ISLAMISATION « En France, la forte radicalisation des mineurs est préoccupante »

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INTERVIEW EXCLUSIVE. Trois attentats déjoués en 2022, contre neuf en 2024… Le procureur national antiterroriste Olivier Christen souligne que tous les critères d’évaluation de la menace d’attentats islamistes sont en hausse.
Par Sandra Buisson

our la première fois depuis près d’une décennie, le terrorisme n’a tué personne en France l’an dernier. Mais cela ne veut pas dire que la menace islamiste recule, explique au Point le procureur national antiterroriste Olivier Christen, à la tête du Pnat – le Parquet national antiterroriste, créé en 2019 – depuis le 22 avril 2024. Des mouvements implantés à l’étranger cherchent activement des relais pour frapper en France.
Le Point : Quel est le bilan du Parquet national antiterroriste (Pnat) en 2024 ?
Olivier Christen : D’abord la préparation des JO, notamment l’articulation de notre dispositif avec nos partenaires européens et les parquets des villes accueillant des épreuves, nous a permis de déjouer trois attentats liés aux Jeux. Et 1 000 visites domiciliaires ont été autorisées après analyse du Pnat.
Plus de la moitié des attentats terroristes islamistes commis dans l’UE de 2021 à 2023 l’ont été en France.
Alors que deux attentats ont été commis en 2024 (dans la Sarthe et à La Grande-Motte), c’est la première année depuis 2015 que nous n’avons eu à déplorer aucun mort dû au terrorisme. Pour autant, tous les critères d’évaluation de la menace djihadiste sont à la hausse à l’échelle européenne. Plus de la moitié des attentats terroristes islamistes commis dans l’Union de 2021 à 2023 l’ont été en France, où le nombre des procédures ouvertes sur ce sujet a bondi de 70 % au cours des deux dernières années. Nous sommes, en outre, passés de trois attentats déjoués en 2022 à neuf en 2024.
Comment évolue le visage de cette menace ?
Il y a un rajeunissement certain, qui s’observe aussi au niveau européen. En France, un cinquième des individus mis en examen en 2024 pour des faits de terrorisme étaient mineurs, soit 19 jeunes, majoritairement âgés de 16 à 18 ans, dont la moitié environ ont été incarcérés. Ils étaient 15 en 2023, alors que, précédemment, c’était de l’ordre de 2 ou 3 par an. Quand les mis en examen sont majeurs, ils sont souvent très jeunes, âgés de 18 à 21 ans. Leurs profils sont divers sur le plan socio-économique ou familial. Ce sont des individus qui ont souvent commencé par être fascinés par l’ultraviolence. Pour certains, les algorithmes les amènent ensuite vers des publications diffusant de la propagande qui vont favoriser l’adhésion aux thèses des organisations terroristes et le passage à l’acte.
En France, un cinquième des individus mis en examen en 2024 pour fait de terrorisme étaient mineurs.
Quels types d’attentats peuvent survenir ?
Vu la configuration des organisations terroristes aujourd’hui, la projection de commandos sur notre territoire comme cela s’est produit en 2015 n’apparaît pas comme la menace la plus probable, même si elle n’est pas impossible. Nous sommes plus forts grâce au renforcement du renseignement et du dispositif judiciaire et à leur coordination. Il ne faut cependant pas baisser la garde. L’État islamique et Al-Qaïda conservent un calendrier qui cible nos territoires. Cela se matérialise de deux manières : la menace commandée et la menace inspirée, qui sont les plus prégnantes.
Quelles sont leurs particularités ?
La menace commandée émane de l’État islamique au Levant, au Khorassan (EI-K) – c’est-à-dire en Afghanistan –, mais aussi d’Al-Qaïda, notamment en Afrique sahélienne. Des terroristes déclenchent à partir de ces zones l’action d’un individu qui est déjà sur notre territoire, qui a pu ne jamais le quitter, mais qui est en contact plus ou moins actif avec ces organisations-là. Nous portons une attention plus spécifique à certaines personnes radicalisées de la communauté ciscaucasienne (Tchétchènes, Ingouches), russophones, souvent de la deuxième génération en France, qui peuvent être davantage ciblées par les organisations djihadistes pour les faire passer à l’acte. Les auteurs de l’attentat d’Arras et de celui contre Samuel Paty étaient proches de cette typologie-là. La menace inspirée, c’est celle qui vient d’individus n’ayant aucun contact direct avec les membres d’une organisation terroriste basés à l’étranger, mais qui se nourrissent de la propagande diffusée en masse et dans plusieurs langues grâce à l’intelligence artificielle. Dans sa forme et son mode de diffusion, cet endoctrinement s’adresse à un public très jeune et extrêmement perméable à la situation internationale, particulièrement depuis l’attaque du 7 Octobre en Israël.
L’État islamique et Al-Qaïda conservent un calendrier qui cible nos territoires.
C’est dans ce contexte qu’a eu lieu en 2024 l’attentat contre la synagogue de La Grande-Motte…
Effectivement. Les djihadistes ont toujours eu une approche antisémite de leurs actions. Sur les comptes des réseaux sociaux des individus interpellés depuis fin 2023, nous constatons la multiplication des propos antisémites violents.
La chute de Bachar el-Assad en Syrie a-t-elle modifié la menace terroriste qui pèse sur la France ?
S’il est trop tôt pour savoir quel en sera l’impact, nous avons toutefois trois points de vigilance : Daech peut-il tirer avantage de la situation ? Comment vont se positionner les 40 à 60 Français qui étaient dans la poche d’Idlib [au nord-ouest de la Syrie, NDLR], sachant qu’ils étaient plutôt en rupture avec le HTC [groupe rebelle islamiste qui y a pris le pouvoir, NDLR] ? Enfin, nous avons 66 femmes retenues et 65 hommes détenus par les Kurdes dans le Nord-Est syrien, ainsi que 130 enfants. Tous nos ressortissants sur zone, même présumés morts, sont visés par des enquêtes judiciaires suivies par mon parquet. S’ils reviennent, nous avons les capacités juridiques de les appréhender.
L’une des menaces vient d’individus qui se nourrissent de la propagande diffusée en masse et dans plusieurs langues sur les réseaux sociaux. Cet endoctrinement s’adresse à un public très jeune.
Quel impact la situation en Syrie a-t-elle eu sur votre autre domaine de compétence, les crimes de guerre et crimes contre l’humanité ?
Nous avions des procédures ouvertes à la fois contre le régime syrien et contre des membres des factions djihadistes impliqués dans la guerre civile à partir de 2012. L’évolution en Syrie nous conduit à réappréhender les enquêtes ouvertes contre le régime déchu. Une réunion a lieu cette semaine, à notre initiative, à Eurojust [l’Agence de l’UE pour la coopération judiciaire en matière pénale, NDLR] pour coordonner les investigations engagées en Europe. Les 44 procédures sur la zone irako-syrienne représentent 27 % des procédures suivies par le pôle « crimes contre l’humanité ». Et 24 portent sur le régime ou sur ses affiliés.
Le Pnat assure le suivi centralisé de la prise en charge des mineurs de retour de la zone irako-syrienne. Comment vivent-ils aujourd’hui en France ?
Ils sont 342 enfants – 52 % sont des garçons et 48 % des filles. 96 % d’entre eux ont séjourné en zone irako-syrienne, les autres étaient en Afghanistan, au Yémen ou en Libye ; la moitié sont nés là-bas, et certains n’ont pas de famille ici ; 163 ont été rapatriés par l’État et les autres sont revenus avec leurs parents. Ces enfants ont été victimes du choix de leurs parents et mis en danger, physique et/ou psychologique.
Les 313 encore mineurs (5 % d’entre eux ont plus de 16 ans) sont suivis judiciairement dans 56 départements par un juge des enfants, et font l’objet d’une prise en charge pluridisciplinaire coordonnée par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), en lien avec l’Aide sociale à l’enfance (ASE). 29 enfants sont devenus majeurs. Certains ont adhéré au dispositif de protection jeune majeur, permettant la poursuite du suivi judiciaire par la PJJ ou l’ASE.
Une infime minorité (une dizaine sur 344) fait l’objet d’un suivi plus particulier pour avoir tenu des propos et/ou eu des attitudes qui peuvent paraître potentiellement inquiétants – mais qui restent toutefois ceux d’enfants.
Parmi les 424 individus actuellement condamnés pour terrorisme, 236 sont en détention et 188 en milieu ouvert. Ils sont environ 60 à sortir chaque année.
Quelle menace représentent les condamnés pour terrorisme qui sortent de prison après avoir purgé leur peine ?
C’est une préoccupation constante. Ils sont actuellement 424 condamnés pour terrorisme sous main de justice : 236 en détention et 188 en milieu ouvert. Ils sont environ 60 à sortir chaque année. Chaque sortie est préparée plusieurs années en amont par une évaluation très fine effectuée par le renseignement pénitentiaire et par une coordination systématique avec la DGSI garantissant une articulation optimisée entre les dispositifs judiciaires et administratifs de suivi.
Vous avez recensé quatre procédures pour terrorisme d’État. De quoi s’agit-il ?
C’est une menace qui semble renaître et se caractérise par l’utilisation, par des États ou des services étrangers, d’intermédiaires issus, notamment, de la criminalité organisée. Ils leur font commettre des actions contre des opposants ou des communautés contre lesquelles ils sont en lutte. Je pense en cela à la communauté juive en Europe, qui est ciblée en particulier par l’Iran. Nous ne sommes pas le seul pays concerné, l’Espagne, la Belgique ou l’Allemagne y sont aussi confrontées. Les actions commanditées peuvent être extrêmement violentes, allant d’atteintes aux biens jusqu’à des assassinats.
Le terrorisme d’État semble renaître. Des pays ou des ¬services étrangers utilisent pour cela des intermédiaires.
Est-ce que l’arrestation en juin du Russo-Ukrainien qui s’est blessé en préparant des explosifs près de Roissy en fait partie ?
Les services de lutte antiterroriste observent depuis un certain temps des faits d’ingérence des services russes en France. Nous serions ici dans un cas de terrorisme par intimidation, utilisé pour faire pression sur les autorités.
Comment se présente l’année 2025 pour vos équipes ?
Nous sommes 52, dont 30 magistrats, pour assurer, côté parquet, l’ensemble de la chaîne pénale, de la judiciarisation du renseignement jusqu’à l’exécution des peines et l’intervention dans les procès d’assises. Cette année encore, un ou deux magistrats du Pnat siégeront chaque jour en cour d’assises en matière terroriste, charge à laquelle s’ajoutent les procès pour crimes internationaux. Il en sera ainsi jusqu’en 2027.
L’année 2025 nous permettra également de développer les partenariats. Après la création d’un Comité de juridiction antiterroriste (Cojat) au sein du tribunal judiciaire de Paris, nous poursuivrons la coopération avec les parquets territoriaux qui traitent les faits d’apologie ou de provocation à un acte de terrorisme et continuerons les échanges avec Tracfin (service de renseignement financier) quant à la détection du financement du terrorisme. Enfin nous renforcerons nos relations avec les associations de victimes du terrorisme ou d’aide à ces victimes et nous exercerons les compétences du parquet civil devant le juge des victimes du terrorisme.
Source
Le Point

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2 Commentaires

  1. Verite dit :

    On ne peut pas changer ces radicalises en français car ils detestent la France dont ils profitent allègrement en plus d avoir le but ultime de sa destruction par tous les moyens 🇫🇷

  2. V dit :

    « En France, la forte radicalisation des mineurs est préoccupante »
    Je dirais même plus : en France la forte collaboration des majeurs c’est la pré-occupation.
    .
    Comme cet enculé de Aymerdic CARémencON (youtube : Pourquoi s’engager pour Gaza ?) sur la c-haine de Chacal Boniface-2rat.
    .

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