Jihad et haine des Juifs : ce point commun entre l’essor du nazisme et de l’islamisme
A ceux qui pensent que l’islamisme se nourrit de la tragédie du peuple palestinien, ce livre montre que cette assertion est contredite par l’histoire de l’islamisme radical, dont la rhétorique violemment antijuive a précédé la création de l’Etat hébreu. Extrait de « Jihad et haine des Juifs – Le lien troublant entre islamisme et nazisme a la racine du terrorisme international », de Matthias Küntzel, publié aux éditions du Toucan
Que met en évidence notre enquête sur les origines du «jihadisme» moderne ? D’abord il faut souligner que l’essor du nazisme et de l’islamisme fut simultané. Et ce n’était pas par hasard, car les deux mouvements tentaient de répondre à la crise du capitalisme. Si différentes furent-elles, leurs réponses avaient en commun un trait central et crucial : pour tous deux le sentiment d’appartenir à une communauté homogène avait été suscité par la mobilisation pour la guerre et les pogroms contre les juifs.
Ni le mufti ni les fondateurs des Frères musulmans n’étaient des créations du fascisme européen. Mais ils en furent renforcés. Comme un frère aîné le national-socialisme avait soutenu le jeune mouvement islamiste avec des mots de ralliement, des encouragements intellectuels et de l’argent. Avec le «procès juif du Caire» les nazis avaient exporté l’antisémitisme en Égypte. Des mouvements tels que Jeune Égypte modelaient leurs défilés dans les rues sur ceux des nazis. Les Frères musulmans recevaient un soutien financier de l’agence de presse allemande en Égypte. Encore une fois, c’est grâce à l’argent des nazis que le mufti a pu maintenir le soulèvement en Palestine, dont al-Banna s’est servi alors pour intensifier la formation du mouvement jihadiste.
Second point de notre enquête. Nous avons appris que le conflit palestinien n’a pas de racines «naturelles» ou «historiques », mais que son escalade était et est encore le résultat d’une campagne dûment menée. Alors que le fondamentalisme juif a toujours été une force minoritaire au sein du sionisme, dans le camp arabe le courant radical antijuif mené par al-Husseini et al-Banna a prévalu par des batailles sanglantes contre ses opposants. Leur «guerre sainte» n’a jamais eu pour but une vie meilleure ou le bonheur individuel, mais elle servait une mission «plus haute»: le renforcement d’une identité religieuse exclusive qui éliminait tout ce qui lui était étranger et ostracisait ceux qui hésitaient comme des déserteurs.
Extrait de « Jihad et haine des Juifs – Le lien troublant entre islamisme et nazisme a la racine du terrorisme international », de Matthias Küntzel, publié aux éditions du Toucan, 2015.
Djihad et haine des Juifs – Le lien troublant entre islamisme et nazisme
uel est le lien entre le nationalisme arabe – et palestinien en particulier – , le nazisme et l’idéologie du djihad, qui connaît un regain d’intensité depuis le 11 septembre 2001 ? La réponse à cette question se trouve dans un livre important du chercheur Matthias Küntzel [photo ci-contre], qui vient d’être traduit en français. Professeur à l’université de Hambourg et chercheur à l’université hébraïque de Jérusalem, Küntzel étudie depuis de nombreuses années l’antisémitisme et ses formes contemporaines, et les liens historiques entre l’islamisme et le nazisme. Il y a quelques années, une conférence qu’il devait donner dans une université anglaise fut annulée au dernier moment, car son intitulé comportait l’expression « antisémitisme islamique », qui fut jugée offensante pour les musulmans…
Un sujet tabou en Europe aujourd’hui
Le thème des recherches de Küntzel est en effet un sujet tabou en Europe aujourd’hui, et c’est un pan totalement occulté de l’histoire du vingtième siècle que son livre révèle au lecteur francophone : celui du « lien troublant entre islamisme et nazisme », qui se trouve « à la racine du terrorisme international », comme l’explique le sous-titre du livre. Ayant moi-même écrit sur le sujet de l’islamisme, j’ai pu constater combien la littérature en français était pauvre sur ce sujet, et combien les livres existants – y compris les meilleurs – étaient marqués par une vision politiquement correcte de l’histoire récente. Ainsi, le chercheur Gilles Kepel, qui dirige la chaire Moyen-Orient à l’école des sciences politiques et a consacré plusieurs ouvrages éclairants à l’islam contemporain, occulte souvent le discours antijuif des principaux idéologues des Frères musulmans, au point d’omettre dans sa bibliographie de Sayid Qutb le fameux opuscule « Notre combat contre les Juifs » (dont le titre rappelle celui duMein Kampf d’Hitler).
Si le lien entre islamisme et nazisme est un secret aussi bien caché par les auteurs français, c’est que ceux-ci présentent souvent sous un jour positif l’islamisme, considéré comme un mouvement progressiste ou tiers-mondiste (c’est la thèse des livres de François Burgat et, dans une moindre mesure, de ceux d’Olivier Roy). Récemment encore, il était difficile de trouver des ouvrages en français abordant les liens entre l’islam et l’Allemagne nazie, à l’exception du livre pionnier des journalistes Roger Faligot et Rémi Kauffer, Le croissant et la croix gammée, paru il y a près de vingt ans et jamais réédité. Le livre de Matthias Küntzel, préfacé par Pierre-André Taguieff, vient combler cette lacune (il a été traduit auparavant dans une dizaine de langues, y compris l’hébreu).
La lecture de ce livre est enrichissante, à la fois pour comprendre l’histoire et pour éclairer l’actualité la plus brûlante. L’auteur aborde, de manière synthétique et documentée, les thèmes suivants : les Frères musulmans et la Palestine, l’islamisme égyptien de Nasser à nos jours, le djihad du Hamas et le 11 septembre et Israël. La première partie montre comment le thème de la Palestine et de la lutte contre le sionisme et contre les Juifs a occupé une place essentielle dans la rhétorique des Frères musulmans, dès la création (en 1928) du mouvement islamiste égyptien, matrice des principales organisations islamistes contemporaines, du Hamas jusqu’à Al-Qaida. L’homme qui a servi de lien entre les Frères égyptiens et la Palestine n’est autre que le tristement célèbre Amin al-Husseini, le « grand Mufti » de Jérusalem, fondateur du nationalisme palestinien et ami d’Adolf Hitler.
Une haine métaphysique et rédemptriceLoin d’être purement fortuit ou circonstanciel, le lien consubstantiel entre islamisme et nazisme s’est en effet perpétué depuis le début des années 1930 et jusqu’à nos jours. Küntzel montre comment l’antisémitisme radical occupe une place essentielle dans la doctrine politico-religieuse des Frères musulmans et de toute la mouvance islamiste issue des Frères. Il s’agit, selon l’auteur, de la clef de voûte de l’idéologie islamiste, qui se structure – tout comme le nazisme à son époque – autour de la haine des Juifs. Après avoir passé la plus grande partie de la guerre à Berlin, où il animait les émissions en arabe de la radio nazie, Al-Husseini put échapper aux procès de l’après-guerre grâce à la complicité du quai d’Orsay. Un des plus fameux disciples du mufti pronazi sera son petit-neveu, Yasser Arafat, qui fut membre des Frères musulmans et militant islamiste avant d’adopter la rhétorique du « nationalisme laïc » palestinien, pour mieux séduire la gauche et l’extrême-gauche occidentale, avec le succès que l’on sait.
L’antisémitisme radical des islamistes n’a rien à voir avec la politique israélienne, ni avec l’occupation de territoires « arabes » en 1967 : il s’agit d’une haine quasi-métaphysique, à caractère exterminationniste et rédempteur. Aux yeux de Qutb, d’Al-Banna (fondateur des Frères musulmans et grand-père de Tariq Ramadan) ou de Ben Laden, les Juifs doivent être exterminés pour que l’islam triomphe, et cet impératif s’inscrit dans une vision eschatologique de l’ultime combat contre les Juifs, qui doit précéder l’instauration de l’islam sur toute la terre… On comprend dès lors l’inanité de toute tentative de négocier ou de trouver un modus vivendi avec les islamistes du Hamas ou d’Al-Qaida. On ne peut pas signer d’accord de paix avec les islamistes, mais tout au plus une trêve provisoire (comme celle conclue par Mahomet lorsqu’il se trouva en situation d’infériorité). Et l’islamisme – tout comme le nazisme dont il a recyclé une grande partie de l’idéologie – ne peut qu’être totalement vaincu.
Itshak LURCAT
Matthias Küntzel, Jihad et haine des Juifs, éditions L’Œuvre, Paris 2009.
C’est bien ce que je pensais… L’Islam reprend la relève du nazisme…