L’antisémitisme de Wagner au scalpel
Le titre circonscrit plus un champ d’études qu’il n’annonce une information, voire un scoop. Wagner n’a en effet jamais tenues secrètes ses opinions. Il les a même résumées dans des textes sans ambiguïtés : « La Judéité dans la musique » en 1850 et « Qu’est-ce qui est allemand ? » en 1865. Présentés dans une nouvelle traduction en fin d’ouvrage, ces écrits font découvrir le « dégoût » du compositeur pour « l’expression purement physique de la langue juive » qui interdit alors la moindre aptitude au chant, notamment religieux. « Qui n’a jamais été saisi par l’impression la plus répugnante, mêlée d’horreur et de ridicule, en entendant ces gargouillements, ces geignements et babillage ? » demande Wagner en évoquant la synagogue. Le cas semblait donc définitivement réglé. Mais si personne ne conteste l’antisémitisme de Wagner, Jean-Jacques Nattiez, brillant universitaire et fin connaisseur du compositeur, propose une mise en perspective psychologique, historique et sociale qui permet de dépasser le simple jugement moral, fût-il indispensable.
UN MUSICIEN GÉNIAL, MAIS UN SALE TYPE
Peut-on dissocier l’homme, sale type, du créateur, musicien génial ? Comment placer Wagner dans son époque, que l’on sait favorable aux idées antisémites ? Quelle influence sa pensée a-t-elle exercé sur l’histoire de l’Allemagne ? Comment peut-on écouter aujourd’hui la musique de Wagner ? Certains le ne peuvent d’ailleurs pas, puisque sa musique est interdite en Israël, malgré les tentatives des chefs Daniel Barenboim et Zubin Mehta.
Après le rappel d’une sinistre évidence, Jean-Jacques Nattiez envisage toutes les directions pour comprendre pourquoi mais aussi comment. Pourquoi ? Parce que Wagner a eu toute sa vie des doutes sur la véritable identité de son père. Parce qu’il a souffert de ne pas être reconnu tout de suite et qu’on lui préférait le Juif Meyerbeer. Le comment est plus intéressant encore car Jean-Jacques Nattiez explique de quelle façon Wagner caricature les Juifs dans ses opéras (Le Ring, Les Maîtres chanteurs de Nuremberg, Parsifal), par le théâtre mais aussi par la musique, en faisant allusion à ce « détestable » chant des synagogues. Un tel travail, sans concession et richement documenté, ne pouvait éviter l’appropriation de Wagner, paroles et musique, par les nazis ni la fascination qu’exerça le compositeur sur Hitler : « Qui veut comprendre l’Allemagne national-socialiste doit connaître Wagner », aurait-il déclaré. Wagner est-il alors une des causes de la Shoah ? Jean-Jacques Nattiez répond sans ambages : « Wagner n’a exercé aucune influence directe quant à la succession des événements qui ont conduit Hitler au pouvoir et ce n’est pas lui qui a donné l’ordre de conduire 6 millions de Juifs à la mort. » Un ouvrage essentiel qui interroge et apporte des réponses toujours argumentées
« Wagner antisémite », par Jean-Jacques Nattiez, Bourgois, 708 pages, 28 euros.
source :
happywheels
C’est bizzare je n’ai jamais aimé Wagner , c’est une musique trop brutale !
Lui comme beaucoup d’autres a cette epoque, aussi bien en France qu’en allemagne, le nationalisme et le pangermanisme était en vogue a cette epoque, qui donnera naissance plus tard au nazisme.
En 1938 (ou un peu avant) les ambassadeurs allemands télégraphiaient
à leur gouvernement Nazi: « même les antisémites sont contre nous »..
Donc, si Wagner avait été vivant en 1938, il n’est pas certain qu’il aurait cautionné le régime Nazi.
il faut se rappeler que les places laissées par les juifs étaient automatiquement disponibles pour les non juifs , donc pas difficile d’aller dans le sens de la pensée du moment , c’était tout bénéf
Au tournant du 20° siècle, on assiste à une rupture générationnelle marquée par la naissance de mouvements de jeunesse d’orientation romantique, souvent teintée de nationalisme, dont le plus important est sans doute celui des Wandervögel. Or il est significatif que, aussi bien en Allemagne qu’en Autriche, déjà avant le début de la Première Guerre mondiale, ces mouvements s’acheminent vers l’antisémitisme et décident d’exclure les Juifs. Ces derniers doivent adhérer à des associations moins importantes dans lesquelles leur présence est d’ailleurs considérable, comme par exemple la Freie Schulgemeinde de Gustav Wyneken, où l’on trouve le jeune Walter Benjamin signant ses articles sous le pseudonyme d’Ardor, ou alors sont amenés à créer leurs propres mouvements de jeunesse, comme l’association sioniste Blau-Weiss. Cet exemple montre que, confrontés aux tournants sociaux et politiques de la société allemande dans son ensemble, les Juifs sont obligés, dans la plupart des cas, de suivre un chemin à part.
Qu’ils en soient conscients ou pas, les intellectuels juifs vivent et agissent presque toujours au sein d’un milieu juif, fait de journaux — de la Frankfurter Zeitung à la Neue Freie Presse, du Berliner Tageblatt au Prager Tageblatt — et de maisons d’édition — de Mosse à Ullstein, de S. Fischer à Kurt Wolff — qui, en raison de leur diffusion et de leur rôle prééminent, apparaissent aux yeux de l’opinion publique conservatrice comme une gigantesque entreprise de « judaïsation » de la culture allemande (le mythe de la Verjudung). Au moins sur un point la droite nationaliste a raison : sans Juifs, la « culture de Weimar » serait inconcevable. Il ne s’agit pas, évidemment, de réduire toute la culture allemande des années 20 à sa seule composante juive, mais il est indéniable que celle-ci en constituait une partie essentielle. Religieux ou athées, sionistes ou internationalistes d’orientation marxiste, les intellectuels juifs appartiennent à ce milieu culturel, rayonnant sur l’ensemble de la Mitteleuropa mais ancré à un ghetto social aux frontières invisibles. Ce milieu culturel constitue l’héritage légué par chaque génération intellectuelle juive à la suivante, même si leurs représentants n’en étaient pas toujours conscients.
* Voir : W. Laqueur, Weimar. A Cultural History, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1974, p. 73.
Pour Aly et Heim, [lorsqu’on parle d’Auschwitz on évoque aujourd’hui la « haine raciale irrationnelle », la « destruction pour la destruction », les « automatismes » de la bureaucratie allemande, le « retour à la barbarie » et la « rupture avec la civilisation ». Ce faisant, le plus souvent, on néglige ou on relativise simplement le fait que les maîtres à penser de la « solution finale » concevaient leur politique d’extermination à l’égard d’autres groupes de population, en particulier les Polonais et les Soviétiques, dans le même mouvement que l’anéantissement du judaïsme européen, comme partie intégrante d’un concept global de « politique démographique négative »]
* Voir : Götz Aly et Susanne Heim, Vordenker der Vernichtung. Auschwitz und die deutschen Plane fur eine neue europäische Ordnung, édition originale Hoffmann und Campe Verlag, Hambourg, 1991, réédité chez Fischer Taschenbuch Verlag, Francfort-sur-le-Main, 1993 et 1997.
* Voir : Franz Neumann, Behemoth. Struktur und Praxis des Nationalsozialismus 1933-1944. La première édition, chez Oxford University Press (New York), date de 1942. Une traduction en français – Béhémoth. Structure et pratique du national-socialisme 1933-1944 – a été publiée chez Payot, Paris, 1987.
Wagner est un salaud mais la Shoah est un événement invisible qui non seulement a connu sa préfiguration, mais se poursuit encore et se poursuivra jusqu’à la fin des temps. Wagner ne fut pas le seul musicien antisémite de son temps, mais l’appropriation de son « oeuvre » par les nazis en fait un cas spécifique. « La Judéité dans la musique » en 1850 fut publiée sous un pseudonyme. Dans cet ouvrage, Wagner condamne son professeur sans le nommer …
Conséquemment, il est à noter que les oeuvres de Meyerbeer ont été de moins en moins représentées à l’Opéra de Paris en 1890, par exemple. Au cours des dernières décennies, un nombre croissant de gens se sont intéressés à l’oeuvre de Meyerbeer, et ses opéras sont joués plus fréquemment. Par exemple, le Royal Opera House de Londres produira son « Robert le Diable » en 2013 pour la première fois en 120 ans.
À méditer …