LE BEST SELLER ANTISEMITE DE 1942 » LES DECOMBRES » REEDITE INTEGRALEMENT

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Lucien Romain Rebatet (15 novembre 1903, Moras-en-Valloire, Drôme – 24 août 1972, id.) est un écrivain, journaliste et critique musical et cinématographique français. Ayant débuté à l’Action française, il rejoint ensuite Je suis partout qui se réclame du fascisme ; en 1942, sous l’Occupation, il publie Les Décombres, féroce pamphlet antisémite et collaborationniste. Condamné à mort à la Libération, puis gracié, il reste en prison jusqu’en 1952. Il abandonne alors la polémique, se consacrant à sa carrière d’écrivain en publiant son œuvre majeure, Les Deux Étendards, en 1951.

Mobilisé en janvier 1940, Lucien Rebatet est libéré le 15 juillet 1940 et rejoint Vichy où il travaille à la radio. De retour à Paris, après un passage au journal Le Cri du peuple de Jacques Doriot, il revient à Je suis partout. Il signe « Les Tribus du cinéma et du théâtre » et « Le Bolchévisme contre la civilisation ».
En 1942, il publie Les Décombres, où il désigne les Juifs, les politiques et les militaires comme responsables de la débâcle de 1940 — sans pour autant épargner les autorités de Vichy. Il y explique que la seule issue pour la France est de s’engager à fond dans la Collaboration avec l’Allemagne nazie. Ce pamphlet est tiré à quelque 65 000 exemplaires sous l’Occupation, et le livre est désigné comme « livre de l’année » par Radio Paris. Comme tous les collaborationnistes désireux que la France entrât en guerre aux côtés de l’Allemagne, il se déchaîne notamment contre Maurras qui répliqua en évoquant « un gros crachat de 664 pages produit d’un cacographe maniaque, nabot impulsif et malsain1,2. » Rebatet avait dédicacé à Marcel Déat un exemplaire de son ouvrage Gott strafe Maurras c’est-à-dire Dieu punisse Maurras3.
Son dernier article, publié le 28 juillet 1944, s’intitule « Fidélité au national-socialisme ». Rebatet fuit en l’Allemagne. On le retrouve à l’automne en compagnie de Louis-Ferdinand Céline, exilé comme tant d’autres collaborateurs à Sigmaringen (où d’anciens membres du gouvernement de Vichy créent un gouvernement en exil qui tiendra jusqu’en avril 1945).


lire ci-après l’article de L’EXPRESS

http://www.lexpress.fr/culture/livre/jacques-chardonne-paul-morand-lucien-rebatet-le-retour-des-pestiferes_1219838.html

Chardonne, Morand, Rebatet, le retour des pestiférés de 1945

Après la sulfureuse correspondance Chardonne-Morand, attendue depuis treize ans, ce sera au tour du best-seller de l’Occupation signé Lucien Rebatet. Pas simple d’éditer ou de rééditer ces réprouvés à la plume brillante mais trempée dans l’antisémitisme. Enquête.

A vrai dire, on avait fini par ne plus y croire. On ne verrait sans doute jamais ce monument littéraire. Voilà en effet treize ans que l’on aurait dû avoir en main la sulfureuse correspondance entre Chardonne et Morand. Les deux bannis de la Libération – le premier avait participé aux voyages des écrivains français dans le Reich, en 1941 et 1942, le second était ambassadeur de Vichy à Bucarest – avaient déposé leurs quelque 3 000 (!) lettres échangées entre 1949 et 1968 dans le secret d’une bibliothèque suisse, avec consigne de les publier en l’an 2000, soit bien après leur mort (Chardonne disparaît en 1968, Morand, en 1976). Mais, depuis, rien. Gallimard, éditeur désigné pour cette tâche, aurait-il été effrayé par les horreurs antisémites et homophobes lancées par les deux « tontons flingueurs » ? Les féroces indiscrétions au sujet de nombre de notables des lettres parisiennes, dont certains sont toujours vivants, seraient-elles trop embarrassantes ? Selon nos informations, initialement prévu pour avril, le premier volume de la mythique correspondance Chardonne-Morand – il y en aura trois en tout – sortira à l’automne 2013 sous la célèbre couverture blanche. Il couvrira la période 1949-1960, soit 1 022 lettres, parmi lesquelles 800 ont été retenues, pour éviter les redites.

Enfin!
Antoine Gallimard honore là une promesse faite par son père, Claude, à Paul Morand, en 1964, en marge d’une renégociation générale de son contrat. Les obstacles n’ont pas manqué. Il y a une quinzaine d’années, un collaborateur de la maison, Philippe Delpuech, est envoyé à Lausanne pour recopier à la main (!) les quelque 5 000 pages contenues dans sept cartons – larges feuilles à petits carreaux pour Chardonne, bristols et lettres à en-tête de palaces pour Morand (on ne se refait pas…). Mais Delpuech meurt brutalement en 2005, sans avoir pu terminer son travail de titan ! Le dossier atterrit alors entre les mains de Roger Grenier, un historique de Gallimard. Lequel ne se montre guère enthousiaste, estimant que ces lettres ne font rien pour la gloire des deux réprouvés. Et c’est finalement Bertrand Lacarelle, un jeune éditeur de la maison, par ailleurs biographe du surréaliste Jacques Vaché, qui hérite de l’encombrant colis, voilà dix-huit mois.

Dilemme : faut-il publier l’intégralité ou « caviarder » les passages les plus sensibles, ceux, par exemple, où Morand dénonce « l’enjuivement de l’Académie Goncourt » et Chardonne les « métèques » croisés dans les rues de Nanterre ? Sans parler de tel critique littéraire traité de « PD » – comprendre homosexuel… Et que faire de cette phrase de Morand, en date du 7 mai 1960 : « Là où Juifs et PD s’installent, c’est un signe certain de décomposition avancée: asticots dans la viande qui pue » ? Antoine Gallimard a longtemps hésité. Consulté, Me Laurent Merlet, l’avocat de la maison, constelle le manuscrit de Post-it alarmistes – atteintes à l’intimité de la vie privée, antisémitisme, homophobie…
Antoine Gallimard tranche: on publiera le tout!
« J’ai plaidé pour que l’on publie la quasi-totalité des lettres, raconte Bertrand Lacarelle. Il s’agit d’un monument littéraire écrit par deux hommes nés à la fin du XIXe siècle et couvrant les trois quarts du XXe. Deux styles brillants s’affrontent: Morand revient sur Proust, l’esprit 1900, sa carrière diplomatique et ses voyages, Chardonne suit de près les Nimier, Frank, Déon. Ils lisent tout ce qui paraît, distribuent les bons et les mauvais points, évoquent leurs lectures de Chateaubriand ou des Goncourt, scrutent le Bloc-notes de leur meilleur ennemi Mauriac dans L’Express. Bien sûr, si l’on rit souvent, certains passages sont plus raides. » Antoine Gallimard se laisse convaincre : on publiera le tout ! Avec une préface de Michel Déon, un bref avertissement et des notes.
Si l’on en croit la petite poignée d’initiés (1) qui a pu lire ces lettres, cette première salve automnale devrait faire du bruit. Assurés que leur correspondance ne sortirait qu’après leur mort, le dandy de Vevey (Suisse) et l’ermite de La Frette (en banlieue parisienne) ne se contentent pas de parler jardinage. Si Morand, introducteur du « style jazz » dans la littérature française, chante les louanges d’A bout de souffle, il se montre plus réservé à l’égard de Françoise Sagan, accusée de « tourner la sauce, plus mince à chaque fois, de ses romans ». Malraux ? Du « charabia ». Le Nouveau Roman ? « Du ciment ». Et l’on sourira en découvrant que Chardonne n’a guère d’estime pour François Mitterrand, dont il était pourtant l’idole littéraire : « Un pauvre diable… »

En « retardant » de treize ans la publication de ce brûlot, Antoine Gallimard s’est épargné quelques nuits difficiles. C’est qu’entre l’an 2000 et aujourd’hui nombre de dinosaures des lettres parisiennes, égratignés dans ces pages, sont morts. Voici, par exemple, ce qu’écrit Morand à Chardonne le 28 août 1962 : « Nourissier, très putain, déclare que nous, les vieux, faisons des avances aux jeunes ; il omet de dire qu’étant recruteur d’auteurs, soit pour des maisons d’extrême droite (Carbuccia), soit pour Grasset, il nous recherchait et nous caressait. » En 2000, ce même Nourissier est le tout-puissant président du jury Goncourt ; en 2013, il n’est plus de ce monde depuis deux ans. Ce n’est pas tout à fait la même chose…
Plus gênant encore, certains pontes de Gallimard ont droit eux aussi à un coup de griffe. Or, la maison n’aime guère évoquer les fantômes des années noires en public… Témoin, la mésaventure vécue par Pierre Assouline, en 1997. Le biographe de Simenon devait publier chez Gallimard un récit consacré à Lucien Combelle, ancien secrétaire de Gide passé à la presse collaborationniste et condamné à quinze ans de travaux forcés à la Libération. Seul problème, une phrase de l’ouvrage rappelait que l’écrivain Claude Roy publiait dans L’Action française en avril 1943. Or, en 1997, Claude Roy faisait partie du comité de lecture de Gallimard… Pierre Assouline fut donc aimablement prié de donner son Fleuve Combelle à paraître ailleurs – en l’occurrence, ce fut Calmann-Lévy… « Je suis tout à fait favorable à la publication de la correspondance Chardonne-Morand, commente justement Assouline. Il me semble que le vrai tournant date de la sortie de Journal 1939-1945, de Pierre Drieu La Rochelle, en 1992. Nous sommes suffisamment mûrs aujourd’hui pour les lire ou les relire, quitte à se montrer extrêmement critiques. »

Les « voeux » de l’auteur du Fleuve Combelle devraient être exaucés : selon nos informations, la prestigieuse collection Bouquins (Robert Laffont) vient de mettre en chantier la réédition des Décombres, le terrible best-seller de l’Occupation signé Lucien Rebatet, complété pour l’occasion par une suite de 300 pages largement inédites, écrites à la Libération par l’auteur dans sa cellule de Clairvaux. Les Décombres? Un formidable document pour comprendre ce qui se passait dans la tête d’un fasciste « chimiquement pur », avec des pages enflammées sur le 6 février 1934, mais aussi une charge contre la « juiverie de Blum », une dénonciation obsessionnelle des « youtres » et des « maçons », une admiration sans bornes pour le « Führer »…
« Il faut prendre le taureau par les cornes et le republier dans son intégralité, quitte à montrer l’extrémisme et la médiocrité de Rebatet. Si l’on caviarde des passages, on se livre à une forme de révisionnisme », proclame Nicolas d’Estienne d’Orves, ayant droit du romancier. Le pamphlet n’a été réédité qu’une seule fois depuis la guerre, en 1976, par Pauvert, sous le titre Mémoires d’un fasciste, dans une version édulcorée, qui ne comprenait pas le glaçant chapitre intitulé « Le Ghetto ». Depuis, les éditions de la Reconquête, domiciliées à Asuncion, au Paraguay (!), diffusent par correspondance une version pirate des Décombres dans les milieux d’extrême droite. C’est que Rebatet sent toujours le soufre. Jacques Chancel se souvient encore aujourd’hui des menaces qu’il avait reçues lorsqu’il avait invité l’auteur des Deux Etendards à son émission Radioscopie, en 1969…

Il y a quelques mois, Nicolas d’Estienne d’Orves évoque le sujet avec Jean-Luc Barré, directeur de la collection Bouquins. A une exception près, le comité de lecture de la collection – Josyane Savigneau, Pascal Ory, Cécile Guilbert, Pierre-Guillaume de Roux… – ne voit pas d’objections à une réédition. Mais en l’entourant d’un certain nombre de précautions.
« Les Décombres constituent un document littéraire et historique passionnant, explique Jean-Luc Barré. Nous allons proposer une réédition soigneusement annotée par un historien, qui replacera les choses dans leur époque et pointera les mensonges ou les inexactitudes. Une préface précisera d’ailleurs clairement l’esprit de cette réédition. »


L’historienne Bénédicte Vergez-Chaignon, auteur d’une biographie du Dr Ménétrel (éminence grise du maréchal Pétain), a été choisie pour rédiger l’appareil critique. Le préfacier n’est pas encore connu. Sollicité, Pierre Assouline a préféré décliner la proposition : il aurait été trop sévère à l’égard de Rebatet, qui, il est vrai, n’a jamais renié ses convictions d’un iota. Drieu La Rochelle hier, bientôt Chardonne et Morand, Rebatet et ses Décombres sans doute en 2015 : l’atmosphère serait-elle en train de changer ? Peut-être. La page sera sans doute définitivement tournée le jour où l’on republiera les trois pamphlets antisémites de Louis-Ferdinand Céline. On sait que l’écrivain, et aujourd’hui sa veuve, Lucette, âgée de 100 ans, se sont toujours opposés à toute réédition de Bagatelles pour un massacre, de L’Ecole des cadavres et des Beaux Draps, qui ne tomberont dans le domaine public qu’en 2031. Mais, par une étrange bizarrerie du droit, rien n’interdit de les rééditer au Canada. Les éditions 8, sises au Québec, ont sorti voilà quelques mois un volume énorme comprenant les trois pamphlets, minutieusement annotés par le grand spécialiste Régis Tettamanzi, qui éclaire et bat en brèche nombre d’élucubrations de l’auteur de Mort à crédit. Un modèle du genre.

Seul bémol : ce pavé, convoité par des hordes de céliniens et vendu l’équivalent de 45 euros au Québec, n’a été tiré qu’à 400 exemplaires. Et sa diffusion est strictement prohibée sur le territoire français. On en a récemment vu passer un à 225 dollars sur eBay. Un petit malin s’est engouffré dans la brèche : il a glissé une vingtaine d’exemplaires dans une valise et s’est offert un aller-retour pour Paris, y proposant le volume sous le manteau au prix de 95 euros. Il a été dévalisé. Une sorte de retour du marché noir…
(1) En particulier François Dufay, qui en a abondamment nourri son ouvrage Le Soufre et le moisi. La droite littéraire après 1945 (Perrin).

happywheels

6 Commentaires

  1. Delphine 27340 dit :

    C’est une honte de rééditer cette chose. Comment lutter contre l’antisémitisme lorsque de tels torchons sont proposés dans des lieux de vente. Il faudrait brûler tous ces immondes écrits, tous.

  2. Catholique-de-France dit :

    @ Delphine 27340 ,

    Bonjour,

    Je ne suis pas d’accord : les livres , quels qu’ils soient , on les lit pour comprendre.

    Je crois que c’est le Maréchal Lyautey qui avait préfacé la traduction de « Mein Kampf » en encourageant les Français à le lire.

    Pour que les Français sachent ce qu’ils devraient affronter.

    Les Français ont préféré faire l’autruche et la fête dans les usines en grève de 1936.

    Nous savons tous ce qui en a résulté …

    PS : Je viens de lire sur WK l’histoire de la traduction française de « Mein Kampf ». C’est très inattendu , c’est le fruit d’un travail en commun d’une maison d’édition d’extrême-droite anti-hitlérienne (Maurras) et de la LICA !

    En plus le parallèle entre « Mein Kampf » et le Coran revient sans cesse sous la plume des anti-hitlériens de l’époque !

    Article à lire en entier à mon avis :

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Mein_Kampf

  3. Pierre un Gaulois dit :

    Une belle occasion de remettre au gout du jour le mot « enfer » …. en parlant d’une bibliothèque.
    Je n’aime pas les autodafés de livres.
    D’autre part, ce genre de bouquin est assez pénible à lire et sa rareté limite son influence.
    Ce genre de livre(s) n ‘est pas néfaste, à la condition sine qua non de rester dans l’enfer de la bibliothèque d’un historien ou d’un érudit.
    Je répète, condition sine qua non…
    Par contre, je ne sais que penser de l’opportunité d’une réédition, même commentée.
    Je n’en vois pas l’utilité.

  4. Marc dit :

    Étonnamment je crois que la question n’est pas là …
    Contrairement à ce que vous dites, ce livre est toujours publié. Dans une petite maison d’édition (d’extrême droite) certes, mais il l’est toujours. A la différence des éditions laffont, il est vendu sans aucune préface ni textes annexes qui permettent de le « comprendre ».
    Ensuite, je ne suis pas sûr que vous ayez écouté l’émission de Jacques Chancel. Je réprouve tous les propos de rebatet (soyons bien clair – et je ne mets pas de majuscule à son nom pour montrer mon mépris), mais il revient en arrière que de nombreuses choses dans cette émission et notamment sur son antisémitisme puisqu’il dit même soutenir Israël dans ses guerres de l’époque ….
    Cela n’enlève en rien les propos de rebatet mais vérifiez un peu vos sources …

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