HYPERCACHER: « Comment vivre, survivre, se reconstruire ? »

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Yaël et Eric Cohen, les parents de Yohan, la plus jeune des quatre victimes tuées dans la prise d’otages d’Hyper Cacher, confient leur souffrance. Un témoignage bouleversant.

Dévastés par la mort de leur fils, tombé le premier sous les balles d’Amedy Coulibaly lors de la prise d’otage de l’épicerie Hyper Cacher de la porte de Vincennes, le 9 janvier, Eric et Yaël Cohen, 44 ans, trouvent la force de se battre pour la petite sœur de Yohan, Megan, 16 ans.
Après l’enterrement de leur enfant au cimetière Har Hamenouhot de Jérusalem, la famille est revenue à Sarcelles (Val-d’Oise). Dimanche, elle repartira en Israël continuer son deuil. Pour la première fois, les parents de ce jeune homme de 20 ans ont accepté de revenir sur cette terrible journée.

Comment avez-vous appris la prise d’otages à Hyper Cacher ?
Éric Cohen. Il était 13 h 40 quand un collègue m’en a parlé. J’ai immédiatement pensé à mon fils, employé du magasin. Paniqué, j’ai pris mon téléphone, Yaël et ma nièce avaient essayé de m’appeler. Je ne savais plus où j’habitais. J’ai sauté dans ma voiture. Je n’avais qu’une idée en tête : rejoindre la mère de Yohan, puis le magasin. Quand on est arrivé, tout était bouclé. On a dit aux policiers que notre fils faisait partie des otages, la Croix-Rouge nous a alors emmenés dans un restaurant Subway, à 500 m de la supérette.

Yaël Cohen. Le matin, je ne me sentais pas bien. Je n’avais plus envie d’écouter les informations sur les attentats. A 13 h 28, mon beau-frère m’a appelée pour me dire qu’il y avait eu une prise d’otages dans le magasin de Yohan. J’ai cru que j’allais tomber.

Comment s’est déroulée l’attente ?
Éric. A l’intérieur, il y avait beaucoup d’autres familles. Tout le monde pleurait. Le temps semblait figé. De temps en temps, des policiers venaient nous dire : « Ne vous inquiétez pas, tout se passe bien. » A 16 h 50, on a entendu quatre détonations. C’était l’assaut. Quelques minutes plus tard, une des familles a annoncé qu’il n’y avait aucun mort. Tout le monde était soulagé, je voulais courir retrouver Yohan. Puis on nous a dit que c’était une mauvaise information. Mon fils ne nous appelait pas, ce n’était pas dans ses habitudes…

Yaël. Dans le Subway, on a tous allumé des bougies, mais seule la mienne s’est éteinte. J’ai eu un mauvais pressentiment, même si je voulais encore y croire.

Quand avez-vous su que votre fils était mort ?
Éric. Après l’assaut, on nous a tous emmenés sous une tente installée par la Croix-Rouge, que je tiens d’ailleurs à remercier. Il y avait près de 80 personnes. L’ambiance était glauque, on étouffait. Chacun perdait son calme. Vers 19 heures, une policière a fait cette annonce brutale : « Ceux que je vais appeler devront me suivre. » On a été appelé en premier… Elle nous a conduits dans une cellule de crise installée dans une banque… Je suppliais : « Dites-moi, dites-moi, il est parti ? » Elle ne disait rien, puis elle a acquiescé. Je n’avais pas versé une larme de la journée. Là, je me suis mis à crier et j’ai tapé dans les murs. Je ne pouvais plus m’arrêter. Avec Yaël, on a refusé d’aller à l’hôpital, on ne pensait qu’à une chose : retrouver notre famille.

Yaël. Au moment où on nous a dit que notre fils était parti, j’ai lâché la main d’Eric et de mon frère, j’ai levé les mains au ciel et j’ai dit à Dieu : « Je respecte ta volonté. »

Qui était votre fils ?
Éric. Tout le monde l’adorait. C’était un jeune homme jovial, d’une rare gentillesse, altruiste. Le soir de son assassinat, ses amis d’enfance m’ont dit : « On a perdu l’ami que tout le monde aurait rêvé d’avoir. » Yohan était un garçon droit. Je ne l’ai jamais vu perdre son calme. Il avait une paix intérieure, ne se plaignait jamais. Après son bac, il avait commencé un BTS en banque puis trouvé du travail à Hyper Cacher, où il s’épanouissait. Il adorait le football, surtout l’équipe de Marseille, le basket-ball et le catch. Comme moi, il était cinéphile. La veille de la prise d’otage, il m’avait envoyé un message pour me demander mon avis sur un film. C’était le dernier. Plus tard, j’ai appris qu’il parlait de moi comme un exemple à ses amis. C’était aussi un exemple pour moi.

Yaël. Nous étions très complices. Il vivait à la maison avec sa sœur Megan. Le matin, il mettait son nez contre moi comme un chat, toujours joyeux en se levant. Yohan était d’une sensibilité extrême. Le 9 janvier, comme tous les matins, il m’avait envoyé : « Bien arrivé au travail, maman je t’aime. » Il se confiait souvent à nous, à sa sœur, sa mamie Rosa et son papi Paulo. Il adorait regarder Chaplin avec son grand-père Doukha.

Etait-il pratiquant ?
Éric. Il ne faisait pas Shabbat, mais il allait tous les samedis à la synagogue avec ses amis. C’était un rituel. Il portait la kippa seulement à Hyper Cacher. Je m’opposais catégoriquement à ce qu’il la mette dans la rue. On n’avait pas peur, mais on était prudent. Yohan ne s’est jamais senti menacé.

Souhaitiez-vous ces funérailles en Israël ?
Éric. Le gouvernement israélien a choisi d’inhumer toutes les victimes ensemble. On s’est dit que Yohan méritait ces honneurs comme les trois autres. Et puis, il a été enterré dans le même cimetière que sa tante Cathy. Je ne voulais pas qu’il soit tout seul là-bas. Le jour venu, j’ai ressenti une douleur insoutenable. Mais, bizarrement, j’avais aussi une force incroyable en moi. Elle venait de mon fils. J’ai jeté vigoureusement des sacs de terre sur les dalles autour de son corps comme le veut la tradition. Accroupi devant sa tombe, j’ai promis à Yohan de m’occuper de sa sœur. Je ne sais pas si nous quitterons la France, mais je me dis de plus en plus que ma place est à côté de mon fils.

Yaël. On a essayé de rester digne pour accompagner notre fils jusqu’au bout. Je lui parlais, je répétais : « Mon fils, tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout là où l’on est. »

Qu’est-ce qui vous permet d’avancer ?
Éric. Notre vie est brisée. Je me bats pour ma fille, Megan. Ma reconstruction n’est pas importante. Je sais que je ne serai plus jamais heureux, mais si je vois qu’elle arrive à s’épanouir, cela atténuera ma peine. Depuis la mort de Yohan, je porte ses tee-shirts, ses vestes, sa montre. J’ai besoin de le sentir, c’est ma thérapie. Je suis pacifiste, j’ai horreur de l’injustice. Chaque matin, je me dis : « Comment peut-on enlever la vie à un jeune de 20 ans avec autant de facilité ? » Cette question me hante.

Yaël. Comment vivre, survivre, se reconstruire ? Heureusement qu’il y a Megan. Je me dis aussi que ça ne plairait pas à Yohan de voir tout le monde pleurer. Ce qui est sûr, c’est que j’ai reçu une grande leçon de vie. Je veux faire encore plus attention aux autres, les protéger et pouvoir les écouter s’ils souffrent.

Qu’attendez-vous de l’enquête ?
Éric et Yaël. Que justice soit faite. Il faut trouver les complices. Cela ne nous rendra pas notre fils, mais nous y trouverons sans doute une forme d’apaisement.

Comment avez-vous réagi à l’attaque de militaires à Nice ?
Éric. Un tel acte ne m’étonne pas. Les terroristes n’ont peur de rien. Jusqu’où vont-ils aller ? Je suis en colère.

Yaël. Malheureusement, l’antisémitisme est bien présent en France. Dans mon entourage, beaucoup ont peur et me racontent des scènes d’insultes ou d’agressions. Le gouvernement prend des mesures sécuritaires satisfaisantes, mais elles ne peuvent pas durer. Depuis le 9 janvier, quand je rentre dans un commerce juif pour faire mes courses, certains caissiers ont l’air tétanisé.

lire l’article du PARISIEN en cliquant sur le lien ci-après

http://www.leparisien.fr/espace-premium/actu/comment-vivre-survivre-se-reconstruire-05-02-2015-4507037.php

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5 Commentaires

  1. loai dit :

    Temoignage dechirant.ca fait mal au coeur

  2. MOULLET dit :

    Ce témoignage est déchirant, comment une telle chose a-t-elle été possible ? 70 années après la Shoa ? Comment peut-on expliquer cette pathologie qu’est l’antisémitisme ? A noter qu’à chaque fois ce sont des musulmans qui assassinent !

  3. roni dit :

    ok ils sont parti mais la vie doit prendre le dessus. il y a que le temps qui effacera la peine.

  4. Cathy dit :

    Paix à l’âme de Yohan qui n’avait rien demandé… Je me mets à la place de son digne père et j’enrage contre tous ces monstres qui pullulent en France…

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