Les juifs de France et la gauche: Que reste-t-il de nos amours ?
Ci-après l’analyse de Richard C. ABITBOL de la Confédération des Juifs de FRance et Amis d’Israël
La désaffection des juifs d’aujourd’hui pour la gauche est un phénomène que la «sociologie spontanée” pratiquée au café du commerce ne manque pas de souligner, soit pour le déplorer, soit, au contraire pour s’en réjouir.
Que sont devenus les gros bataillons de juifs communistes lecteurs, jadis de la Naïe Presse en yiddish ? Que sont devenus les ” bundistes” de la rue René Boulanger et du cercle Gaston Crémieux ? Certes, l’U.E.J.F, le Cercle Bernard Lazare et l’Hachomer Hatzaïr existent toujours comme lieu de rassemblement de la gauche sioniste française, mais ce n’est pas leur faire injure que de constater leur considérable perte d’influence au sein de la communauté, et qu’ils ne constituent plus aujourd’hui qu’une sorte de relique d’un passé florissant.
Quand on a la curiosité de consulter les études de sociologie consacrées à ce sujet, on découvre que le comportement politique des juifs de France est largement déterminé par leur statut social. En gros, les nantis votaient à droite et les autres à gauche, en tous cas jusqu’à un passé récent. Dominique Schnapper et Hélène Strudel l’ont démontré de manière brillante dans un article remarquable sur le « vote juif » paru en 1983.
Petit retour historique: lorsque dans la première moitié du 20ème siècle, les juifs d’Europe orientale fuyant la misère et la persécution trouvent refuge en France, ils ne vont pas s’installer directement dans le XVIème arrondissement. Ce petit peuple d’ouvriers et d’artisans se retrouve mêlé au Paris populaire, celui qui vote “rouge” et vomit le bourgeois, et qui se concentre à Belleville ou à Menilmontant. Pourquoi aurait-il adopté un comportement électoral différent de celui de ses voisins de palier, d’autant plus que l’antisémitisme était alors massivement présent dans le “peuple de droite” ?
Quant aux “israélites français”, hormis une partie des intellectuels juifs dont Lucien Herr et Léon Blum sont les plus emblématiques exemples, ils se comportaient comme leurs équivalents de la bourgeoisie « goy », à la différence près qu’ils manifestaient un républicanisme intransigeant par fidélité à ceux à qui ils doivent leur émancipation.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Les enfants de prolétaires juifs polonais sont devenus professeurs, avocats, hommes d’affaires et la communauté juive de France a été profondément marquée par l’arrivée massive des juifs d’Afrique du Nord au début des années 60. Ces derniers n’adhéraient pas spontanément, loin de là, à une gauche rendue responsable, avec de Gaulle, du “bradage” de l’Algérie française. Mais, peu à peu, leur comportement électoral s’est normalisé et a rejoint celui de l’ensemble de la population, à la notable exception du vote Front national, même si quelques juifs s’y sont perdus, et que ce phénomène a tendance à s’accentuer depuis la passation de pouvoir du père à la fille.
La surreprésentation des juifs français dans les milieux intellectuels : université, presse, édition, arts, traditionnellement orientés majoritairement vers la gauche a induit une analyse perverse et a donné l’impression que les juifs français échappaient au déterminisme de classe pour régler leur comportement politique sur des valeurs, majoritairement de gauche. Cette illusion était amplifiée par leur « surreprésentation » au sein des institutions juives et notamment du C.R.I.F. ( peu « représentatif » de la réalité juive sur le terrain, celle du « peuple juif de France »!).
De plus, il y a une radicalisation gauchiste des juifs dits ”antisionistes” qui se retrouvent au P.C ou chez les Verts, voire à Europalestine ou l’UJFP, ceux que Shmuel Trigano nomme, à juste titre, les “alterjuifs”. Ils sont ultra minoritaires malgré le vacarme qu’ils produisent; leur écho médiatique est inversement proportionnel à leur réelle influence. En effet, ils sont les « chouchous » des médias qui veulent entendre dire par un juif tout ce qu’ils n’osent pas dire directement. Entre eux et la masse du peuple juif de France, viscéralement attachée à Israël, il n’y a rien!
Mais tout ceci n’invalide pas, globalement, les résultats obtenus par les différentes analyses sociologiques sur le terrain : le vote juif n’en est pas un, à l’exception de quelques temps forts.
Sauf que! En Israël, où ils sont près de 200 000 binationaux à faire la queue devant les consulats lors de chaque présidentielle, il y a une sensibilisation particulière à la politique étrangère de la France et que cela se traduit, très nettement, dans les urnes! En 1981, ils ont voté à 75% pour François Mitterrand contre Giscard d’Estaing. En 2007, ils furent plus de 80% à préférer Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal. On n’a pas besoin d’aller très loin pour chercher les motivations de ce vote, mais il pourrait être le révélateur d’un phénomène nouveau, contagieux à la métropole et reflet d’une inquiétude certaine.
La montée de l’antisémitisme depuis les années 2000, la distanciation du Parti Socialiste de ses amitiés communautaires et d’Israël, ont , en effet, changé la donne.
Depuis la seconde guerre mondiale, et notamment aux côtés de la S.F.I.O, la communauté juive de France a eu une communauté de parcours avec la gauche.
Des nombreux membres de cette communauté avaient des postes à responsabilité au sein du Parti Socialiste, du Parti Communiste et des Syndicats; mais, voilà, il y a dix ans, un théoricien du Parti Socialiste, Pascal Boniface, lance une polémique qui n’a cessé d’empoisonner les relations entre le Parti Socialiste et la communauté juive de France.
Le ver était dans le fruit!
Les dirigeants socialistes d’origine juive ont du faire preuve d’imagination afin de « démontrer » leur « non allégeance à Israël », se détachant de toute position qui aurait pu être ambigüe, jusque, parfois, à prendre des positions plus radicales que leurs « camarades » « goy ».
Le Parti Socialiste, à l’origine très pro-israélien, a pris ses distances pour arriver à des positions très proches d’une certaine radicalité anti-israélienne. Cela était d’autant plus facile que c’était un sentiment largement répandu dans la société française.
Mais ce qui est plus grave, beaucoup plus grave, c’est ce qui vient de ce passer cette semaine: la mise en application par le Parti Socialiste, représenté par Madame Aubry ( dont on connait les amitiés), de la directive Boniface: la politique des « quota » ethniques dans les investitures!
L’on pourra dire ce que l’on veut, la décision de « désinvestir » trois députés socialistes « d’origine juive », comme on se plait à le dire, au profit d’antisionistes notoires, n’est pas anodine. Sur quatre députés parisiens « d’origine juive », trois sont destitués! En Île de France, c’est cinq députés d’origine juive qui cèdent leur place à des « verts ». Vous connaissez la probabilité de gagner à l’euromillion où il suffit de trouver cinq numéro sur cinquante, alors imaginez-vous la probabilité que ce soit un simple « hasard » d’avoir « tiré » cinq investis juifs sur 577! Ce ne peut pas être le fruit du hasard!
Comme le disait si justement Richard Prasquier : « L’effet d’affichage des noms des évincés est désastreux… Les situations internes des uns et des autres sont différentes, comme le sont d’ailleurs leurs liens avec le judaïsme, la communauté juive organisée ou l’Etat d’Israël. Ce que je sais néanmoins, c’est que plusieurs de ces « évincés » sont garants, dans leur histoire assumée personnelle et familiale, d’une mémoire des persécutions et des luttes communes dont nous ne pouvons accepter qu’elle soit rangée au rayon des vieilles lunes à honorer du bout des lèvres… »
Si ce n’est pas de l’antisémitisme, cela lui ressemble fort, et tout au mieux ce serait de l’opportunisme cher à la doctrine Boniface; ce « bonifacisme » ressemble fort à une politique des « quotas » à laquelle l’Union Soviétique nous avait habitués. Et ce ne sont pas les dénégations des principaux intéressés, prisonniers du système, qui changeront la donne. Ce ressenti reflète une triste réalité.
Le Parti Socialiste laisse apparaître une volonté de rétablir, pour les juifs du parti, le triste et célèbre « numerus clausus » dans ses investitures, c’est donc à lui de nous démentir par des faits.
Ce faux pas de Martine Aubry ne peut dédouaner François Hollande et son équipe de leurs responsabilités, ils doivent condamner de tels procédés.
Les velléités d’explication ne nous ont pas satisfaits , et nous sommes obligés de reprendre à notre compte cette phase de Bertrand Delanoë: « Ils me prennent vraiment pour un con, ils se foutent de ma gueule».
Richard C. ABITBOL
Président
Ce constat a onze ans de retard. L antijuive virulent dont parle cet article n est pas seul dans son genre au PS. Dans le reste de la gauche c est la norme. Alors….