J.FORUM :Gordon Thomas, Le Mossad, les nouveaux défis. Enquête

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Par Maurice-Ruben Hayoun le 14.08.2020
Après l’Histoire sécrète du Mossad, voici un nouvel ouvrage qui complète parfaitement ce que cet auteur nous avait appris précédemment.
Le titre comporte aussi un détail qui conserve toute son importance quand on commence la lecture, c’est le terme : enquête. Gordon Thomas (un nom d’emprunt ou de plume ?) a mené rondement son enquête, puisant aux meilleures sources, notamment celles du Mossad qui lui a largement accordé sa confiance.
D’ailleurs, l’un des chefs de cette vénérable et redoutable institution, Méir Dagan qui a la préférence de notre auteur aurait pu figurer auprès de lui comme co auteur, tant il est nommé, cité et décrit à longueur de pages.
L’impression qui s’est imposée à moi à la fin de cette instructive lecture est que le Mossad est le couteau suisse de tous les gouvernements israéliens, quelle que soit leur orientation, à droite ou à gauche.

Lorsque les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères ne veulent pas ou ne peuvent pas accomplir une mission, on se tour,e vers le chef du Mossad qui prend les contacts nécessaires.
C’est valable aujourd’hui encore : au moment où je rédige, c’est Yossi Cohen, l’actuel chef de cet Institut, qui négocie avec le Qatar l’argent à distribuer aux indigents de la bande côtière de Gaza. Et ce n’est pas la première fois. Enfin, il y a de nombreuses années, ce fut déjà Méir Dagan qui effectua un voyage éclair en Chine afin de régler un problème entre les deux pays.
Difficile de résumer tout ce que relate ce beau livre, écrit certes, avec de la bienveillance mais sans parti pris. Ce sont deux choses différentes. Ce qui me frappa, c’est l’étendue du spectre dont dispose cet Institut qui veille non seulement sur la sécurité d’Israël, mais disons le sans exagération, sur la survie du pays des juifs. Cela fait penser au verset d’un Psaume célèbre qui dit ceci ; Dieu ne somnole ni s’endort, tant il est le gardien d’Israël.
L’Etat d’Israël n’aurait sûrement pas survécu aux attaques et aux projets de destruction qui le menacent depuis le jour de sa naissance, n’étaient la grande efficacité et le professionnalisme de ce glaive qui n’est jamais dans son fourreau.

Il est toujours brandi au-dessus de la tête de ses ennemis qu’il poursuit souvent jusqu’à leur élimination. En une phrase, la réputation de ce service secret n’est plus à faire puisque des gouvernements de grandes puissances l’associent souvent à leurs recherches pour découvrir les commanditaires d’attentats ou l’identité des criminels qui agissent contre leurs intérêts…
Mais il y a un point sur lequel je me suis posé quelques questions, et c’est un point qui figure au tout début de ce livre : selon l’auteur, le Mossad se serait allié aux services spéciaux chinois pour dérober des documents secrets américains concernant la bombe atomique.
Cela me paraît invraisemblable et n’aurait, de toute façon, jamais été pardonné par les USA. Je pense que l’auteur n’a pas recoupé ces informations avec d’autres renseignements provenant d’autres sources..
En revanche, il est fondé à dire que sur la requête de l’allié US, Israël a dû annuler des livraisons de matériels informatiques jugées trop sensibles par Washington. Ce dédit a coûté aux industries de pointe israéliennes des dizaines de millions versés aux autorités chinoises.
En revanche, que le Mossad soit intervenu auprès des chinois afin de dissuader la Corée du Nord de se lancer dans la fabrication d’armes chimiques et bactériologiques, cela paraît parfaitement possible. Surtout en raison de ses connexions avec le régime des Mollahs…

Le Mossad a des antennes partout dans le monde, plus encore que ce que l’on croit communément, si l’on s’en tient à ce que décrit le présent ouvrage. Ceci s’explique par le surcroît d’ennemis du peuple et de l’Etat d’Israël.
Comptant sur des milliers d’informateurs, pas tous nécessairement juifs, d’ailleurs, de par le monde, le Mossad recueille toutes sortes d’informations susceptibles de l’intéresser : c’est ainsi qu’il a pu suivre et identifier les collaborateurs les plus proches du père de la bombe pakistanaise, observer chez eux leurs faits et gestes, ainsi qu’à l’étranger : ce sont eux qui ont aidé la Corée du Nord laquelle a mutualisé ses profiys dans le domaine nulcéaire avec le régime des mollahs iraniens.
Même Ben Laden a intéressé le Mossad qui détenait sur le commanditaire des attentats du 11 septembre des informations très sensibles. Suite à un cataclysme naturel dans le no man’s land entre le Pakistan et l’Afghanistan , les services ont intercepté une conversation entre le terroriste en chef et sa mère qu’il priait de l’excuser car il ne serait pas présent à son anniversaire !!!
Donc, les informations qui le donnaient pour mort étaient fausses. Il était bien vivant, car il communiquait avec son fils aîné qu’il jugeait digne de lui succéder. Ce fils a récemment, en 2010, été tué par la CIA.
D’autres secteurs du monde intéressaient et intéressent toujours le Mossad, notamment l’Iran des Mollahs avec sa névrose anti-israélienne.
L’auteur raconte en détails la frappe préventive envisagée par les Israéliens contre ce pays qui s’était juré leur perte. On dit que sur un bâtiment officiel de Téhéran, on peut lire un message en lettres géantes : Israël doit brûler…
Le Mossad développe aussi de nombreuses guerres psychologiques afin de discréditer les ennemis de l’Etat d’Israël, en l’occurrence Yasser Arafat qui aurait largement profité, à titre personnel, des dons financiers internationaux qui auraient dû profiter aux masses palestiniennes. Certains de ses proches ont même été invités par la justice française à rendre des comptes.
Ce qui m’a le plus frappé ici, c’est le portrait brossé du l’ancien président iranien, Mahmoud Ahmanihenjadh qui avait fait carrière dans les gardiens de la révolution avant d’occuper les fonctions de chef d’Etat après avoir battu Rafsandjani, plus ouvert à une entente avec l’Occident.
On voit évoluer sous nos yeux un homme victime d’obsession, notamment la venue du Mahdi, qui signerait l’aube de la domination musulmane sur le monde. Il y croyait vraiment et vénérait le martyre, l’encourageant de toutes ses forces.
On peut avancer sans trop de risque de se tromper que la surveillance de l’Iran et les activités d’espionnage dans ce pays revendiquent, avant tout le reste, l’attention vigilante du Mossad.
Lequel semble disposer de bien des sources sur place ou dans le voisinage. Mais cette animosité mortelle de l’Iran vis-à-vis de l’Etat juif a des retombées positives : les Etats arabes modérés (il y en a) collaborent avec Israël en cachette car ils se sentent menacés par le pays des Mollahs qui rêve de jouer le rôle si envié de gardien des lieux saints. Ce qui revient en clair à neutraliser l’Arabie Saoudite… Une telle action déséquilibrerait le rapport de forces dans la région et ne serait jamais permis par Washington.
L’auteur consacre des pages éclairantes au rôle de l’Arabie dans la région : le pays des Ibn Saoud finançait longuement le terrorisme en faisant mine de le combattre. Les attentats du 11 seeptembre l’ont prouvé.
Mais l’Arabie a soudain changé de pied quand elle s’est rendue compte que les Iraniens, d’un côté, Al-Quaida, de l’autre, ne feraient preuve d’aucune clémence à l’égard des familles princières régnantes. D’où le rapprochement très marqué avec Israël avec des allées et venues afin de brouiller les cartes et ne pas trop indisposer les Palestiniens…
Au moment où je rédige, depuis hier, on appris la décision historique des Emirats Arabes Unis de normaliser leurs relations avec l’Etat hébreu. Le terme normaliser doit être examiné avec soin ; on ne parle pas de traité de paix puisque l’état de belligérance était virtuel, limité à une rhétorique guerrière verbale. Sans faire preuve d’un excès d’optimisme , c’est un tournant historique dont il faut créditer le Premier Ministre Benjamin Netanyahou et aussi le président Donald Trump.
Le Mossad a été associé à maintes opérations anti-terroristes montées par des services occidentaux amis, notamment la CIA et le MI6 anglais. Il a bénéficié des aveux arrachés sous la torture des prisonniers afghans ou d’Al-Quaida.
Tout le monde a eu vent de ses sites noirs où l’on disparaissait après avoir donné les informations dont on disposait. Les descriptions des moyens de coercition sont horrible, mais cela pose un problème de philosophie éthique : doit-on permettre que la vie de civiles innocents soit menacé et traiter humainement les suspects ou déployer des moyens que la morale, que l’éthique réprouvent ?
Je ne me sens pas en mesure de trancher, même si je souhaite que nos vies soient épargnées. Le Mossad n’a pas, nous dit-on, participé à ces interrogatoires musclés mais a pris connaissance de toute information susceptible de l’intéresser…
Le monde du renseignement est certes fascinant mais aussi fort angoissant, surtout quand on lit les menaces de guerre chimique et bactériologique pesant nos démocraties comme une redoutable épée de Damoclès.
Après tout, les terroristes islamistes avaient projeté d’introduire aux USA une bombe dite sale, capable de créer un désastre inouï dans le pays. Il a bien fallu poursuivre et arrêter le cerveau de toute l’opération. Je doute qu’il ait livré ce qu’il savait si on lui avait parlé avec douceur…
(A suivre)
Maurice-Ruben Hayoun

Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à l’université de Genève. Son dernier ouvrage: Joseph (Hermann, 2018)
Source :
https://www.jforum.fr/gordon-thomas-le-mossad-les-nouveaux-defis-enquete.html

Gordon Thomas (né le 21 février 1933 au Pays de Galles, mort le 3 mars 2017 à Bath1) est un journaliste d’investigation gallois, et l’auteur de nombreux succès de librairie, dont Histoire secrète du Mossad ou encore Les Armes secrètes de la CIA et en 2008 Histoire des services secrets britanniques.
Il a publié 47 livres traduits dans le monde entier et vendus à plus de 50 millions d’exemplaires. La majorité de ses ouvrages traitent des services secrets. Il est également le coauteur, avec Max Morgan-Witts, de plusieurs enquêtes historiques, comme Les dernieres heures de Guernica, ainsi que de plusieurs romans d’espionnage.
Toutefois, de nombreux spécialistes du renseignement français citent l’auteur dans leurs ouvrages comme référence incontournable. Ses sources sont des officiers en activité ou à la retraite de divers services dont le Mossad, la CIA, le MI5 et le MI6. Critique envers les tortures et expérimentations d’armes chimiques par la CIA, Thomas a pu être considéré comme favorable au Mossad dans le livre qu’il lui a consacré. Toutefois, son second ouvrage sur les récentes activités de l’agence israélienne, Mossad, les nouveaux défis, en donne une vision plus critique, soulignant notamment les insuffisances du service israélien lors de la dernière guerre au Liban en 2006.
Dans son dernier ouvrage, l’auteur raconte l’histoire des services secrets britanniques, MI5 et MI6, qu’il côtoie depuis les années 1960.
Il vivait en Irlande en 2006 selon l’AFP. Il est mort le 3 mars 2017 à Bath au Royaume-Uni.
Ses livres ont été décriés dans des critiques écrites par des personnes familières du monde du renseignement. Par exemple, dans son livre sur les services secrets britanniques, il confond à de nombreuses reprises MI5 et MI6. Il n’aborde pas plusieurs évènements importants comme l’incident de Venlo ou le traitement d’Oleg Penkovsky3. Il cite une conversation entre Stewart Menzies et Allen Dulles à la conférence de Yalta, alors qu’aucun des deux n’y a assisté, et il dit avoir interviewé William Casey pendant sa retraite, alors que Casey tomba gravement malade en janvier 1987 quand il était encore directeur de la CIA et fut hospitalisé jusqu’à sa mort en mai suivant.
Une critique de la CIA conclut que « premièrement, aucun autre livre sur le renseignement n’a autant d’erreurs. Deuxièmement, les faits qui sont corrects ne sont pas nouveaux. Troisièmement, bien que l’auteur dise avoir été “acclamé pour ses sources”, il n’y a pas de notes de citation de sources4 ».
Ouvrages
• 1969 The day the World Ended (sur l’éruption de la Montagne Pelée, en coll. avec Max Morgan-Witts) (ISBN 978-0586033142)
• 1978 La mort qui tomba du ciel : Hiroshima, 6 août 1945 (en coll. avec Max Morgan-Witts) (ISBN 2-7144-1167-3)
• 1983 Dans les couloirs du Vatican (en coll. avec Max Morgan-Witts)
• 1985 Les émissaires du Vatican (en coll. avec Max Morgan-Witts)
• 1987 Les célibataires de Dieu (ISBN 978-2234020009) (en coll. avec Françoise Mayneris)
• 1988 Wall Street: les coulisses du krach de 1929 (ISBN 978-2847364040)
• 1996 Parfum du mort (roman) (ISBN 978-2841141739)
• 1998 Ozone meurtrier (roman) (ISBN 978-2871534280)
• 1999 Les ombres du Mossad (ISBN 978-2258051324) (titre original Gideon’s spies)
• 1999 Histoire secrète du Mossad : De 1951 à nos jours (ISBN 978-2757-80285-4)
• 2006 Les Armes secrètes de la CIA (ISBN 978-2-84736-174-2)
• 2007 Les dernières heures de Guernica (ISBN 978-2-84736-225-1)
• 2008 Histoire des services secrets britanniques (ISBN 978-2-84736-357-9)
• 2008 Mossad: les nouveaux défis (ISBN 978-2757802878)

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