perpétuer la mémoire de Jonathan Sandler, Gabriel, Arié et Myria Monsonégo. On doit continuer de parler d’eux. On doit se souvenir du nom des victimes. C’est ça la philosophie mémorielle, on ne doit pas se rappeler de Mohammed Merah, c’est lui qui doit tomber aux oubliettes. Toutes les victimes sont encore très traumatisées par ces événements, beaucoup y pensent encore et en rêvent la nuit. On le dit souvent mais à chaque fois qu’il y a un acte antisémite, c’est comme une sonnette d’alarme, tout le monde peut être une victime.
France 3 Occitanie : Les réseaux sociaux véhiculent beaucoup de haine, ils sont un engrenage ?
Pierre Lasry : On s’est vraiment aperçu que pour chaque acte terroriste, peu importe lequel, les réseaux sociaux ont une importance. Si l’on prend l’exemple de la mort de Samuel Patty, c’est un véritable engrenage. Les réseaux sociaux peuvent véhiculer énormément de haine et le déchaînement qu’il y a eu pour Samuel Patty en est la preuve.
SOURCE
https://france3-regions.francetvinfo.fr/
Pierre Lasry est un auteur français né à Oran en 1955.
Arrivé à Toulouse avec ses parents en 1962, il a fait des études de cinéma à Paris, avant d’embrasser le métier de publicitaire.
Il a réalisé un premier ouvrage sur la plus ancienne synagogue de Toulouse, en faisant parler une poignée de fidèles qu’il a rencontrés et dont il a gagné la confiance, dans le lieu exceptionnel qu’est l’oratoire Palaprat, construit en 1850 dans le centre de Toulouse, après le décret Napoléonien. Des portraits pleine page illustrent les récits.
Il a ensuite composé, avec la même méthode des témoignages vécus et des portraits en gros ou très gros plans, un ouvrage de portraits au sein de la prison Saint-Michel de Toulouse, après qu’elle eut été vidée de ses pensionnaires, en 2015.