« Il m’a dit que j’étais un sale juif » : les professionnels de santé face à l’antisémitisme

L’Union régionale des professionnels de santé en Île-de-France s’inquiète ouvertement de « la multiplication des actes antisémites » dans la région francilienne depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas. France Inter a rencontré l’une des victimes.
Trois semaines après Bruno (le prénom a été changé) ne comprend toujours pas ce qui lui est arrivé. Ce dentiste d’un quartier populaire de Paris s’est fait agresser, en raison de son nom de famille à consonnance juive, sur son lieu de travail, le 7 novembre dernier. Un homme se présente et demande à être reçu en urgence, mais Bruno a déjà deux patients urgent à voir. Il lui propose de revenir une heure plus tard.
« Et là je l’ai vu vriller, avec dans ses yeux un regard noir », poursuit le dentiste. « Il m’a dit que j’étais un sale juif, qu’il allait revenir et m’égorger. Et il a refait le geste de l’égorgement avec sa main devant mon cabinet », se rappelle Bruno. Le dentiste lui court après et parvient à rattraper son agresseur au bout de dix minutes, grâce à l’aide des policiers. L’agresseur sera bientôt jugé.
« Je ne comprenais pas le rapport »
Bruno a beau répéter que depuis « ça va, il dort bien », il fond en larmes au milieu de son récit, tout comme le jour où il s’est fait agresser : « Je ne comprenait pas pourquoi on m’en voulait parce que juif. Juif, c’est une religion, moi je suis français, fier de l’être, et je ne comprenais pas le rapport. Le jour où je me suis fait agresser, je n’étais plus en état de travailler ».
« Il y a des événements qui se passent à 4000 kilomètres de chez nous, on ne comprend pas pourquoi les gens l’importent ici (…) Tout de suite dès qu’il y a quelque chose qui ne plait pas aux gens, on se fait traiter de sale juif, menacer de se faire égorger », dit-il les larmes dans la voix. « Il y a une forme d’incompréhension, et maintenant un peu de peur », poursuit Bruno, qui a acheté une bombe lacrymogène et des caméras pour son cabinet. Il explique aussi être plus vigilant, être sur ses gardes « aux premiers mots des patients ».
Multiplication des actes antisémites
Bruno n’est pas le seul à avoir été ciblé par des actes antisémites. L’Union régionale des professionnels de santé (URPS) des médecins et dentistes en Ile-de-France s’inquiète ouvertement de « la multiplication des actes antisémites » depuis le 7 octobre, dans un communiqué publié ce mercredi 28 novembre. « Les insultes, les tags, des croix de David gravées sur les plaques, et même des avis Google », énumère Fabienne Robichon, secrétaire générale de l’URPS des dentistes en Ile-de-France. Olivier, que France Inter a contacté, a par exemple porté plainte après avoir vu son cabinet de dentiste recouvert de « Gloire aux Martyrs de Gaza » il y a deux semaines.
L’URPS ne peut pas donner de chiffres précis sur les agressions, puisque les praticiens sont très peu à porter plainte, à la fois « par manque de temps », et parce que « les praticiens sont très résilients ». Mais face à cette inquiétude grandissante, l’URPS appelle tout de même à porter plainte, et réfléchit à installer les gardes du week-end dans des lieux sécurisés. Bruno lui, au contraire, souhaite reprendre son activité « presque comme si de rien n’était » : « Si on commence à changer notre façon de travailler, les gens malhonnêtes gagneront (…) il faut continuer à travailler comme avant, comme si de rien n’était, juste être un peu plus vigilant. Mais les antisémites ne gagneront pas ».
De son côté l’association des médecins israélites de France a mené un sondage auprès de 350 de ses membres (hospitaliers, libéraux, généralistes et spécialistes). 21% des répondants ont dit qu’ils avaient été victimes d’un acte antisémite depuis le mois d’octobre.
Source
https://www.radiofrance.fr/