Morvan Lebesque : De « Je suis partout » antijuif au « Canard Enchainé »
Il y a tout juste cinquante ans était publié le livre « Comment peut-on être Breton ? ». Écrit par un journaliste du Canard Enchaîné, cet ouvrage a profondément marqué les jeunes militants bretons de l’époque.
Avril 1970. Un livre au titre provocateur paraît aux éditions du Seuil : « Comment peut-on être Breton ? ». Son auteur : Morvan Lebesque, journaliste au Canard Enchaîné. Son essai sur la démocratie est à la fois un récit personnel, un essai culturel et un programme politique. Dans une interview accordée à l’ORTF de l’époque, il évoque sa position en faveur de la régionalisation. À la question « Ne pensez-vous pas qu’en 1970, dans un monde qui va vite, on en soit plutôt aux grandes régions, aux vastes ensembles ? » Morvan Lebesque répond : « Je suis contre le nivellement. Il ne doit pas avoir en [l’Homme] de parts maudites. Il ne doit pas cacher, il ne doit pas dissimuler, il ne doit pas avoir honte de ces parts, qu’il soit breton, qu’il soit juif, qu’il soit alsacien ou qu’il soit corse. On est français 100 % dans la mesure où la province est reconnue ».
Une trajectoire parfois sombre
Morvan Lebesque, de son vrai nom Maurice Lebesque est né à Nantes en 1911, dans une famille très modeste. « Le breton est-il ma langue maternelle ? Non : je suis né à Nantes où on ne le parle pas. Est-ce que je le parle ? Rarement, et pas assez bien pour l’écrire. Suis-je même Breton ? Vraiment, je le crois et m’en expliquerai. Mais de « pure race », qu’en sais-je et qu’importe ? » « Vous n’êtes donc pas raciste ? » « Ne m’insultez pas ». « Séparatiste ? Autonomiste ? Régionaliste ? » « Tout cela, rien de cela. Au-delà. »
Derrière la modernité de sa pensée, l’homme a aussi une face sombre. En 1929, il rallie le Parti autonomiste breton, puis le Parti national intégral de Bretagne. Après avoir vécu comme soldat la débâcle de l’armée française en 1940, il rejoint l’hebdomadaire L’Heure bretonne, un quotidien ouvertement antisémite et raciste. Revenu à Paris, le journaliste rédige de nombreuses critiques pour le célèbre journal collaborationniste Je suis partout.
Mais peu à peu, il s’éloigne de ce milieu et fréquente d’autres intellectuels. « En retrait depuis 1943, ami de Camus en juin 1944, Morvan Lebesque ne s’est jamais engagé dans la Résistance, même à la dernière heure », note Erwan Chartier-Le Floch, qui lui a consacré un ouvrage (*). Ses articles, d’ordre artistique, ne lui valent pas de condamnation après la guerre. Plus tard, Morvan Lebesque commence à livrer des chroniques régulières au Canard Enchaîné et se rapproche du mouvement breton en devenir, notamment des jeunes gens de gauche de l’Union Démocratique Bretonne.
Affirmation identitaire
Son essai sur la démocratie résonne fortement aux oreilles de la jeunesse bretonne. L’auteur a la plume alerte. « La Bretagne n’a pas de papiers. Elle n’existe que dans la mesure où, à chaque génération, des hommes se reconnaissent bretons. À cette heure, des enfants naissent en Bretagne. Seront-ils Bretons ? Nul ne le sait. À chacun, l’âge venu, la découverte ou l’ignorance », écrit-il.
L’époque est, en effet, à l’engagement régionaliste. Après, la Seconde Guerre mondiale le mouvement breton, compromis pendant l’Occupation, est en pleine reconstruction. Le renouveau va d’abord s’élaborer à travers l’action culturelle puis prend aussi une dimension politique à partir de la fin des années 1950, avec le Mouvement pour l’Organisation de la Bretagne, puis l’UDB (lire encadré). Les manifestations de 1968 marquent un tournant. « Fini le ressassement des humiliations ; évanoui, le honteux sentiment de n’être qu’un plouc ; envolé, le complexe de Bécassine […] Et les macarons Bzh, longtemps interdits, fleurissent par dizaines de milliers sur les voitures. La fierté bretonne n’est plus le fait d’une poignée de militants trop nationalistes ou de quelques aristocrates nostalgiques, mais celle de tout un peuple », écrivent les auteurs de l’« Histoire populaire de la Bretagne ».
L’auteur de « Comment être Breton ? » jouira peu de temps du succès de son livre. Morvan Lebesque meurt d’une crise cardiaque en juillet 1970, trois mois après la parution de son ouvrage, lors d’une tournée de conférences au Brésil. En 1976, le groupe Tri Yann, dans l’album « La Découverte ou l’Ignorance », met en musique un texte issu de son livre.
Pour en savoir plus- * « Morvan Lebesque. Le masque et la plume d’un intellectuel en quête de Bretagne », Erwan Chartier-Le Floch, Coop Breizh, 2007.- « L’Ouest en mémoire » : fresques.ina.fr
– « Histoire populaire de la Bretagne », Alain Croix, Thierry Guidet, Gwenaël Guillaume et Didier Guyvarc’h, PUR, 2019.- « 1964. Naissance de l’Union Démocratique Bretonne », Tudi Kernalegenn, 2016, Becedia.
Appelé sous les drapeaux au début de la Seconde Guerre mondiale, il intègre à Bordeaux une école pour élèves officiers d’artillerie. De cette époque, il tire l’inspiration pour un roman, « Soldats sans espoir »35. Il est démobilisé au cours de l’été 1940 et remonte à Paris où il rencontre par hasard Olier Mordrel. Ce dernier lui parle de son projet de création à Rennes d’un journal, L’Heure bretonne. Il s’imagine alors, selon un témoignage a posteriori, un journal indépendant à la fois de l’Allemagne comme de Vichy, et accepte de rejoindre le projet.
Il anime la rédaction du journal et s’attelle au travail de secrétaire de rédaction36. Il signe aussi des articles sous le pseudonyme de Morvan Lescop, au nombre de quatre, dont la publication s’étale du 8 au 29 septembre 1940, les derniers ayant été publiés selon lui après son départ du journal37. Le premier est publié le 8 septembre 1940 et parle de la mise en place de « L’État Français » par Vichy, où l’auteur s’est vraisemblablement rendu plus tôt. Il critique ce régime politique, en particulier Pierre Laval, non sans tomber dans un certain antisémitisme. Il annonce dans ce même article et plusieurs mois à l’avancen 3 le morcellement de la Bretagne en plusieurs régions, information qu’il dit avoir obtenue auprès d’un haut fonctionnaire39. Dans le numéro du 29 septembre 1941, l’évocation des victimes bretonnes lors de la bataille de Mers el-Kébir est le prétexte à une anglophobien 4 assez prononcée40. À la fin du mois de septembre, il a déjà quitté le journal sans que des raisons de son côté ou de celui d’autres acteurs de l’époque soient avancées37. Yann Fouéré parvient difficilement à le rencontrer plusieurs mois plus tard lorsqu’il cherche à créer son journal La Bretagne, Lebesque cherchant visiblement à couper les ponts avec le mouvement breton de l’époque41,n 5.
Revenu à Paris, il devient le secrétaire d’Alain Laubreaux, ce qui lui ouvre les portes du milieu littéraire et journalistique de la capitale, et en premier lieu au Petit Parisien où il collabore. Lebesque y publie par épisodes une biographie de l’ancien président du Transvaal Paul Kruger43 qui s’inscrit dans une politique de propagande anti-britannique favorisée par Vichy. Bien que comportant certains passages critiquables, l’ouvrage ne tombe pas dans les travers de l’antisémitisme de ce genre de publication44. C’est aussi dans ce journal qu’il fait la connaissance de Jules Rivet, ancien directeur du Canard enchaîné43.
C’est aussi grâce à Laubreaux qu’il entre à Je suis partout où il rencontre des auteurs prestigieux comme les futurs académiciens Henry de Montherlant ou Michel Mohrt. Il y rédige des critiques artistiques qui ont une grande influence à l’époque45, et bien qu’il se limite à des sujets non-politiques qui ne lui valent aucune poursuite à la Libération, ses écrits côtoient parfois dans la même page les textes les plus racistes que peut produire ce journal. Il y fait paraître par ailleurs une nouvelle, « Le vieux », le 21 février 1941, ainsi qu’une chronique intitulée « 150 ans de variétés » du 21 mars au 2 juin 1941. Il commence à s’écarter du journal à partir de 1943 lorsque la rédaction, après les premières défaites de l’Axe, opte pour un ton de plus en plus pro-allemand46. Il publie aussi en 1942 une biographie de Jacques Cartier destinée à la jeunesse, dans lesquelles se glissent quelques références à la Bretagne, sans trace de racisme ou d’anglophobie47.
Il cultive son réseau de relations, et via le futur administrateur de la Comédie-Française Jean Sarment rencontre Charles Dullin48. C’est lors d’un dîner chez ce dernier que Lebesque rencontre le 5 juin 1944 Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, ainsi qu’Albert Camus qui va avoir une grande influence sur lui.
Moi de mon côté j´apprécie le Canard Enchainé.Il y a de cela quelques temps le journal avait reconnu la face sombre par rapport aux juifs fut une époque.Mais quel journal n´a pas eu á cracher son venin sur les juifs et aujourd´hui de maniere plus hypocrite l´anti-sionisme,s´acharner sur Israel pour pas nommer directement le juif.Le canard est peut-être critique parfois envers Israel et pourquoi pas,mais pour dénoncer l´antisémitisme disons la haine des juifs ils font leur taf,jamais lu d´attaque gratuite contre Israel.Ils n´est peut-être pas parfait mais pour moi il reste honnête comme journal.