La revanche des services secrets israéliens

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Les services israéliens avaient gravement failli lorsque le Hamas était parvenu à envoyer des milliers de tueurs le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël. L’heure de la vengeance est arrivée.
Par Luc de Barochez, Guillaume Perrier
n faisant assassiner le chef de la branche politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, au cœur de Téhéran, le 31 juillet, les services secrets de l’État hébreu ont rappelé leur détermination à éliminer les chefs du mouvement terroriste palestinien impliqués dans les attentats du 7 octobre 2023. Haniyeh se trouvait tout en haut de la liste des cibles à abattre.
Ni son rang ni les protections dont il jouissait de la part des régimes iranien, turc et qatari n’ont suffi à le mettre à l’abri du « bras long du Mossad ». Cette spectaculaire opération rappelle la longue tradition d’assassinats ciblés organisés par Israël loin de ses frontières. Plus frappant encore, l’action qui a conduit à la mort de Haniyeh, ainsi qu’à celle de l’un de ses gardes du corps, s’est déroulée le soir même de l’investiture du président iranien, Massoud Pezeshkian, cérémonie à laquelle participaient des représentants de 70 pays étrangers et une délégation du Hamas.
Avantage psychologique pour Israël
Une sévère humiliation pour Téhéran, dont le territoire est manifestement devenu un terrain de jeu privilégié des agents israéliens. Dans la guerre clandestine qui les oppose à l’Iran et à ses alliés à travers la région, Israël garde l’avantage psychologique. La stratégie avait été énoncée par Ronen Bar, le chef du Shin Bet, le service de renseignement intérieur israélien, en décembre dernier. « Le gouvernement nous a fixé un objectif. Il s’agit d’éliminer [les chefs du] Hamas, et nous sommes déterminés à le faire. C’est notre Munich. Partout, à Gaza, en Judée et Samarie [le nom historique donné à la Cisjordanie occupée, NDLR], au Liban, en Turquie, au Qatar, partout ! Cela va prendre plusieurs années, mais nous le ferons », avait-il alors déclaré.

« Munich » faisait référence, dans sa bouche, à la traque lancée par les agents israéliens contre les responsables présumés de la dramatique prise d’otages de 1972, pendant les Jeux olympiques organisés cette année-là dans la capitale bavaroise. Onze athlètes israéliens furent assassinés par un commando palestinien baptisé « Septembre noir ». En riposte, le Mossad élimina, un par un, une dizaine d’organisateurs et commanditaires présumés de l’attaque terroriste, entre 1972 et 1992. L’opération fut couronnée de succès.
Mais elle fut aussi l’occasion d’une grave bavure, l’assassinat par erreur, en 1973 à Lillehammer en Norvège, d’un serveur d’origine marocaine confondu avec un dirigeant palestinien. L’analogie avec Munich est également invoquée par le général Nitzan Nouriel, ancien chef du contre-terrorisme au sein du Conseil national de sécurité israélien. « Comme après Munich, chaque personne qui a pris part au 7 octobre va mourir, c’est le message que nous envoyons », affirme-t-il. Les services israéliens entretiennent le flou, à dessein, sur le modus operandi qui leur a permis de supprimer le chef du Hamas à Téhéran. « Personne ne veut dévoiler ses options, nous envoyons délibérément de fausses pistes, cela fait partie de la guerre psychologique. S’ils veulent transpirer, laissons-les transpirer », note l’ancien responsable du contre-espionnage.
La crainte d’un embrasement de la région
Mais, selon le New York Times, qui cite cinq responsables politiques moyen-orientaux, Haniyeh aurait été tué sur le coup de 2 heures du matin, dans la nuit du 30 au 31 juillet, par l’explosion d’une bombe placée dans sa chambre plusieurs semaines auparavant et activée à distance. « L’explosion a secoué le bâtiment, brisé certaines fenêtres et provoqué l’effondrement partiel d’un mur extérieur, selon deux responsables iraniens, membres des Gardiens de la révolution, informés de l’incident », souligne le journal américain. Le leader du Hamas avait déjà séjourné dans la même maison d’hôtes lors de ses récentes visites à Téhéran.
Le corps des Gardiens de la révolution a rejeté ce scénario, via son agence de presse, et a déclaré que les enquêtes avaient révélé que l’« opération terroriste » impliquait plutôt un projectile à courte portée, doté d’une charge explosive de 7 kg, tiré depuis l’extérieur du lieu de séjour de Haniyeh. L’hypothèse d’une riposte massive de la part de l’Iran et de ses proxys fait craindre un nouvel embrasement dans toute la région. De nombreux pays, dont la France, ont appelé leurs ressortissants à quitter sans délai l’Iran mais aussi le Liban, tandis que Washington a renforcé sa flotte, déjà puissante, en Méditerranée orientale.
Mardi 30 juillet, l’armée israélienne a confirmé avoir également éliminé « le plus haut responsable militaire » du Hezbollah, Fouad Chokr, à Beyrouth. « Israël ne sait pas quelles lignes rouges il a franchies », a lancé jeudi le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors des funérailles de Fouad Chokr, en menaçant Israël d’une « riposte inéluctable ». Et, le même jour, Israël a confirmé avoir tué Mohammed Deïf, commandant des brigades Izz al-Din al-Qassam, le bras armé du Hamas, qui fut la cible d’une frappe aérienne le 13 juillet à Gaza. Jusqu’à présent, l’Iran était le grand gagnant stratégique du massacre du 7 octobre. L’agression du Hamas a détruit le mythe de l’invincibilité d’Israël ; la guerre à Gaza qui a suivi a mis dans l’embarras les États-Unis et les autres soutiens de l’État hébreu ; elle a placé ce dernier dans la position de l’agresseur aux yeux d’une large partie de l’opinion mondiale ; Téhéran s’est vu conforté comme le chef de file du front anti-israélien au Proche-Orient.
Le Mossad en capacité d’opérer au cœur de l’Iran
À l’inverse, l’assassinat ciblé d’Ismaïl Haniyeh contribue à restaurer la puissance de dissuasion d’Israël. Elle expose la faiblesse des services iraniens, incapables de protéger un hôte de marque à Téhéran. Elle montre à quel point les services israéliens ont infiltré l’appareil de sécurité des mollahs. La qualité des informations israéliennes était déjà évidente le 1er avril dernier, lorsqu’une frappe israélienne a détruit le bâtiment du consulat iranien à Damas au moment où il abritait une importante réunion de militaires iraniens de haut rang et de dirigeants du Hezbollah. Trois généraux du corps des Gardiens de la révolution figuraient parmi les victimes, ce qui déclencha une vaste opération de représailles iraniennes le 13 avril. Plusieurs dizaines de drones et de missiles visèrent Israël, la plupart furent abattus en vol par la défense antiaérienne israélienne avec l’aide des États-Unis et de plusieurs alliés.

Depuis des années, les services israéliens ont multiplié les opérations contre l’Iran, le grand ennemi stratégique de l’État hébreu. En 2023, le Mossad s’est félicité d’avoir capturé en Iran un agent iranien que les Gardiens de la révolution avaient chargé d’assassiner des Israéliens à Chypre. Un an plus tôt, en 2022, les services secrets israéliens avaient publié l’enregistrement sonore d’un agent iranien, Mansour Rasouli, qui disait avoir été mandaté pour tuer un diplomate israélien en Turquie, un officier américain en Allemagne et un journaliste en France. Selon la presse israélienne, Rasouli a été appréhendé et interrogé à l’intérieur de l’Iran par des agents du Mossad, et c’est là qu’il se serait mis à table. S’agissait-il alors d’une réelle infiltration des services iraniens par les Israéliens, ou d’une simple opération d’intoxication montée dans un bureau de Tel-Aviv ? Difficile à dire.
Mais on sait le Mossad capable d’opérer au cœur de l’Iran. Les exemples abondent. En janvier 2018, ses agents ont pénétré dans un immeuble dépendant du programme nucléaire secret de l’Iran. Ils ont mis la main sur 183 CD et des dizaines de milliers de pages d’archives détaillant les efforts de la République islamique pour se doter de la bombe atomique. Quatre ans plus tard, le dimanche 22 mai 2022, deux agents à moto tuèrent de cinq balles le colonel Sayad Khodayari, un haut dignitaire des Gardiens de la révolution, devant son domicile à Téhéran. Selon le New York Times, Israël a revendiqué l’opération auprès des services américains, accusant Khodayari d’être un dirigeant de la très secrète Unité 840, chargée par le corps des Gardiens de la révolution des opérations d’enlèvement et d’assassinats à l’étranger.
Mais, avant l’assassinat de Haniyeh, la « liquidation ciblée » la plus spectaculaire menée par Israël en Iran remonte au vendredi 27 novembre 2020. Ce jour-là, alors qu’il conduisait sa voiture personnelle pour se rendre au domicile de sa belle-famille, dans un village champêtre à l’est de Téhéran, Mohsen Fakhrizadeh a été visé par une mitrailleuse de calibre 7,62 mm dissimulée sur un bas-côté de la route – mais actionnée à près de 2 000 kilomètres de là, en Israël. Scientifique de haut niveau, âgé de 59 ans, Fakhrizadeh était le père du programme nucléaire iranien. Israël voulait le tuer depuis quatorze ans.
• Source
• Le Point

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3 Commentaires

  1. joseparis dit :

    Ils veulent notre peau, mais ils ne l’auront pas. La médiocrité, l’inéducation, l’antisémitisme, la violence, et le culte de la mort ne peuvent pas vaincre le culot, le savoir, le talent, et l’amour de la vie.

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