Meurtre de René Hadjadj : pourquoi la piste antisémite est envisagée

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Par Amaury Bucco
Après la chute du nonagénaire juif d’un immeuble lyonnais, son voisin musulman Rachid Kheniche est soupçonné d’avoir agi par antisémitisme. Plusieurs messages postés sur son compte Twitter laissent d’ailleurs envisager cette piste
Le 17 mai dernier, un homme de 89 ans, de confession juive, dénommé René Hadjadj, tombe du 17e étage de son immeuble de la banlieue lyonnaise. Les investigations réalisées par la police ont permis de mettre en cause un de ses voisins, un certain Rachid Kheniche, 51 ans, qui avait l’habitude de côtoyer René Hadjadj pour une collation de temps à autre. D’après les enquêteurs, une dispute aurait éclaté entre les deux hommes, à l’issue de laquelle Rachid Kheniche a poussé son voisin du balcon. Mais pour quel motif ?
La brutalité du geste, la religion de la victime, son âge avancé, mais aussi l’apparente folie du tueur : toutes ces circonstances rappellent le meurtre antisémite de Sarah Halimi, jetée de son balcon en avril 2017, par un voisin musulman. Dans un premier temps, le mobile antisémite n’a pas été retenu à l’encontre de Rachid Kheniche, qui a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire. Faute d’aveux parfait, il est difficile pour la police et la justice de savoir ce que le meurtrier avait dans la tête. A moins que le meurtrier ait laissé des indices autour de lui… Comme sur les réseaux sociaux par exemple. Rachid Kheniche y apparait comme obsédé par Israël et par les juifs. Sur Twitter, deux comptes apparaissent à son nom. Le premier, ouvert en novembre 2020, est actif jusqu’en décembre de la même année, soit un mois durant lesquels Rachid Khechiche a rédigé 52 tweets. Souvent peu cohérents, ces tweets collent par ailleurs avec la personnalité du meurtrier telle qu’elle est décrite par la police et par les voisins, à savoir un homme dérangé psychologiquement et maladivement complotiste. Le tout fortement nourri d’antisémitisme. Un grand nombre de ces tweets font référence au « sayan » ou « sayanim », nom donné aux juifs de la diaspora qui collaborent en cachette avec les services secrets israéliens, le Mossad, pour faire avancer la cause sioniste. Ces termes, à connotation négative, ont été popularisés par l’écrivain « antisioniste radical » Jacob Cohen, ancien proche d’Alain Soral et ancien membre de d’Egalité et Réconciliation, le mouvement d’Alain Soral. Dans une vidéo datée de 2014, Jacob Cohen expliquait par exemple qu’ « il y a des sayanim dans tous les médias » qui « bien évidemment ne se déclarent pas », mais qui « agissent de concert » pour « amener une politique » en faveur d’Israël. Outre les médias, ces « sayanim » seraient présents dans toutes les sphères de pouvoir, et serviraient la cause sioniste. Ces thèses semblent avoir séduit le meurtrier de René Hadjadj.

En novembre 2020, via son compte Twitter, Rachid Khechiche, qui se dit alors encarté chez LR, apostrophe plusieurs personnalités comme Eric Zemmour, Zoran Bitan, Florian Philippot ou encore Philippe Bilger, à propos du problème des « sayanim ». Quelques jours plus tard, il s’en prend à l’avocat, de confession juive, Gilles Willam-Goldnadel, en commentant plusieurs de ses tweets, en ces termes confus : « sayan, sayanime la fin est proche a dit l’écrivain Cohen, votre influence au sein de l’administration diminue, les faussaires, usurpateur identité, faux tampon, fausse CII, fausse convention CAF, régie immobilière complice ». Il recommence quelques jours après : « GOLDtoi sayanime, tu travailles pour qui traitre a la France, retourne dans ton pays ici et prend Bilger et Bitan avec toi, vous êtes démasqué sayagoldbitangerbe ». La chroniqueuse Zoran Bitan a elle aussi droit à d’étranges commentaires, aux relents antisémites (« Bitan ta bouche sayanime, tu travailles pour qui menteuse. Retourne dans ton pays ISR[aël] »), tout comme Marine Le Pen (« lepen tu ne réponds pas, ta mère est juive comme le dis le journal israélien, ils disent que tu es une sayanime, lepenisesayan »).

En mars 2022, soit deux mois avant la mort de René Hadjadj, Rachid Khechiche ouvre un second compte Twitter, beaucoup plus actif que le précédent puisqu’il totalise plus de 4000 tweets. Ce compte demeure actif jusqu’au 17 mai, jour où il précipitera son voisin par le balcon. L’obsession du meurtrier pour les « sayanim » semble avoir disparu. A la place, Khechiche se contente d’utiliser des émoticônes pour commenter divers tweets de médias : un cœur bleu ou une fleur rouge, lorsqu’il apprécie les propos et un cercle noir quand il ne les apprécie pas. Il commente des tweets de la chaine Cnews, et particulièrement de la journaliste Sonia Mabrouk, qu’il semble apprécier, tout comme Emmanuel Macron et son ministre Gérald Darmanin, ou certaines communications des armées. Khechiche semble peu apprécier Gilles-William Goldnadel à qui il colle un cercle noir à plusieurs reprises, mais envoie des signes positifs sur ce réseau social aux communications d’Israël. Le 17 mai, il « like » un tweet de l’Ambassade d’Israël en France à propos de sa mobilisation « pour la Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie ». Quelques jours plus tôt, le 4 mai, il avait d’ailleurs répondu à une devinette de l’ambassade d’Israël, sans aucune animosité apparente, puis écrit « Mazal tov » en marge d’un tweet de la même ambassade, rédigé pour célébrer le 74e anniversaire de l’indépendance d’Israël. Rien d’antisémite, donc. Au contraire. Pour le reste, ses tweets demeurent parfois incompréhensibles, tout comme celles de 2020.
Que peut-on en conclure ? Que Rachid Khechiche, avait effectivement entretenu des théories antisioniste et antisémite, très clairement exprimées au cours de l’année 2020. Que ces théories semblent avoir disparu de son champ de préoccupation deux ans plus tard, au moment où il commet le meurtre de son voisin. Avaient-elles pourtant totalement disparu de son esprit ? Que s’est-il passé, ce 17 mai, dans l’appartement de René Hadjadj, entre les deux hommes ? Tous deux avaient l’habitude de se voir et de parler d’actualité lorsqu’il se retrouvaient. Or, ce jour-là, la conversation aurait tourné au vinaigre. Quel était ce sujet ? Était-il lié à Israël ou aux juifs ? Et si oui, Rachid Khechiche a-t-il vu ressurgir dans son esprits les théories auxquelles il a follement cru ? Après la découverte de ces éléments, notamment par le média Tribune juive, le procureur de Lyon, Nicolas Jacquet, a annoncé ce vendredi que la piste antisémite était désormais étudiée « à la suite d’éléments recueillis sur les réseaux sociaux ». L’enquête devra maintenant déterminer si « la circonstance aggravante d’acte commis à raison de l’appartenance de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » est retenue.
Source
https://www.valeursactuelles.com/faits-divers/meurtre-de-rene-hadjadj-pourquoi-le-parquet-envisage-la-piste-antisemite

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