JUSTE : Vingt ans après, le pasteur résistant sort de l’ombre
Il y a tout juste 20 ans, s’éteignait un certain Marc Jospin, pasteur à Vitré. “ Un homme d’exception ” sorti de l’oubli grâce aux recherches d’un enfant du pays.
P asteur, 1900-1995. A Bois-Pineau, hameau de la commune de Souvigné, voilà tout ce qu’indique la pierre tombale située dans le petit cimetière où repose un certain Marc Jospin. « Une inscription minimaliste, loin de refléter la vie intense vécue par un homme d’exception et une forte personnalité, qui a consacré sa vie entière aux autres », commente Pierre Magnan.
Vingt ans jour pour jour après sa mort, ce Chauraisien natif de Vitré a souhaité sortir de l’ombre celui qu’il décrit comme « un personnage important du XXe siècle ». Son destin a pourtant commencé humblement, à Vitré, petite commune protestante du canton de Celles-sur-Belle, où le jeune Marc Jospin n’a pas encore atteint la trentaine lorsqu’il est nommé pasteur en 1927. Il y officie pendant dix ans, avant d’être appelé à la tête de l’église wallonne de Haarlem, aux Pays-Bas. L’influence française y est restée vivace, deux siècles et demi après la révocation de l’Edit de Nantes qui a vu nombre de Poitevins s’exiler dans les pays du nord de l’Europe.
1939 : l’invasion de la Pologne par Hitler déclenche la Seconde Guerre mondiale. Le capitaine de réserve Marc Jospin est mobilisé en France, et prend part à « la drôle de guerre ». « Après la sévère et humiliante défaite de 1940, il est démobilisé en zone libre, relate Pierre Magnan. Mais il décide de rejoindre sa famille en zone occupée. Et c’est déguisé en paysan qu’il retrouve sa paroisse de Vitré. » En Deux-Sèvres, Marc Jospin va vivre les cinq années sombres de l’occupation, « multipliant les activités et se dévouant corps et âme ».« Il sauve ainsi 48 enfants juifs qu’il a recueillis au presbytère, avant de les confier à des familles protestantes sûres de la région ». Il aide également les réfractaires au service du travail obligatoire (STO).
« Capitaine Montredon »
Engagé dans les prêches qu’il prononce au temple de Vitré, il l’est tout autant dans ses écrits : « De 1940 à 1942, il est rédacteur en chef du journal de Lezay « La Fraternité » (qui deviendra « La Concorde » après la libération). Il y signe de nombreux articles où, sous couvert de religion, il s’en prend aux gouvernants de Vichy. »
Marc Jospin va également tenir un rôle important dans la Résistance, sous le pseudonyme de « capitaine Montredon ». Membre du comité départemental de la Libération dès 1943, il en devient vice-président l’année suivante.
« Ce jour-là, d’aucuns le voient déjà député »
« Après la victoire et le départ des Allemands, Marc Jospin prononce de vibrants discours, comme celui de Celles. Orateur extraordinaire aux envolées spectaculaires, il s’en prend alors au pouvoir de l’argent, « qui fait les traîtres et les voyous ». Ce jour-là, d’aucuns le voient déjà député. »
Il n’en est rien. Fin 1945, le résistant repart aux Pays-Bas, à Haarlem, puis à La Haye. « La reine Wilhelmine, elle-même résistante, a eu vent de l’attitude courageuse et des mérites du pasteur, et l’a fait venir auprès d’elle. »
Nommé chapelain de la reine
Distinction suprême, il est nommé chapelain de la reine en 1947, rôle qu’il conservera auprès de la princesse Juliana. Après le décès de sa bien-aimée Madeleine et au terme d’une longue vie d’engagement, Marc Jospin finit par se retirer dans son cher Poitou, à Bois-Pineau, qui sera son havre de paix pendant 19 ans. Le pasteur engagé rend finalement les armes à l’âge de 95 ans, le 20 août 1995. Il y a tout juste 20 ans.
la question
Le pasteur cellois a-t-il un lien de parenté avec l’ex-Premier ministre ?
Le pasteur de Vitré est le grand-oncle de Lionel Jospin. Héliodore Jospin, le père de Marc, était le 11e d’une fratrie de 17 enfants. L’un de ses frères aînés, Georges Jospin, a eu pour petit-fils un certain Lionel, Premier ministre de 1997 à 2002. Pierre Magnan s’est promis de le convier à l’une des conférences sur son oncle, qu’il animera lors des Journées du patrimoine, les 19 et 20 septembre, à Beaussais-Vitré.
la phrase
« J’en appelle à ceux qui se souviennent encore de lui. »
Pierre Magnan a pour projet de rédiger un livret en souvenir du pasteur de Vitré. À cette fin, il est toujours en quête de documents concernant la vie de Marc Jospin durant l’occupation allemande et sa retraite à Bois-Pineau.
Tél. 05.49.08.29.57,
[email protected],
112, boulevard des Arandelles
79180 Chauray.
en savoir plus
Pasteur de père en fils
Fils aîné du pasteur Héliodore Jospin, Marc voit le jour à Montredon-Labessonnié (Tarn), le 29 mai 1900. Il est âgé de 10 ans lorsqu’en suivant son père, il découvre les Deux-Sèvres et Vitré. Il y fréquente l’école primaire et passe le certificat d’études au chef-lieu de canton en 1911. À l’issue de ses études secondaires, il entre à la faculté de théologie de Paris. À 25 ans, le jeune Marc Jospin épouse Madeleine Vincent, à Angers. Le couple donne naissance à un fils, Ariel, en 1926. Lui aussi sera pasteur, mais décédera préma- turément, à l’âge 30 ans, laissant derrière lui une jeune épouse, Colette, avec qui il a eu une fille. En 1927, après deux années passées à Saint-Maixent-l’École, Marc Jospin est nommé pasteurà Vitré, où il retrouve ses camarades d’enfance et de jeunesse. Il y restera dix ans.
source :
http://www.lanouvellerepublique.fr/Deux-Sevres/Actualite/24-Heures/n/Contenus/Articles/2015/08/20/Vingt-ans-apres-le-pasteur-resistant-sort-de-l-ombre-2436222